L’instinct de survie accomplit parfois des miracles… Sinon, je ne serais pas là à marcher d’un pas rapide en direction de la Côte de Nacre. Je serais en train de me morfondre chez moi, sous une couette à me poser tout un tas de questions commençant par ‘‘Pourquoi si… ?’’, ‘‘Pourquoi ça… ?’’. J’avais été comme cela pendant un certain temps mais est-ce que j’avais obtenu des réponses quant au comportement de Mickaël à mon égard ? au sujet de pourquoi j’étais en vie alors que toute ma famille avait péri ? Non… Rien ! Alors tant bien que mal, je m’étais ressaisi et cela avait été possible par l’intermédiaire de rencontres imprévues. J’allais d’ailleurs chez une des personnes que j’avais eu la joie de retrouver par hasard, Sam ! Il avait eu la gentillesse de m’héberger après ma rupture avec Mickaël et le temps que je récupère la demeure que m’avait légué ma tante. Aussi, depuis, il était un peu devenu mon bibliothécaire personnel puisque je venais régulièrement lui emprunter des livres. Je souris à cette pensée et accélérais un peu plus le pas tout en réajustant la capuche dissimulant mes cheveux blonds que j’avais décidé de couper. Un peu de changement ne faisait de mal à personne !
Tout en marchant, je me demandais quel bouquin j’allais emprunter au brun une fois que je lui aurais rendu celui qui se trouvait dans mon sac à main blanc et qui grisonnait à cause des légères cendres présentes dans l’air. Il y avait peu, j’aurais essayé de les chasser de la main mais je savais maintenant que cela était à éviter… Je soupirais donc tout en continuant d’avancer. Un policier ! Voilà quel genre de livre j’allais choisir… Ma pensée n’alla pas plus loin car ma rêverie m’avait conduit à percuter quelque chose… enfin quelqu’un ! Je manquais de me retrouver sur les fesses et me rattrapais de justesse à la clôture ce qui eut pour effet de noircir mon gant blanc et dans le même temps, ma capuche glissa, révélant ainsi mon visage. Je relevais la tête et mon cœur manqua un battement lorsque je reconnus la vieille bâtisse…

Je savais d’ores et déjà que la personne que j’avais percutée faisait partie de celle que je ne souhaitais pas croiser. La maison appartenait à celle qui m’avait volé la personne à qui je tenais le plus… Je priais alors pour que la personne soit sa sœur mais je constatais, lorsque mes yeux se posèrent sur elle, que je n’avais pas eu cette chance. Je restais silencieuse pendant plusieurs secondes et observais Mathilda ! A vrai dire, j’aurais voulu l’éviter et regagner la maison de mon ami sans lui dire un mot mais ce n’était pas dans mon caractère…
Et je savais qu’au fond je n’avais pas assez de preuve pour la détester. Elle avait peut-être eu une relation avec Mickaël mais j’étais censée être morte. Cette pensée me déclencha un douloureux pincement au cœur mais je n’en laissais rien paraître. Cependant, je me posais encore et toujours la même question. Elle et mon ex avaient-ils commencé à flirter avant la guerre ? Je n’avais jamais demandé au brun ce qu’il faisait lorsque j’allais voir Andreia les week-ends… Malgré ce débordement d’interrogations, j’esquissais un léger et bref sourire d’excuse.


- Désolée Mathilda, j’étais ailleurs et je ne t’avais pas vu, expliquais-je en me rendant que prononcer son prénom était une véritable torture. Ça va ? Je ne t’ai pas fait mal ?


« Contrairement à toi ! » me dit une petite voix perverse… Je la chassais d’une gifle mentale tout en me rendant compte que j’avais rajouté la dernière question car on demande à ses amis s’ils vont bien… pas aux personnes qui vous ont foutu votre vie en l’air… de manière volontaire ou non !
Je plongeais alors mon regard dans celui de la brune tout en réajustant la bandoulière de mon sac et en attendant une réponse qui aurait pour effet de me libérer de cette entrevue imprévue. Car je ne pensais pas que Malthila est l’envie de me parler. Qu’aurait-elle eu à me dire ?

Je ne pense pas que je serais allée courir si j’avais su que je croiserais Emy Renault non loin de chez moi. Ou alors, j’aurais fait un nouveau tour et gagner du temps. Le temps que je m’en aperçoive, il était trop tard, beaucoup trop tard pour faire demi-tour. Et dire que pendant plusieurs semaines nous étions arrivés à ne jamais se croiser. C’était déjà merveilleux vu la petite taille de Louisville. Je ne m’en étais jamais plainte, bien au contraire. Je n’avais pas envie de croiser la louisvilloise. En même temps pourquoi en aurais-je eu envie. Je n’avais rien à lui dire, vraiment rien et surtout je n’avais pas spécialement envie de me taper ses regards haineux et ses propos colériques. Ce n’était pas de ma faute si Mickaël l’avait plaqué. Il avait pris sa décision lui-même, sans me consulter. Et pourtant cela n’avait pas été faute de lui dire justement, qu’il serait largement plus heureux avec la blonde si simple à vivre et qui semblait savoir comment l’aimer. Je n’avais rien à me reprocher, rien du tout…

Sauf que j’avais couché avec lui alors qu’elle était disparue et qu’il la pensait morte. Cela n’avait pas été prémédité, pas du tout. C’était venu tout simplement, alors même que nous passion notre temps à nous disputer et nous déchirer. Ni lui ni moi ne l’avions prévu. C’était arrivé c’est tout. Oui, si j’avais eu la certitude qu’elle était toujours en vie, je n’aurais jamais embrassé le renégat et encore moins partagé mon lit avec lui. Je n’étais pas ce genre de femme, et je ne le serais jamais. Seulement elle s’imaginait sans doute que je l’avais séduit, profitant de son absence pour me l’accaparer. Si elle savait vraiment de quoi il en retournerait, sans doute déchanterait-elle. Si avec Micka nous avions décidé de sortir ensembles – et croyez-moi ce n’était pas du tout une promenade de santé - c’était bien après qu’il est rompu avec elle et surtout de son initiative. D’ailleurs je ne savais pas vraiment combien de temps cela durerait. Advienne que pourra comme le dirait ma mère…

Je n’avais pas cherché à aller parler à Emy. Je n’avais rien à lui dire de toute façon. Personne n’était au courant pour le renégat et moi mise à part nous deux et Lyra, et je doutais qu’elle l’ait crié sur tous les toits. Je ne pensais pas non plus que l’homme en ait parlé tout autour de lui. Vu que nous ne savions pas où nous en étions vraiment, il ne se serait pas avancé. Je ne comprenais donc pas pourquoi elle trainait autour de chez moi. Est-elle venu pour m’insulter, me faire du mal, m’espionner ? Allez savoir. J’étais méfiante, encore plus lorsqu’elle se montra aimable. Cela cachait quelque chose. Que me voulez-vous Emy ? Elle m’avait tutoyé comme lorsque nous nous étions rencontré quand Micka me l’avait présenté, mais je n’en avais pas fait de même. J’étais méfiante et je n’allais pas sympathiser avec elle, alors qu’elle rêvait de me brûler vive sur un buché…

J'avais tout fait pour enfermer mes mauvaises pensées dans un coin de ma tête et c'était assez réussi depuis que j'avais recommencé à travailler. Et puis quand ce n'était pas le cas, je m'occupais l'esprit en lisant ! En bref, j'étais arrivé à m'ôter de la tête mon ex et tout ce qui allait avec... C'est d'ailleurs ma passion qui m'avait conduite sur la Côte Nacre en oubliant complètement que je risquais d'y croiser des personnes que je n'avais pas vraiment, voir même pas du tout envie de voir ! Mais comment cette idée aurait-elle pu m'effleurer l'esprit alors que je ne les avais jamais croisés durant mon séjour forcé chez Sam ?
Ce ne fut donc que lorsque je percutais quelqu'un que je réalisais où je me trouvais. Ma brève prière mentale ne fut pas exaucée car c'était Mathilda qui se tenait face à moi. Je ne doutais pas un instant qu'elle n'avait sûrement pas envie de me parler et ce sentiment était réciproque. Je lui faisais donc des excuses concernant mon étourderie et prenais la peine de savoir si elle n'avait rien. Je m'attendais à une réponse basique du genre « Non, y'a pas mal ! » avec un éventuel « Bonne journée » mais je m'étais trompée. Lorsque la brune se fut exprimée je la regardait étonnée... « Que me voulez-vous Emy ? » Je me rendais alors compte que je l'avais tutoyé et que je n'aurais peut-être pas dû mais cette pensée était un détail face au reste ! Son interrogation laissait penser que j'étais ici pour elle... Et pourquoi cela aurait-il été le cas ? Je n'en avais aucune idée surtout que lorsque l'on connaissait un peu l'histoire. Il était évident que je n'avais en aucun cas l'envie de ma retrouver en sa présence ! Mes sentiments à l'égard de la brune était plus que mitigé mais une chose était sûre. Sa simple présence ne me rappelait rien de bon, qu'elle en soit la fautive ou non !


– Je ne veux absolument rien ! répliquais-je d'un ton neutre. Cependant, ayant été remise à ma place par un vouvoiement, je faisais de même. Je ne vois pas pourquoi vous semblez croire le contraire... Votre demeure n'est pas la seule dans les alentours.


Je ne mentais pas en disant cela mais je m'interrogeais. Pourquoi celle qui avait couché avec mon ex pensait-elle que j'étais venue ici pour elle ? Est-ce que Micka avait dit quelque chose à mon sujet à Mathilda ? Cette question me brûlait les lèvres sans que je ne la pose. Et si mon ex n'avait rien dit, peut-être que la brune pensait que j'étais là pour passé mes nerfs sur elle. J'avais pensé à cette éventualité tout en sachant que je n'agirais jamais de la sorte... Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle n'était pas la responsable de ma rupture avec mon ex et j'avais appris cette douloureuse nouvelle de la bouche de ce dernier. Et puis la vie était devenue assez difficile pour ne pas en rajouter. C'est sûrement pour ça que je rajoutais quelque chose dont elle se ficherait sûrement totalement.


– J'ai été hébergé par Sam après ma r... sortie de l'hôpital et depuis je lui emprunte des livres, expliquais-je. Il faut bien s'occuper comme on peut. Je suis donc ici pour un nouvel emprunt...

Je me tenais sur mes gardes. Je n’avais pas du tout confiance en la jeune femme et j’étais persuadée qu’elle était venue pour se frotter à moi. Hors j’avais vraiment autre chose à penser qu’à cette femme. Je n’avais pas envie de la croiser, pas envie de lui parler non plus. Je ne faisais pas comme si elle n’existait pas non, mais je voulais pour autant limiter le moindre de mes interactions avec elle. Avions-nous réellement des choses à nous dire ? Je n’en étais pas du tout certaine. Et puis cela ne servirait franchement à rien. Ce qui s’était passé entre Emy et Mickaël concernait Emy et Mickaël. Si j’avais pu y jouer un rôle, cela s’était fait sans vraiment mon consentement ou ma volonté. Ainsi lui demandais-je cash ce qu’elle me voulait et pourquoi elle était ici, et venue jusqu’à moi. Je ne voulais pas m’éterniser en sa présence, surtout que cela ne donnerait rien du tout. Je n’avais pas envie non plus de lui servir de moyen de vengeance ou de réceptacle de sa colère. Au moins eut-elle le bon sens en me répondant d’arrêter de me tutoyer comme si nous étions amies. Car clairement nous ne l’étions pas. Elle me rendait d’ailleurs qu’elle n’était pas venue mon voir – comme si j’allais vraiment la croire – et qu’elle habitait chez un de mes renégats Sam. Ah bon ? Et bien voilà une nouvelle que je m’empresserais de vérifier. Mais en attendant, je lui répondais Si vous le dîtes ! Sur ce bonne journée Si Emy n’était pas venue me voir comme elle le disait, elle ne verrait aucun problème à ce que j’écourte cette conversation et que je me tire d’ici pour rentrer chez moi, me laver un peu, puis préparer le maigre repas pour ma petite sœur. Nous manquions elle et moi de plus en plus de nourriture et cela se voyait sur mon physique. J’étais moins en chair qu’avant, lui donnant la majorité du temps ma portion lui affirmant que je mangeais à la clinique. Ce qui n’était pas vrai soit dit en passant. Mais avais-je d’autres choix que de lui omettre la vérité ? Non, bien sûr que non. J’allais reprendre le chemin de chez moi, mais la jeune louisvilloise n’avait pas bougé d’un pouce et était toujours en face de moi. Je croisais les bras d’impatience et ajouta d’un ton un peu acerbe. Qu’est-ce qui ne va pas ? Vous êtes perdue c’est ça et vous voulez que je vous montre le chemin et vous prenne la main ? je n’étais pas polie ni gentille. C’était plus fort que moi… Une part de moi la détestait pour le mal qu’elle avait pu le faire indirectement et une autre part de moi s’en voulait d’avoir pu coucher avec Mickaël alors qu’il était encore avec elle. Alors oui, j’avais cru qu’elle était morte. Mais le fait reste toujours le même alors… Je me défendais pas des attaques, espérant qu’elle me fiche la paix et s’en aille.

Il ne fallait pas grand chose par les temps qui courraient pour vous foutre une journée en l'air. Et ce fait était encore plus vrai lorsque vous tombiez sur une personne que vous ne vouliez absolument pas voir ! Finalement, j'aurais peut-être du me contenter des livres qui se trouvaient chez moi... J'aurais ramener celui de Sam plus tard ! Dans un tel cas tout aurait été parfait dans le plus parfait des mondes. Mais tout cela était utopique puisque la période que nous vivions était loin d'être céleste ! Bref, tout ça pour dire que j'aurais donné cher pour ne pas tomber sur Mathilda et encore plus pour ne pas avoir été aussi maladroite. Le tutoiement avait été mal perçu et je ne pouvais pas revenir en arrière sur ce point. Je me contentais donc de corriger mon erreur en reprenant la parole pour expliquer ma présence ici.
Il était indéniable que me justifier n'était pas une obligation mais la situation semblait déjà assez tendue pour que j'en rajoute une couche. Le problème était que Malthilda ne semblait pas ravie non plus par cette rencontre hasardeuse mais que de son côté elle ne faisait aucun effort ! Au contraire, elle était même agressive. Son ''bonne journée'' assez hypocrite me fit lever les yeux au ciel. L'avantage était que son comportement mettait fin à la discussion et donc à la rencontre.


- De même, dis-je en le pensant à moitié.


Avant de reprendre ma route vers la demeure de Sam je vérifiais que je n'avais rien fait tomber, que le livre était toujours à l'intérieur de mon sac que je refermais complètement. Je réajustais la bandoulière et m'apprêtais à faire un pas lorsque mon attention fut attirée par Mathilda. Cette dernière me toisait les bras croisés sur sa poitrine ce qui me donna envie de lui balancer mes pensées à la figure. *C'est bon ! Je m'en vais...*.
Cependant la brune fut plus rapide pour reprendre la parole. J'écarquillais les yeux en entendant sa première question. Elle se fichait de moi ? J'avais tout fait pour être polie à l'exception de mon erreur avec le tutoiement et elle osait me poser ce genre de question. La suite des ses propos eut quand à elle le don de m'énerver. Les mains à présent sur les hanches je regardais Mathilda dans les yeux.


- Non, je ne suis pas perdue et non, je n'ai pas besoin d'être conduite chez Sam ! répliquais-je d'un ton tranchant. Et au sujet de la première question, je vous la retourne, continuais-je froidement. Qu'est-ce qui ne va pas ? Car visiblement vous avez un problème avec moi alors autant jouer franc jeu et me dire ce que vous me reprochez.


Oui ! C'était moi qui demandais ça à Mathilda. J'avoue que cela pouvait être perçu comme bizarre mais la brune elle-même avait amené la situation dans cette direction. Moi, j'avais voulu l'éviter ! J'aurais pu faire un tas de reproches à la ''meilleure amie'' de Mickaël mais auraient-ils été fondés ? Je n'en savais rien et je n'avais pas voulu l'apprendre.
Tout aurait pu être plus simple en cet instant si Mathilda ne s'était pas montrée si agressive dans ses paroles et son comportement.

Emy était une femme que je ne pouvais pas comprendre. Nous étions vraiment très différentes, trop peut-être. Je m’en rendais de plus en plus en compte. Mickaël était vraiment sortie avec une femme qui n’était pas moi. Je me demandais vraiment ce qu’il avait pu lui trouver et quel intérêt il avait pu avoir envers elle. Je connaissais son gout pour les femmes, et elle n’y correspondait pas du tout. Je comprenais mieux pourquoi il ne se voyait vraiment pas dans l’avenir avec elle. Elle était si… Incipide. Plus j’étais amenée à être en sa présence, moins je la supportais. Nous avions atteint ici le summum d’ailleurs de ma patience. Elle m’agaçait et je ne voyais vraiment aucun intérêt à continuer à lui adresser la parole. Elle ne faisait que me mettre en colère et j’étais fatiguée. Je n’avais pas de temps à perdre avec elle. Je ricanais d’ailleurs à ses paroles. Elle était vraiment méprisable. J’aurais pu prendre des gants oui, mais je n’en avais pas envie. Pas avec elle en tout cas. Pourquoi l’aurais-je fait ? Je ne lui devais rien, rien du tout après tout. Ce n’était qu’une louisvilloise parmi tant d’autre, à la différence qu’elle était faible et pathétique. Oui, elle était revenue jusqu’ici et alors ? Cela ne prouvait rien. Elle passait son temps à brouiller du noir, à ruminer et à pleurer. Elle ne me ressemblait vraiment pas. C’était une loque, un mouton dans un troupeau qui finirait par se faire bouffer tout cru par un loup. Et en cet instant, j’étais justement ce loup. Je ricanais et lui répondis Oh mais rien. Il n’y a rien qui puisse nous lier et j’en suis bien contente d’ailleurs. Vous n’êtes pas perdue ? Tant mieux. Vous pouvez donc passer votre chemin et me laisser tranquille. Et sur ses mots, je lui tournais le dos et repris le chemin de ma maison. Pas besoin de rester plus longtemps ici. Cette rencontre ne servait à rien, autant l’écourter