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MessageSujet: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyVen 20 Sep - 21:27

Freak.


Chaque matin, il s’agissait plus de se lever que de se réveiller, les nuits s’arrachant à moi sans vouloir me laisser en paix, me permettre un peu de repos. Jusqu’au jour où je m’affalerai dans un coin, incapable de faire un pas de plus, et que la fatigue m’emporte quelques heures et ne me lâche plus. Peut-être bien un an allait passer avant que ça n’arrive, parce qu’il y avait des fois où je me perdais quelques temps, sur le piano qui se dressait au milieu de mon salon. Il ne s’agissait que d’un lourd sommeil très peu reposant du quel il m’était difficile de m’extirper, et qui m’emmenait sans que je ne m’en rende compte. Parce que je m’oubliais tout simplement.

En cet instant, le vent s’insinua sous mon écharpe pour venir caresser ma peau et refroidir mon corps. Je refermai les cols de ma veste, essayant de garder pour moi le peu de chaleur qui me restait. J’étais à ce point égarée que je ne me souvenais pas avoir quitté le toit de ma maison, comme un vide entre le souvenir du mur froid de la chambre sous ma main, et la douceur sur mon visage des cendres qui tombaient sur Louisville. Depuis combien de temps étais-je dans cet état-là ? Moi qui avais osé dire à un ami de ne pas s’inquiéter, que « j’allais bien ». Et maintenant quoi ?

Je me donnais envie de vomir. L’égoïsme qui m’habitait me rendait folle, me faisait peur. Je n’étais qu’un monstre qui avait pris peau humaine, et qui s’amusait à tourmenter le monde qui m’entourait. Je ne faisais que compter sur le soutien de ceux qui étaient prêts à sacrifier de leur temps pour mes caprices. Je me reposais sur l’aide qu’ils m’offraient, sans rien donner en retour. Qu’avais-je à donner de toute façon ? Les montres ne font pas preuve de générosité, d’amitié ou de toute autre qualité. Je n’étais qu’une profiteuse, qui ne savait vivre que de cette façon, et qui comptait bien survivre de cette manière. N’était-ce pas honteux ?

La clochette au cou d’Ena tinta un instant, me ramenant à la réalité qui m’échappait de plus en plus en souvent, de plus en plus longtemps. J’étais déjà arrivée à la ferme, et il était temps de reprendre le boulot, sans perdre le fil, toujours rester concentré. Jusqu’à ce que les heures passent et qu’il faille revenir jusqu’à la maison, pour s’allonger dans un lit bien trop grand, passer une nouvelle nuit les yeux grands ouverts, à voir un ciel bien plus bleu qu’il ne l’a jamais été.
Un bruit me fit ouvrir les yeux, et l’obscurité s’imposa à moi avec effroi. Un frisson secoua mes épaules alors que l’air frais passa la chaleur diffuse de la paille sur laquelle j’étais assise. Comme je l’avais redouté, je m’étais posée dans un coin pour m’oublier, et passer à côté de mes obligations de la journée. Il me semblait soudain évident d’en toucher deux mots au patron, et me retirer définitivement. Les bêtes mourraient de toute façon.

Je me relevai, prenant appui sur les murs pour situer exactement où je me trouvais. Aussi dangereux que ça puisse paraître, je m’étais enfermée dans un box, bien entendu occupé par une petite jument. Celle-ci souffla d’ailleurs au passage de ma main sur son encolure, comme rassurée par un contact encore amical en cette guerre. Elle se serait bien enfuie, comme tant d’autres, si elle avait su où aller. Elle était perdue, bien autant que moi, qui n’était plus capable de rien, que de m’amener petit à petit à ma propre perte. Qu’allais-je devenir ? Certainement un cadavre de plus dans le prochain fossé qui croiserait mon chemin.

Le cliquetis de la porte du box que je venais de fermer, fut de nouveau couvert par un autre bruit, celui-là même qui m’avait réveillée. « Qui est là ? » Techniquement, et bien malheureusement vu mon état, j’étais censée être seule dans cette partie de la ferme. « Dégage, l’aveugle. On prend celle-là. » La voix qui venait de retentir entre les murs m’était inconnue, et ne me rassurait guère. Je m’attendais à devoir recevoir de mauvaises personnes, à devoir les mettre dehors et protéger les bêtes qui se faisaient rares, et convoitées. C’était un luxe que tout le monde ne pouvait pas se payer. « Vous n’emporterez rien. » Leurs rires ne me dirent rien qui vaille. Ils étaient plus têtus et arrivaient plus tôt que tout ce que j’avais pu prévoir. « Ecrase. » Une main attrapa mon épaule sans prévenir, sans que je n’aie la possibilité d’esquiver, de m’arracher à cette emprise qu’il avait sur mon bras. La peur et la fatigue m’empêchaient de faire un seul mouvement.

C’est alors que tout devint plus flou que ça ne l’était déjà. Il me poussa violemment en arrière, et le déséquilibre me fit basculer contre la porte du box. Une douleur insupportable s’empara de mon crâne, alors que je sentais déjà un liquide chaud couler sur ma joue. « Merde, on s’casse ! » Le bruit de leur course s’insinua à l’intérieur de mon cerveau. Le monde bascula sous mes jambes, et le mur pourtant contre mon dos me sembla tomber à la renverse. Je n’avais plus aucun repère, mes sens se confondant, amplifiés par le mal qui m’habitait soudain. Je n’étais plus capable de me lever, de marcher. Même un mot ne pourrait plus passer la barrière de mes lèvres. La douleur était bien là, incessante, oppressant mon crâne de son étau et me gardant bien éveillée.

Et il n’y avait personne à appeler à l’aide. Simplement la mort qui m’habitait peu à peu, alors que la vie tentait de s’échapper de mon corps.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptySam 21 Sep - 20:22

Freak.

Les trois coups résonnèrent dans le vide pendant un instant, suspendant leur écho dans une seconde infinie. Le bois dur de la porte avait rencontré ma main, et je frappai une deuxième fois alors que ma première tentative avait échoué. Toujours aucun bruit à l’intérieur de la maison. Tendant l’oreille, je voulus percevoir le tintement de la petite clochette qui se trouvait aussi bien au cou de l’animal de compagnie d’Elena qu’au poignet de cette dernière. Mais rien. Aucun bruit pour troubler le silence de la bâtisse. Ou alors la porte d’entrée m’empêchait de l’entendre. Ne m’attardant pas pour frapper une troisième fois – si elle n’avait pas ouvert déjà alors que j’avais frappé deux fois à sa porte, c’est qu’elle n’était pas là – je repris la route, en direction cette fois-ci de la campagne qui encadrait Louisville comme dans un écrin de verdure, de champs cultivés et de parties boisées, où, certaines nuits, des cris se faisaient entendre et où plus personne n’osait se rendre, du moins seul. Je n’étais pas assez fou pour m’y aventurer seul non plus ; qui savait ce qui se cachait dans ces bois à présent que la guerre était déclarée ? Si quelqu’un devait aller voir ce qui s’y passait, c’était aux militaires de le faire, c’était leur travail, d’assurer notre sécurité et de veiller à ce que Louisville ne devienne pas un terrain de jeu pour ceux qui avaient déjà sombré dans la folie de la guerre qui menaçait de tous nous engloutir un jour ou l’autre.

Prenant le chemin qui allait me faire déboucher sur la ferme où travaillait Elena, mes pensées dérivèrent sur la Louisvilloise. Je l’avais vue il y avait trois jours de cela, lorsque je lui avais ramené Ena qui s’était égarée dans le centre-ville. D’habitude, je n’aurais jamais cherché à la revoir après si peu de temps. Mais les choses avaient changé entre-temps et j’avais besoin de lui parler. De quoi, je ne savais pas trop. J’avais juste besoin de… la voir. C’était tout. Lorsque je l’avais quittée l’autre fois, je m’étais promis de ne pas chercher à éclaircir plus avant les pensées qui occupaient mon cerveau à son propos. Promesse que je n’avais pas tenue. Évidemment. C’était tellement prévisible que je ne comprenais pas pourquoi je continuais de vouloir penser de cette façon. C’était la nuit que mon esprit tentait le plus de me narguer, jouant avec mes rêves, si bien que je m’étais réveillé ce matin en ayant l’impression que le pouce d’Elena avait été posé derrière mon oreille pendant toute la nuit. Qui sait ? C’était peut-être ça qui m’avait décidé à aller la trouver, prenant d’abord le chemin de son domicile avant de me diriger vers son lieu de travail. Comme si mon esprit m’avait soufflé d’aller la retrouver. Qui étais-je pour ne pas écouter ce que me disait mon esprit ? De plus, une question me restait en tête, frôlant les différentes parties de mon cerveau chacune les unes après les autres si bien que je n’étais jamais en paix. J’avais besoin d’avoir la réponse à cette question. Et c’était seulement en allant la voir que je pourrai y répondre.

Perdu dans mes pensées, mes mains enfoncées dans les poches de ma veste d’automne qui empêchait le vent de me voler ma chaleur, une écharpe autour du cou, je ne remarquai pas tout de suite les deux silhouettes masculines qui se trouvaient à proximité des box pour chevaux où Elena travaillait souvent. Je l’avais souvent vue s’occuper de chevaux et je me doutais que cela faisait partie de ses attributions. Fronçant les sourcils, je continuai de marcher vers les abris, sortant mes mains de mes poches, laissant mes bras se balancer le long de mon corps au rythme de mes pas. Ce n’est que quand les deux hommes m’aperçurent, alors que je me trouvais à présent à une bonne vingtaine de mètres de là, que leur comportement m’intrigua réellement. L’un d’eux me vit arriver et signala ma présence à son acolyte qui se retourna brutalement. Je crus apercevoir une forme allongée devant lui mais à cet instant il se mit juste devant et je ne pus analyser plus distinctement ce que j’avais vu. La seconde d’après, ils détalèrent en courant.

« HEY ! »

Mais crier après eux ne les fit que courir encore plus vite et je n’allais pas me mettre à courir à leur poursuite. Je ne savais pas exactement ce qu’ils fichaient là, mais j’étais sûr qu’ils n’étaient pas fermiers ces deux-là, ni du genre de ceux qui travaillaient avec eux. Quelque chose clochait. Les sourcils toujours froncés, une légère inquiétude me barrant le front, je franchis les derniers mètres qui me séparaient des box. Il y avait bien une forme allongée par terre, à moitié allongée contre la porte d’un des box. Un corps humain. Une femme. Merde !

« ELENA ! »

Il ne me restait que peu de pas à faire pour arriver à ses côtés mais je les fis en courant. M’accroupissant à côté d’elle, immédiatement, la vue du sang me fit hoqueter et la légère inquiétude qui avait été mienne un instant plus tôt se transforma en une demi-seconde en une vague d’angoisse qui risquait de me paralyser si je ne faisais pas attention. Je sentis mon rythme cardiaque s’accélérer d’un coup et mon souffle se perdit dans une course folle. Je tentais de me calmer, pour Elena. Bon sang est-ce que c’étaient ces deux types qui avaient fait ça ? Qui l’avaient agressée ? J’avais envie de me lancer à leur poursuite mais faire ça signifiait abandonner la brune et vu le sang qui s’écoulait – visiblement de son crâne – la laisser seule n’était pas une solution envisageable.

« Elena, est-ce que ça va ? Bon sang qu’est-ce qui s’est passé ? Tu vas bien ? Je t’en prie, dis-moi quelque chose ! Elena ! Elena ! »

Il fallait qu’elle me parle, qu’elle dise n’importe quoi, mais que j’entende sa voix pour savoir qu’elle allait bien. Elle était consciente, je pouvais le voir, mais avait-elle la force de me parler ? Je sentis ma bouche trembler alors que j’attendais qu’elle dise quelques mots, pour me sortir de mon état de transe. Sans que je m’en rende compte, mes mains s’étaient posées sur elle, une sur sa joue, l’autre sur son bras.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 22 Sep - 12:56

Freak.


Le monde avait toujours été si noir. Entre violence, meurtre et corruption. Les uns se piétinaient pour de l’argent, les autres se massacraient pour un bout de pain, et les derniers regardaient tout ça de haut, les méprisaient et ne faisaient rien pour les arrêter. Et le petit monstre que j’étais, au milieu de tout ça, fixait simplement sa prochaine victime avec de grands yeux innocents. Une mère trop absorbée par le passé pour voir sa fille, un frère trop vieux pour s’inquiéter d’une sœur, et un homme trop bon pour voir le malin dans les pupilles d’une enfant. Pourtant le mal était bien là, de chair et de sang, monstre d’égoïsme prêt à bousiller la vie de n’importe qui, et ensuite tout oublier. Pour mieux recommencer.

Le sang chaud sur ma joue roula le long de mon cou, m’arrachant un frisson. Mon esprit était embrumé, tout à fait perdu entre le rêve et la réalité. Quand avais-je commencé à rêver, quand avais-je cessé ? Je me souvenais encore de la chaleur d’une main sur ma nuque, et de la pression d’une autre dans le creux de mes reins. Ma propre solitude m’avait-elle poussée à m’imaginer le soutien de quelqu’un ? Et pourtant, il y avait un souffle près de mon oreille, et les battements d’un cœur bien vivant à l’intérieur de mon crâne. Tout ceci n’était que trop réel, bien trop présent dans mon esprit. Même aux portes de la mort mon égoïsme me poussait à penser à un homme que je tourmentais, plutôt qu’à celui qui avait partagé ma vie si longtemps… A moins qu’il ne s’agisse d’une seule et même personne. Je ne savais plus, j’étais complètement perdue.

Encore une fois la même seconde se répétait, ma dernière seconde. Cette même seconde qui définissait la fin du rêve et le début de la réalité. Celle-là même qui me réveillait chaque jour, chaque nuit. Elle revenait sans cesse, en un claquement sonore effroyable. Elle me rappelait que mon temps avait été arrêté depuis longtemps, et qu’il ne savait plus se remettre en marche. J’étais coincée à cette seconde interminable, à ne plus savoir où j’étais, qui j’étais. La relancer semblait douloureux et impossible. Il était trop tard. J’étais déjà perdue.

Un cri résonna à l’intérieur de mon crâne, subjuguant tout le reste, me laissant dans le vide le plus complet, avec pour seul repère ce bruit infernal. Le cauchemar ne s’arrêtait donc pas là ? La peur m’habita une nouvelle fois, bien qu’elle ne m’ait jamais quittée totalement. Une autre personne s’approchait, comme si le mal que l’on m’avait fait n’était pas suffisant. Les yeux écarquillés, j’eus un mouvement de recul, qui ne me fit que glisser un peu plus contre la porte du box, et je ne pus me retenir que grâce ma main toujours posée sur le sol. Mes épaules furent secouées par un frisson désagréable alors que le nouvel inconnu semblait décidé à rester près de moi, pour me regarder crever avec tout le plaisir d’un malade mental devant une bête mourante. Une sale bête. Un monstre prêt à cracher son dernier venin.

La chaleur se fit plus forte sur ma joue, contrastée par l’air frais de la journée. La vérité s’imposa à moi comme une évidence, alors qu’elle s’était dérobée à mon esprit tout ce temps. La mort ne viendrait pas encore. Il n’était pas temps de se laisser emporter, de s’abandonner. Je ne pouvais pas encore fuir la réalité et m’abîmer dans des rêves plus fous les uns que les autres. Je devais faire face à cette guerre sans raison qui nous imposait la méfiance et l’isolement. Ou m’imposait, à moi seule, la méfiance et l’isolement. La méfiance face à mon propre esprit. A mon cœur pourri par l’égoïsme et la culpabilité. L’isolement pour ne plus avoir à affronter personne, à détruire la vie de personne. Et pourtant, il était bel et bien là. « Arthur… » Je l’avais laissé se faire prendre dans les fils de l’araignée. Et je n’avais sincèrement, ni le courage ni l’envie de l’aider à s’en réchapper.

Ce simple mot, rien que ce prénom, créa une vague de douleur à l’intérieur de mon crâne et m’arracha une grimace. Il ne me paraissait pas que la blessure soit si grave que ça, et pourtant ce simple souffle s’était étranglé dans ma gorge pour en sortir déformé, presque comme une plainte. Sentir cette main sur ma joue et cette autre sur mon bras, me ramenait petit à petit à moi, et me faisait comprendre qu’il y avait en mon cœur plus de peur que de mal. La peur de comprendre qu’il n’y avait plus de place pour l’idiote, pour le monstre que j’étais, en ce bas monde. Ma place avait été aux côtés de mon mari, mais maintenant que je l’avais abandonné, il n’y avait plus que le notaire pour s’inquiéter de ma condition. A ce point-là qu’il n’avait rien à faire ici, normalement.

Mes propres mains se posèrent sur les siennes, comme pour profiter de leur infime chaleur. Ce mardi soir me revenait en tête constamment, alors que j’étais plus dépassée par notre relation, que par la guerre. Qu’étions-nous devenus cette nuit d’automne ? C’était une question qui m’habitait depuis ce jour, m’enlevant le peu de sommeil que l’on voulait bien m’accorder. Et le peu de temps qu’il me restait pour rêver quelque peu, me ramenait sans cesse à ce pouce qui s’était baladé derrière l’oreille du notaire, en quête d’un visage à découvrir sous mes doigts aveugles. Et la question qui se posait n’était plus de l’ordre du « nous » mais bel et bien du « je ». Qui était-il pour moi ? Au plus profond de mon cœur égoïste qui se pensait désormais capable de se sacrifier pour le bien d’un autre…

Je tendis la main, cette main qui n’attendait que ça depuis trois jours, bien à ma honte, et la posai sur sa joue, dans un geste qui se voulait rassurant. Un très fin sourire naquit à mes lèvres. « Du calme, Arthur, je vais bien. » Le savoir ici, à s’inquiéter pour moi, me redonnait quelque peu la force de me battre. Me battre avec la vie, comme tant d’autres. Ce que je n’avais plus fait depuis un certain temps, et qui m’avait laissée presque morte en cet instant. Je laissai mes mains retomber sur le sol, pour essayer de me redresser quelque peu. Histoire de ne pas choper mal au dos en plus d’un mal de crâne. Mes doigts vinrent alors s’inquiéter de ma blessure. Une bosse faisait déjà son apparition, alors que l’entaille n’était pas si importante que ça. « Il m’a poussée un peu fort, mais ça va mieux maintenant. » Ma voix était encore un peu faible, plus pour m’assurer de ne pas accentuer mon mal de crâne, que par manque de force. Maintenant que ma raison m'avait été redonnée, la douleur se faisait moins présente, et la superficialité de la blessure me semblait évidente. Ma main avait donc de nouveau cherché la sienne, pour essayer de le calmer. Il semblait bien plus paniqué que moi pour une fois. Et il ne le fallait vraiment pas.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 22 Sep - 16:04

Freak.

Lorsque je m’étais approché, Elena avait eu un mouvement de recul, comme si elle ne m’avait pas reconnu directement. Mais j’avais néanmoins posé mes mains l’une sur sa joue et l’autre sur son bras, comme si, bêtement, en sentant ce contact, elle saurait que c’était moi, et que j’allais l’aider. Je n’étais pas habitué à sauver les gens. On ne pouvait pas dire que ma vie avait été jusqu’ici une vie palpitante, faite d’aventures plus périlleuses les unes que les autres. J’avais un peu voyagé, certes, mais je n’avais pas connu de situations très dangereuses et j’avais malgré tout toujours eu ce petit confort dû à mon statut d’Européen, de Français, qui pouvait obtenir tout ce qu’il voulait à peu près en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Je ne vivais néanmoins pas tout à fait dans un cocon, et je n’étais pas stupide au point de ne pas savoir quoi faire quand quelqu’un se faisait agresser, mais là, je n’arrivais pas à me sortir de la tête que c’était différent. Parce que c’était Elena. Et que j’étais beaucoup trop attaché à elle pour risquer de la perdre.

Finalement, elle prononça mon prénom et malgré le fait que cela me rassura immédiatement, la grimace qui suivit ce simple mot me fit grimacer moi aussi. L’inquiétude que je ressentais était beaucoup trop forte pour que je puisse parler à nouveau, elle me nouait la gorge comme dans un étau puissant qui m’empêchait de prononcer le moindre son. J’avais l’impression de lutter contre un courant déchaîné, sans parvenir à m’échapper un instant de l’angoisse qui m’étreignait. J’avais tellement d’empathie pour elle que j’avais presque le sentiment de ressentir sa douleur et cela m’affolait encore plus. Puis, ses mains vinrent se poser sur les miennes, en quête de soutien, et la maigre force qu’elle mettait à laisser ses paumes accrochées à moi me parut suffisant pour savoir qu’elle était bien là, avec moi, à mes côtés, et qu’elle n’allait pas s’abandonner à cette mort avare de toutes les âmes perdues qui erraient dans Louisville depuis le début de la guerre.

Mon cœur manqua un autre battement quand elle leva la main pour la poser lentement sur ma joue. J’étais un peu honteux de m’avouer que ce geste me perturbait bien plus que de la voir étendue là, presque vidée de ses forces par deux sinistres individus. Elle réussit à sortir d’autres paroles et je tentai alors de relaxer mes épaules qui s’ankylosaient d’anxiété depuis l’instant où je l’avais vue, petite forme repliée sur elle-même, à l’autre bout des box. Elle essaya de se relever mais n’y parvint pas énormément. Ses doigts allèrent à la rencontre de son crâne, là où elle avait dû se cogner et d’où le sang continuait de s’échapper néanmoins moins fortement que quelques secondes plus tôt. Ses mots ne me rassurèrent pas entièrement.

« Tu es sûre ? Tu t’es cognée où ? Montre-moi ! Attends, je regarde. »

Je lâchai sa main qu’elle avait à nouveau jointe à la mienne, pour m’accroupir complètement à ses côtés. Je m’assis de manière à me retrouver presque derrière elle, mon flan appuyé contre la porte du box contre laquelle son dos était toujours accolée. Son épaule vint s’appuyer contre mon torse lorsque mes doigts rencontrèrent sa chevelure salie par le sang et par la paille qui était couchée sous nos pieds. Ça risquait de s’infecter ! Est-ce qu’elle savait le nombre de bactéries qu’il devait y avoir dans cet endroit ? Il ne fallait pas qu’elle reste là, on devait aller nettoyer sa plaie au plus tôt ! Il n’aurait plus manqué que son corps soit infecté par une quelconque maladie après avoir s’être ouvert le crâne et avoir exposé son corps aux agents infectieux qui pouvaient régner en maîtres dans un tel lieu ! Enlevant prestement l’écharpe que j’avais enroulée autour de mon cou avant de sortir du cabinet où j’avais travaillé toute la matinée, je la roulais en boule pour aller la presser contre l’entaille qu’elle portait sur la tête. Je la maintins là en exerçant une pression pas trop forte, pour éviter de faire saigner plus abondamment la plaie mais aussi de lui faire mal.

« On doit soigner ça au plus vite. Y’a des tonnes de bactéries ici, faut pas que ça s’infecte ! Y’a une armoire à pharmacie quelque part ? Avec de quoi te désinfecter ça ? Un endroit où tu peux t’asseoir sans risquer de choper une maladie ? »

Je paniquais. Okay. J’en avais bien conscience. Mais comment aurais-je pu faire autrement alors qu’elle s’était visiblement faite agressée, qu’elle saignait, qu’elle se trouvait dans un lieu qu’on ne pouvait pas qualifier de sain et qu’elle me disait que tout allait bien alors que ça ne pouvait pas être le cas ?! Elle devait délirer, ce n’était pas possible, ça ne pouvait pas aller bien. J’examinai encore une fois la plaie en enlevant l’écharpe momentanément. Une bosse commençait à se former sur son crâne et une ligne rouge s’étendait sur quelques centimètres, à l’endroit où elle s’était cognée. Ça n’était pas dramatique, je le savais. Mais je ne pouvais m’empêcher de paniquer, surtout vu contre quoi elle était tombée. Je remis l’écharpe en place, ma main gauche s’appuyant contre son front tandis que l’autre maintenait le tissu contre sa plaie.

« Est-ce que tu as heurté du métal ou bien juste le bois de la porte ? »

Mon regard remonta vers la porte du box contre laquelle je me trouvais, tentant d’apercevoir des traces de sang quelque part. Elle était constituée principalement de bois mais il y avait d’un côté la poignée, qui était faite de métal, ainsi que les longues charnières qui se finissaient presque à la moitié de la porte et qui pouvaient potentiellement faire très mal si on s’y cognait. Je n’arrivais pas à voir quoi que ce soit dans l’angle dans lequel je me trouvais aussi reportais-je mon attention sur Elena qui n’avait pas bougé. Je voulais l’aider à se lever pour trouver un endroit plus sain mais sans savoir s’il existait une petite pièce avec une pharmacie pas loin d’ici, je n’avais pas envie de la soulever pour rien.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 22 Sep - 19:53

Freak.


La panique du notaire fut presque contagieuse. Quand il me demanda si j’étais sûre que tout allait bien, il réussit à me faire douter. Je venais pourtant de vérifier par moi-même, mais l’entendre à ce point inquiété me laissait perplexe. Et si c’était plus important que je ne pouvais le sentir ? Et s’il voyait quelque chose que moi je ne pouvais même pas imaginer ? Il avait réussi à me faire peur en si peu de temps, c’était incroyable. Moi qui me montrais si sûre de moi quelques instants plus tôt… La panique commençait à prendre possession de mon cœur. Mais il ne fallait pas que ça arrive, je ne devais pas me laisser gagner par l’inquiétude et la peur. Qu’arriverait-il sinon ? Deux idiots incapables de réfléchir correctement, et imaginant bien plus de mal qu’il n’y en avait vraiment. Nous n’irions pas bien loin. Et je ne passerais peut-être pas la nuit.

Ses derniers mots mirent quelques temps à arriver jusqu’à mon cerveau. « Quoi ?! » Il voulait quoi e-xac-te-ment ? Je n’eus pas le temps de l’en empêcher que le notaire avait déjà lâché ma main. Sentir son torse contre mon épaule me surprit assez pour sursauter. Ne pouvait-il tout simplement pas me croire sur parole et laisser ça tranquille ? Ca me perturbait plus que ça ne me dérangeait, en réalité. Je n’aimais pas le savoir à ce point inquiété pour moi. Il ne devait pas l’être. Il perdrait moins son temps à se tourmenter pour lui-même plutôt que de venir aider le monstre que j’étais.
Le contact de l’écharpe contre mon crâne ne fut pas des plus agréables et m’arracha un léger rictus. « Au bout du couloir, il y a une pièce. je crois qu’il y a une boite à pharmacie. Arthur ! C’est une ferme, et les cendres tombent dehors. Calme-toi, un peu, tu vas réussir à me faire paniquer. Je te dis que tout va bien. » Ma main se posa sur la sienne plus pour essayer de le rassurer que pour tenir l’écharpe. S’il continuait à paniquer ainsi, il allait réussir à me faire stresser, et j’allais finir par faire une bêtise. En essayant de me lever par exemple. Ce qui ne me semblait pas vraiment une bonne idée pour l’instant. J’avais peur d’être déséquilibrée et de retomber, au risque d’aggraver ma blessure qui était superficielle finalement.

Mais sa panique finirait tôt ou tard par m’emporter aussi, et si c’était le cas, nous ne pourrions plus rien faire de censé. J’avais beau essayer de le calmer, il ne voulait pas m’entendre, ou m’écouter du moins. Ne voulait-il pas simplement me croire ? Et quoi… il croyait que j’étais en plein délire parce que je venais de me frapper à la tête ? C’était ça ? Et pourtant, n’était-ce pas lui qui avait littéralement pété un câble ? Il serait bien plus utile s’il cessait d’être autant inquiet, et s’il se remettait à penser le plus normalement possible. Ce n’était pas grave. Il ne fallait pas qu’il se mette dans un état pareil pour si peu. Comment aurait-il réagi sinon, s’il avait été sur la plage lors des affrontements derniers ? Je ne pouvais même pas l’imaginer, et je ne voulais pas l’imaginer. S’il avait été là, j’aurais très certainement paniqué bien plus que je n’avais déjà pu le faire.

« Qu… quoi ? Mais, comment veux-tu que je le sache ? » Me rendre compte de la blessure et de la douleur avait déjà été bien assez difficile comme ça, alors réussir à identifier bois ou métal me paraissait un peu trop me demander. Vraiment, il me stressait bien plus qu’il n’était stressé lui-même. A mes yeux, bien qu’aveugles, toutes ces questions n’avaient pas  vraiment d’importance. J’avais pris l’habitude de me blesser, mais pas celle de me soigner. C’était idiot, je le savais bien, mais c’était ainsi, et ce n’était certainement pas la première chose débile que je pouvais faire. Et si je devais toutes les lister, je n’aurais vraisemblablement pas fini avant la nuit.

M’aidant de mes mains, je me redressai un peu mieux, essayant d’oublier mon épaule toujours contre son torse. J’étais la blessée, mais l’entendre paniquer me rendait malade, et très certainement instable. Ce que j’étais déjà à la base. Il me fallait le calmer avant que les barrières encore en place dans mon esprit ne cèdent. Je m’installai donc face au notaire, m’appuyant contre le box avec mon bras, qui gardait encore une légère trace de la chaleur d’Arthur. Mes mains se posèrent d’abord sur ses épaules avec hésitation, calculant rapidement ce qu’il fallait que je sache, pour ne pas lui donner un coup sans le vouloir. Elles vinrent ensuite se plaquer sur ses joues avec légèreté, comme pour le forcer à me fixer, alors même que je n’étais pas capable de lui rendre ses regards. « Là, Arthur. Si tu ne te calmes pas tout de suite, je n’hésiterai pas à te frapper. Tu m’entends ? » Mon ton était un peu dur, et il devait très certainement savoir que je serais capable d’agir. Ce n’étaient pas que des menaces en l’air, bien au contraire. Même s’il ne s’agirait que d’une gifle pour lui remettre les idées en place. Il fallait qu’il se calme. Pour son bien, et pour le mien.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyLun 23 Sep - 9:41

Freak.

Les paroles d’Elena ne réussirent pas totalement à me calmer. J’étais prêt à foncer vers la pièce qu’elle venait de m’indiquer, pour aller chercher un désinfectant quelconque dans la boîte à pharmacie. Mais quelque chose dans son ton me dissuadait de le faire tout de suite. Bien. Je pouvais décemment attendre quelques minutes le temps qu’elle se remette du choc et qu’elle ait assez de force pour penser à se lever. Je l’aiderai de toute façon, ce n’était pas ça le souci. Je n’allais pas la laisser là comme ça toute seule. J’étais prêt à passer autant de temps qu’il fallait ici avec elle pour être sûr qu’elle allait effectivement bien. Sa main s’était à nouveau posée sur la mienne, mais ma panique m’empêchait presque de remarquer ça à présent. Pourquoi est-ce que je stressais plus qu’elle ? J’avais définitivement un gros problème. Et j’avais comme l’impression qu’Elena s’énervait peu à peu. J’en eu la certitude lorsqu’elle bégaya presque en me répondant à ma stupide question sur ce qu’elle avait heurté. Bien sûr, comment aurait-elle pu le savoir ? Je ne savais pas ce qui me prenait à l’accabler de questions et surtout à l’accabler de mon angoisse, comme si le choc n’avait déjà pas été assez rude pour elle sans qu’en plus j’en rajoute. Je faillis me frapper tellement j’étais stupide.

« Je… »

Mais avant que je ne puisse continuer, elle s’écarta légèrement de moi, faisant par ce geste retomber la main qui retenait l’écharpe contre sa plaie. Je l’observai sans mot dire, après avoir vivement retenu difficilement un « Ne bouge pas, tu risques de te faire mal ! » qui n’aurait sûrement pas été très bien accueilli de la part de la jeune femme. Elle se déplaça de manière à se mettre face à moi et nous nous retrouvions à présent tous deux appuyés contre le box qui l’avait vue s’ouvrir le crâne quelques minutes plus tôt. Je tentai de calmer ma respiration qui était toujours folle à cause de l’inquiétude qui m’avait étreint, mais j’oubliai vite ce que j’essayais de faire quand elle posa ses mains d’abord sur mes épaules puis sur mes joues. Mon regard en croisa un autre qui ne pouvait me voir. Si elle m’avait vue en cet instant, elle aurait certainement deviné pourquoi je m’inquiétais autant pour elle. Et je n’arrivais pas à décider s’il était heureux qu’elle ne le puisse, ou pas. Honteux d’avoir démontré autant d’angoisse alors qu’elle-même, la propre victime de ces faits, était restée étrangement très posée, je baissais les yeux, les fermant presque et sentant la chaleur des mains d’Elena réchauffer mes joues avec douceur. Voilà que c’était elle qui devait m’apaiser alors que c’était elle qui s’était faite agressée. Arthur, qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans ta tête ? Incapable de prononcer le moindre mot à présent, je remontai mes mains vers ses poignets, laissant mes doigts s’enrouler autour d’eux, voulant ne le faire qu’en douceur mais me rendant compte que la panique qui coulait toujours dans mon corps me le fit les serrer un peu plus que nécessaire. Je tentai de relâcher la pression, et me rendant compte que je lui emprisonnai les poignets un peu trop fermement, je défis mes doigts, et allai chercher ses mains posées sur mes joues. Je les ramenai sur nos genoux qui se touchaient du fait de notre position qui devait paraître étrange vu de l’extérieur.

« Ok je me calme. Du moins j’essaye. Je suis désolé. C’est juste que… »

Voilà, je n’osai plus rien dire de peur qu’elle le prenne mal ou qu’elle s’énerve à nouveau. Je baissai à nouveau les yeux, observant nos doigts joints, la blancheur des mains d’Elena, sentant la douceur de sa peau lorsque je remontai mes pouces vers ces poignets que l’angoisse m’avait fait serrer un peu trop la seconde précédente. Les caressant doucement, comme pour effacer les traces invisibles que j’avais pu y laisser, je murmurai quelques mots, le début d’une phrase que je ne savais comment terminer :

« S’il t’arrivait quelque chose… »

Je ne trouvai aucun mot pour terminer ma pensée. Tout était beaucoup trop confus dans ma tête pour que je ne puisse trouver les mots adéquats pour exprimer une pensée dont je ne savais rien. Tout se bousculait dans ma tête et, sans cesse, l’image du corps d’Elena étendue à moitié contre ce box me faisait perdre la raison. Elle ne comprenait pas. Je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter pour elle. Elle avait réussi à devenir une des personnes les plus importantes pour moi en si peu de temps. Comme si la guerre avait accéléré le temps, et que le lien qui nous unissait s’était renforcé, si bien qu’il m’était impossible à présent de ne plus penser à elle constamment. Je m’étais rendu compte qu’elle m’importait bien plus que ce que je ne l’aurais cru, que je voulais qu’elle aille bien, et qu’elle ne manque de rien en ces temps de crise. Mais je ne pouvais rien exiger d’elle. C’était tellement paradoxal. J’avais envie d’être à ses côtés mais je ne pouvais le lui dire. C’était hors de question. Elle avait assez de problèmes comme ça pour qu’en plus elle doive satisfaire la lubie étrange du pauvre homme que j’étais à vouloir rester à ses côtés aussi longtemps que possible. Et puis comment pouvais-je faire pour lui faire comprendre cela alors qu’elle était incapable de voir le moindre trait de mon visage, la moindre lueur dans mon regard… Cette même lueur qui s’illuminait lorsqu’elle était là et qui disparaissait à peine éloigné d’elle de quelques pas. Je me rendis compte que cela faisait de longues secondes que mes yeux étaient fixés sur son visage.

« Est-ce que tu veux bien qu’on aille soigner ça quand même ? On ne va pas rester là assis dans la paille et le crottin de cheval. Je vais t’aider à te lever et à marcher jusque là-bas. »

Tenter de la faire sourire en disant n’importe quoi n’allait peut-être pas fonctionner. Après tout, elle venait de me menacer de me frapper si je ne me calmais pas. Mais j’étais calme à présent, non ?

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyLun 23 Sep - 12:09

Freak.


Quand il était venu me trouver, ce mardi, j’étais à ce point désorientée qu’il m’avait vue pleurer des larmes que je n’avais plus, pour une culpabilité qui était ancrée en moi, et qui ne me rongeait plus depuis longtemps. J’étais prête en cette soirée mouvementée, à accepter que la mort me prenne et m’arrache à cette maison sans chaleur qui était la mienne. Mais. Depuis ce soir où nous avions brisé tout ce que nous étions, pour construire une nouvelle histoire qui ne se trouvait pas encore de but, de pourquoi, et de suite. Depuis ce soir-là, et plus particulièrement depuis cet instant précis où sa main s’était posée sur ma joue, alors que l’inquiétude avait fait trembler sa voix. Depuis ce moment-là, la vie semblait battre au fond de mon cœur avec plus d’entrain que jamais, et s’accrochait à moi comme à sa dernière chance. Maintenant, il me semblait impensable de mourir sur une plage, ou sur le bord d’un chemin. Et bien plus que moi, il me semblait impossible de le laisser lui se faire emporter.

Je m’attendais presque à ce qu’il lève la voix contre moi, lorsque j’avais décidé de bouger, pour me placer face à lui. Il était à ce point paniqué que ça n’aurait pas été étonnant, et particulièrement énervant. Plus que de me mettre en colère, en réalité, il me faisait stresser. Et le stress n’était jamais bon, encore moins dans ce cas précis. Je ne lui en voulais pas vraiment d’être inquiet, même si je pensais fortement qu’il ne faisait que perdre son temps, et qu’il s’en mordrait les doigts plus tard. Durant ces trois jours, entre deux micro-siestes, je m’étais demandée de nombreuses fois s’il allait bien, ce qu’il pouvait faire, et si je devais bouger ma carcasse jusqu’au centre-ville, comme je le faisais avant pour perdre mon temps. La question s’était posée alors : pour faire quoi ? Je n’en savais rien. Il m’avait juste paru bon de passer du temps avec Arthur, même si ce n’était rien qu’un tout petit peu. Rien qu’un « bonjour », pour redonner de la force à mon corps et de la combativité à mon esprit.

Mes lèvres se pincèrent alors que mes doigts résistaient tant bien que mal à la tentation de se poser sur son front, de découvrir la forme de ses yeux et de son nez, de glisser sous son menton, et d’effleurer du bout des ongles la ligne de ses lèvres. J’étais irrécupérable. Ce fut donc avec soulagement que je le laissai prendre mes mains pour les poser sur nos genoux. Mes sourcils se froncèrent néanmoins alors qu’il s’était accroché avec un peu trop de force à mes poignets. Ne voyait-il pas que sa panique finirait par me blesser plus que m’aider ? Je ne voulais tout de même pas qu’il se sente coupable de si peu, aussi n’en dis-je pas un mot. Surtout que le bien que me faisait son inquiétude dépassait de loin le peu de mal que pourrait me faire sa panique.

Ses paroles suivantes m’arrachèrent un léger sourire. Il avait beau ne pas terminer ses phrases, il me semblait en comprendre la suite, plus que je ne voudrais me l’avouer. Il était devenu plus important qu’il n’aurait dû l’être, prenant une place considérable dans ma vie, sans même que je ne m’en rende compte. J’avais été à ce point égoïste que je n’avais plus pensé qu’à moi, sans m’inquiéter de ce qu’il pouvait bien penser, lui. Et maintenant que je m’étais interrogée, que j’avais pris le temps de me questionner, quelle conclusion avais-je pu tirer ? « Je comprends, Arthur. Mais je vais bien. » Mes mains s’échappèrent des siennes pour remonter le long de ses bras, en une caresse qui se voulait réconfortante. Je ne me rendais pas bien compte de ce que je faisais en cet instant précis. Comme ce mardi où je n’avais compris l’étendue de mes actions que lorsqu’il était parti. Ce n’était pas l’envie qui m’avait manqué de le rattraper, et de le garder près de moi jusqu’à ce que mon esprit ce calme. Mais le monstre d’égoïsme s’était tu un instant, laissant le notaire rentrer chez lui. « Fais attention à toi », hein ? J’étais idiote. Incapable de seulement écouter ce qu’il pouvait bien me dire. Et le voilà qui s’inquiétait de nouveau pour moi.

Mes lèvres s’écartèrent l’une de l’autre dans un sourire sincère. J’avais beau avoir dit vouloir le frapper, je ne me sentais pas capable de mettre en action ma menace. S’il ne s’était pas calmé, il m’aurait fallu trouver un autre moyen pour qu’il cesse de paniquer. Une gifle n’était pas de mon ressort, pas quand il tenait mes mains de cette façon. « C’est d’accord. » Ca n’avait été qu’un murmure alors que mes doigts s’étaient logés de nouveau au creux de ses paumes, pour y chercher un peu de chaleur. Cette chaleur-là qui m’indiquait que nous étions bien vivants, et qui effaçait quelque peu les peines et la peur qui pouvait m’habiter par moment. J’en venais même à mettre de côté l’égoïsme et la guerre, pour ne plus me concentrer que sur ses doigts entre les miens.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyLun 23 Sep - 20:06

Freak.

Un sourire illumina ses lèvres alors que les mots me manquaient. Se pouvait-il qu’elle comprenne ce que je ne pouvais dire ? Ce que je n’arrivais pas à dire ? Ce que mon esprit même était incapable de nommer ? Me trouver dans cet état face à elle me perturbait plus de que raison. Je me souvins d’une vague après-midi où nous nous étions retrouvés à la gare, par hasard. Était-ce vraiment le hasard qui m’avait placé sur sa route ou bien quelque chose de plus inespéré encore, comme le destin ? Je n’étais pas pour croire à tous ces boniments d’ordinaire. Mais je n’aurais jamais cru qu’une guerre allait ravager tout ce que nous connaissions, remodelant le monde à sa façon. Alors comment pouvais-je encore continuer de croire tel que je l’avais toujours fait ? J’étais prêt à croire au destin si cela signifiait que ma route devait croiser plus souvent celle d’Elena. À vrai dire, j’espérais même qu’elles se joignent, pour n’en faire plus qu’une. C’était peut-être un peu trop tôt pour penser à ça mais ses mains jointes aux miennes me faisaient espérer plus que de raison. Et la façon dont son sourire ornait ses lèvres me fit sourire à mon tour, captivé par la beauté de son visage.

Toujours cette après-midi-là, je me rappelais que je l’avais admirée déjà. Et que c’était la première fois que je l’avais trouvée belle. Je ne savais pas pourquoi je ne l’avais pas remarqué avant. Je crois que cette information avait toujours été logée dans coin de mon esprit, mais qu’elle n’en était jamais sortie, se contentant de se faire un petit nid douillet, attendant son heure. Le fait est que tout le temps que Zoé avait été dans ma vie, c’était pour elle que s’était allumée la petite lueur dans mon regard. Et quand elle était partie, ce recoin de mon esprit s’était réveillé, et à présent, il sortait de son nid, prêt à affronter le monde. C’est ainsi que la beauté d’Elena venait seulement de m’apparaître. C’était aussi simple que ça. Je ne pouvais l’expliquer autrement et de toute façon, cette explication me convenait.

Si j’avais déjà du mal à rester calmer avec tout ce qui venait de se passer en quelques minutes, ses mains qui vinrent remonter le long de mes bras en un mouvement lent et doux ne m’aidèrent pas. J’acquiesçai sans mot dire lorsqu’elle me confirma une nouvelle fois qu’elle allait bien. Bien, je refusai de me laisser aller à la panique à nouveau. Elle n’aurait pas apprécié et ce n’était définitivement pas la bonne attitude à avoir. Je m’en rendais compte à présent. J’avais été tellement stupide d’angoisser de la sorte. Certes il était normal de stresser quand un proche était sauvagement agressé mais une fois que l’on constatait qu’il n’avait rien de grave, ce stress devait partir. Chez moi il n’avait fait que s’amplifier sans que je puisse faire quoi que ce soit. Heureusement qu’elle avait été là pour me calmer, je ne sais pas quelle bêtise j’aurais pu lui sortir si j’avais continué. Ses doigts tombèrent en glissant de mes bras pour venir à nouveau se loger au creux de mes paumes. J’avais très envie de rester comme ça finalement. Mais je devais la soigner, mine de rien, je n’étais pas tout à fait stupide quand je m’étais inquiété, la plaie pouvait vraiment s’infecter.

Et alors qu’Elena me donna son accord pour bouger d’ici et aller jusqu’à la petite pièce qu’elle m’avait indiquée précédemment, je me mis en devoir de l’aider à se relever. M’accroupissant, je gardai ses mains dans les miennes, refermant soigneusement mes doigts autour des siens en une prise ferme pour la hisser plus facilement. La paille craqua légèrement sous nos pas lorsqu’elle se releva après moi, s’aidant de ma prise pour plus de facilité. Me disant qu’elle allait forcément tanguer un peu une fois redressée, je glissai ma main droite autour de sa hanche, rapprochant nos deux corps de façon singulière. Ma main gauche, se sentant délaissée car sans contact avec Elena, vint se poser sur son épaule droite. Je me sentis un peu bête de la serrer autant contre moi alors je pris les premiers mots qui m’effleurèrent l’esprit pour dire quelque chose.

« Ça va ? Ça n’a pas relancé la douleur ? »

À peine conscient que mon souffle effleura son visage tellement nos têtes étaient proches l’une de l’autre, je me contentai de la fixer à nouveau, attendant qu’elle me dise que tout était ok, encore une fois. Pour la première fois depuis que j’étais parvenu jusqu’aux box, j’entendis un des chevaux présents hennir, son cri résonnant quelque peu avant de s’éteindre brutalement. Je ne savais pas combien de chevaux devaient loger dans ces box mais ils étaient un bien très précieux en ces temps de guerre. Cela me fit m’interroger sur l’agression dont avait été victime Elena. Elle ne m’avait pas encore dit exactement ce qui s’était passé. À vrai dire, je n’avais pas pris le temps de lui demander, tout préoccupé que j’étais à vouloir la soigner, à la faire paniquer également. Je tentai de me rattraper.

« Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? Tu as entendu quelque chose avant qu’on ne te pousse contre la porte du box ? »

J’étais quasiment sûr que les deux hommes que j’avais vu s’enfuir étaient responsables de ça. Je n’avais pas bien vu leurs visages, étant donné que j’étais encore à quelques mètres de la ferme à l’instant où ils avaient détalé, et j’aurais sûrement eu beaucoup de difficultés à les reconnaître dans la rue. Je pestai contre moi-même. Pourquoi n’avais-je pas pu arriver quelques minutes plus tôt ? Elena n’aurait sûrement rien eu si j’avais été là. Pourquoi avait-il fallu que je passe chez elle d’abord ? Il était évident qu’elle devait travailler à cette heure de la journée alors qu’est-ce qui m’avait fait croire que je l’aurais trouvée chez elle ? Je plissai mes lèvres en une ligne rageuse, furieux contre moi-même de ne pas avoir eu l’intuition de venir à la ferme d’abord.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMar 24 Sep - 12:21

Freak.


Il était un temps où la femme que j’étais restait fermée à tout contact, préférant garder ses distances avec le monde extérieur, pour ne plus être blessée. J’avais cru pouvoir m’en sortir avec force, le dos droit et la tête haute, en me contentant des sursauts de celui qui m’avait donné mon nom. En essayant de me faire croire avec assurance, que le frémissement de sa peau était normal, et que toute personne agirait de la même manière au contact de doigts aveugles comme les miens. Mais il était maintenant un instant où mes mains s’agrippaient à d’autres, et n’avaient pas eu à devoir supporter un rejet, aussi infime fut-il. Oui, Arthur avait réussi à briser les mensonges que j’avais dressés moi-même, pour me protéger d’une vérité que je ne voulais pas entendre. Il avait ranimé au fond de mon cœur, la petite fille qui appréciait prendre la main de ses amis, et qui en cet instant s’accrochait à la sienne, qu’il me semblait connaître par cœur depuis quelques temps. Et pouvoir reconnaître plus que sa propre voix. C’était difficile de se l’avouer, mais c’était bel et bien cette main que je ne pouvais plus lâcher, et que j’espérais un jour, pourrait me guider dans les rues de Louisville, et face à une guerre qui ne saurait que trop durer.

Alors que le notaire se relevait, je sentis un instant mes lèvres se pincer, contrariée que j’étais à devoir lâcher ses mains. Elles étaient devenues un repère dans l’obscurité totale qui m’entourait et me rejetait ces derniers temps. Mais c’est alors que ses doigts se refermèrent sur les miens, et que mon sourire revint très légèrement sur mon visage. Je me préparais déjà à recevoir les conséquences d’un lever trop rapide. Il n’était jamais bon de se redresser soudainement lorsqu’on était blessée à la tête. Bien que surprise par sa main qui glissa sur ma hanche, je ne dis rien, certaine que je n’aurais pas pu tenir debout toute seule. Ou du moins était-ce ce que j’avais envie de croire. Néanmoins, cette autre main qui se posa ensuite sur mon épaule, me ramena cette vérité que je ne pouvais plus ignorer. La guerre nous avait rendus bien différents de ce que nous étions, de ce que nous avions toujours été. Est-ce que sans les bombes je me serais sentie bien plus seule mariée que veuve ? Est-ce que la première fois que nous nous étions rencontrés, j’aurais pu imaginer, ne serait-ce qu’un instant, que son souffle allait ainsi caresser mon visage, et que je ne ressente pas le besoin de m’écarter ? Bien sûr que non. « Ca va. »

Je m’écartai de ses bras, plus pour être certaine de pouvoir tenir debout, que pour les fuir. Bien que je ne veuille pas les abandonner, je ne pouvais pas non plus y rester éternellement. Que dirait-on de moi, la veuve capricieuse qui profite de l’attention qu’un autre voudrait bien lui porter ? Mais depuis quand faisais-je attention à ce que l’on pouvait dire dans mon dos ? Finalement, rien ne me gênait plus que de savoir ce que les gens pourraient baver dans le dos d’Arthur. Et c’était difficile de se l’avouer. « Je… » Mes sourcils se froncèrent et mes lèvres se pincèrent. Il me paraissait plus juste de réfléchir à chaque mot que j’allais prononcer. Je ne voulais pas lui mentir, mais n’allait-il pas simplement s’inquiéter pour rien ? Je savais qu’un jour ça allait arriver, qu’un jour on viendrait ici chercher les chevaux pour les tuer, pour nourrir des gens qui ont plus que certains autres. Je ne pensais pas être capable de les en empêcher. Mais je ne pensais pas non plus que ma vie compterait dans le cœur de quelqu’un, et qu’elle battrait de nouveau aussi fort dans ma poitrine. Maintenant, tout était bien différent.
Ma main s’agrippa à son bras, mes doigts serrant fort la manche de sa veste. « Ils ont dit vouloir emmener la jument. Même ici ils ne sont plus en sécurité… Mais il ne voulait certainement pas me faire de mal ! Les idiots sont juste… incapables d’assumer leurs actes. » Comme je l’étais moi-même. Il était si facile de fuir au lieu de faire face aux complications. Mais je ne voulais plus être lâche, comme je ne voulais plus être égoïste. Le pouvais-je réellement ? Je n’en savais rien, et il m’arrivait d’en douter. Néanmoins, l’envie était bien là, si ça pouvait me permettre d’épargner Arthur de la monstruosité d’une âme pourri jusqu’aux racines. Mes doigts relâchèrent le tissu pour venir trouver un peu de réconfort au creux de sa paume. Là était l’étendue de mon égoïsme en sa présence, et ma lâcheté résidait dans mes pensées : sa main me permettrait de tenir debout. Etait-ce réellement nécessaire ? Certainement pas, mais qui pourrait venir me le reprocher. « Ne te fais plus de souci pour ça, Arthur. Je vais bien, c’est l’essentiel. C’est par là, viens. » Mes doigts pressèrent légèrement les siens, comme pour l’implorer de laisser tomber, de tourner la page et d’avancer. Ca ne servirait à rien de stagner, de se buter contre un problème que nous ne pouvions pas régler. Il n’y avait plus de questions à poser, et toutes les réponses avaient été données. A quoi bon insister ?

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMar 24 Sep - 21:12

Freak.

Rassuré de constater qu’après s’être relevée, Elena n’éprouvait pas plus de douleur qu’auparavant, je m’autorisai à la relâcher, libérant sa hanche autour de laquelle mon bras s’était enroulé l’instant d’avant. Elle s’écarta aussi de son côté et la distance qui se concrétisa à nouveau entre nous permit à chacun d’entre nous de reprendre ses esprits. Je l’observai faire un pas loin de moi, guettant les signes qui me montreraient qu’elle allait effectivement bien. Ses sourcils se plissèrent momentanément, me faisant m’inquiéter à nouveau pour elle. Allait-elle vraiment bien ? La question tournait dans ma tête et je ne pouvais l’y enlever. Mais presque instantanément, elle reprit contact avec moi, agrippant mon bras d’une prise assez ferme. Son ton me parut quelque peu angoissé, aussi levai-je ma main à mon tour pour aller enserrer de ma paume ce coude déjà replié vers moi.

« Incapables d’assumer leurs actes ?! Complètement inconscients oui ! Comment osent-ils abandonner à elle-même une personne qu’ils viennent d’agresser ? Et qui saigne sous leurs yeux ? Ils n’ont aucune éthique ces mecs ! Dire que je les ai vus s’enfuir mais que je n’ai pas pu voir leur visage. Si ça avait été le cas, je peux te dire qu’ils auraient été sûrs de passer un sale quart d’heure, ces enfoirés. »

Je m’échauffais à nouveau mais voir Elena presque défendre ces hommes me mettait hors de moi. Incapables d’assumer leurs actes. Non mais vraiment. Elle était beaucoup trop gentille et bienveillante envers les autres. Ils n’avaient aucune excuse. Ils avaient sciemment agressé une femme sans défense puis avaient fui lâchement sans demander leur reste. Comment pouvaient-ils être excusés de cela ? La guerre nous menait vers des horizons troubles, et déjà les hommes commençaient à sombrer lentement dans la folie. Mais rien ne pouvait justifier d’agresser de la sorte une personne qui n’avait strictement rien fait. Je leur en voulais parce que si je n’avais pas été là, qui aurait aidé Elena à se remettre debout et à continuer de se battre pour la vie ? Je la savais très souvent proche du gouffre – j’avais pu le constater encore dernièrement lorsque je l’avais rejointe chez elle et que, par deux fois, elle avait effacé sa tristesse dans mes bras – et je leur en voulais de l’y avoir placée à nouveau, sans prévenir. Je m’estimais heureux d’être arrivé à temps pour la secourir, même si c’était sûrement un grand mot étant donné que sa plaie ne saignait plus à présent, et qu’elle n’en garderait qu’une mauvaise bosse pour les jours à venir. Mais quand même. J’étais littéralement furieux contre eux et oui, je pensais ce que j’avais dit : si j’avais pu voir leur visage, connaître leur identité, je n’aurais pas hésité à aller les trouver et leur expliquer ma façon de penser. L’idée de pouvoir également laisser exprimer ma frustration et ma colère par mes poings m’avait effleuré l’esprit mais je m’étais tu avant de le dire à Elena. Je sentais que cela ne lui aurait pas plus et je n’avais pas envie qu’elle s’éloigne de moi en conséquence d’une de mes mauvaises paroles.

Sa main glissa dans la mienne tellement facilement que tout ce qui s’était passé avant passait pour une pâle répétition imparfaite. Je ne me fis pas prié pour enserrer ses doigts des miens. Ma tête cependant, marqua un temps d’arrêt. Cette régularité de contact entre nos deux peaux depuis ces derniers jours me troublait. Parce que si je percevais à peine ce que je voulais de cette relation changeante, si j’avais encore des difficultés à m’avouer clairement ce qui évoluait entre nous, je n’étais sûr de rien concernant Elena. Que se passait-il dans sa tête à cet instant précis ? À quoi pensait-elle lorsqu’elle me prenait la main de cette façon naturelle, comme si nous avions répété ce geste des centaines de fois auparavant ? Et que voulait-elle de moi ?

« D’accord. Mais si la moindre chose ne va pas, si tu as mal ou quoi, tu me le dis surtout. Hein ? »

Je tentais de ne pas rougir de mon dernier mot qui avait sonné comme un cri d’enfant, incertain de cet avenir, incertain de ce qui se passait, voulant juste s’assurer qu’on le prenait au sérieux. Comme si je voulais être certain que je serais la première personne vers qui se tournerait Elena si elle avait besoin d’aide. Après tout, ne m’avait-elle pas dit l’autre jour qu’elle avait besoin de moi ? Ces mots résonnaient encore en moi et j’étais presque sûr qu’ils y resteraient encore longtemps.

Je la suivis de près, nous dirigeant vers le bout du couloir, vers la pièce qu’elle m’avait indiquée tout à l’heure. Tous les cinq secondes, je me tournai vers elle pour voir si elle ne grimaçait pas, ne faisait pas un geste indiquant que la douleur de son crâne revenait… Je tentais de faire cela discrètement, mais j’étais sûr et certain qu’elle sentait parfaitement tout mon petit manège rien que par la pression différente qui se faisait sur ses doigts lorsque je tournais légèrement mon corps pour l’apercevoir de biais. Heureux d’arriver à destination en à peine quelques pas, je lui ouvris la porte et l’amenait s’asseoir sur un des chaises qui se trouvaient autour d’une table.

« Assieds-toi, je vais chercher ce qu’il faut. »

Je jetai un rapide coup d’œil sur la pièce pour constater de nombreuses feuilles accrochées au mur, quelques clés suspendues à des crochets dans une petite boîte, et plus loin, un mini-coin cuisine, avec un évier et un petit comptoir où trônait un micro-ondes, une cafetière et un peu de vaisselle. J’avisai une trousse sur le plan de travail que je pris pour la trousse de secours et allai la chercher rapidement. L’ouvrant hâtivement, je constatai qu’il s’agissait bien de ça et j’en sortis un flacon de désinfectant. Je revins près d’Elena muni du flacon et de quoi l’appliquer sur la plaie. Observant à nouveau son crâne, je m’aperçus que du sang commençait à sécher dans ses cheveux autour de la plaie et qu’il faudrait nettoyer ça aussi. Mais au moins, la blessure ne saignait plus.

« Je vais désinfecter, tu me dis si ça te fait mal. »

Joignant le geste à la parole, je fis ce que je pus pour nettoyer correctement la plaie à l’aide du produit, m’arrangeant pour enlever ce que je pouvais de sang séché également sur ses contours. Tout ne partirait pas néanmoins, sans qu’Elena ne prenne une bonne douche pour régler ça. Une fois terminé, je remis les affaires en place, accompagnant mes derniers gestes d’un « Voilà. » significatif, marquant à la brune que j’avais fini. La trousse resta sur la table tandis que je m’asseyais à ses côtés, le coin du meuble nous séparant provisoirement. Je restai là quelques secondes, ne sachant plus quoi faire ni quoi dire. Lui demander une énième fois si ça allait risquait de la faire s’exaspérer. Alors, sans me demander ce que je faisais, je levai la main pour replacer une mèche de cheveux derrière ses oreilles, caressant au passage le trait de sa mâchoire avant de ramener mon bras le long de mon corps.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMer 25 Sep - 13:24

Freak.


L'entendre s'énerver pour si peu, pour une seule de mes phrases, ne fit que concrétiser mes peurs. Tout aurait pu être pire si je ne m'étais pas arrêtée dans ma lancée. Mon expression se figea néanmoins, pour ne pas lui montrer que ses paroles me touchaient plus qu'il ne pourrait le penser. Même s'il m'avait aidée à ne plus y penser, les évènements de la plage restaient tout de même dans mon esprit. Dans un petit coin qui ne prenait de l'importance que quand il le voulait bien, et quand il ne le fallait pas. Je comprenais quelque peu leur lâcheté, et bien que moi je suis revenue sur mes pas quand les bombes cessèrent de tomber, le mal était le même. Et je me demandais si quelqu'un dans cette ville pouvait bien penser la même chose que le notaire à cause de moi. Ma prise sur sa manche s'était faite plus douce tandis que j'essayais de trouver les mots pour qu'il cesse de s'inquiéter. « Mais tu étais là... » Un simple murmure qui s'échappait de mes lèvres alors que la question se posait bel et bien : que faisait-il là ?

Il devait être aux alentours de midi, et je ne doutais pas qu'il devait très certainement travailler. Le centre-ville n'était pas réellement la porte à côté, surtout pour une pause aussi courte. Que comptait-il faire en venant ici ? Si je n'avais pas rencontré ces abrutis égoïstes et aussi lâches que je pouvais l'être, alors que se serait-il passé ? Alors qu'il m'était si facile, avec telle ou telle personne, de deviner qu'il se passerait telle ou telle chose, avec lui tout était différent. Je n'avais déjà pas prévu qu'il débarque chez moi, il y a quelques jours de ça. Et j'avais encore moins imaginé qu'il vienne jusqu'ici un jour ou l'autre. Et pour quoi faire, exactement ? J'étais perdue. « Oui, oui. » Plus que la douleur, mon esprit était surchargé de questions sans réponse et d'incertitude, de doute. Quelle place y avait-il pour lui, pour moi ? Et qu'est-ce qu'il pouvait bien penser de moi quand ses doigts se refermaient ainsi sur les miens ? Etait-ce une petite sœur qui se tenait à ses côtés, ou une amie qu'il serait trop risqué de laisser tomber ? Je crois que je ne voulais même pas savoir la réponse.

Les quelques mètres qui nous séparaient de la pièce que je lui avais indiquée, me paraissait bien trop courts. Et bien trop longs. Je me sentais de plus en plus instable, gênée, de ne plus savoir ce que nous étions, ce que nous pensions de l'un et l'autre. Tout était si simple quand nous n'étions que des connaissances qui aspiraient à se connaître un peu mieux. Juste un peu pour devenir des amis prêts à s'aider. Mais c'était avant que ce mardi passe, et il est passé maintenant. Brisant tout ce que nous étions pour nous laisser dans l'incompréhension la plus totale. Ou du moins pour moi. Peut-être que pour lui tout était clair, et cette pensée ne me dérangeait qu'encore plus. Et s'il n'y avait que moi dans le flou. Que moi pour m'inquiéter de cette main qui attrapait la mienne sans hésitation. Et s'il n'y avait que moi pour cesser de penser à quoique ce soit, pour ne plus penser qu'à l'instant présent... C'était bien plus effrayant que la menace d'une quelconque guerre.

En cet instant, il aurait sûrement été amusant de pouvoir le voir se pencher vers moi pour vérifier que tout allait. De quelle façon pouvait se tordre ses sourcils ? Est-ce que l’inquiétude pinçait ses lèvres comme elle pouvait me le faire faire ? Que des questions idiotes qui auraient pu ne pas se poser si mes yeux voyaient aussi bien que les siens, qui cherchaient sans cesse une grimace sur mon visage. La porte émit un léger grincement en s’ouvrant, me ramenant à la réalité. Je laissai Arthur faire, ne voulant pour rien au monde qu’il s’énerve si je lui demandais d’arrêter. Il semblait bien pris par ses nouvelles occupations, et le savoir si attentionné à mon égard ne me déplaisait guère. J’eus envie de rire alors qu’il insistait sur le fait qu’il fallait que je lui dise quand j’aurais mal. Il était plutôt têtu à vrai dire.

Le désinfectant, comme je l’avais imaginé, me fit plus de bien que de mal. Sa fraîcheur effaçant quelque peu le peu de douleur qui restait. J’étais bien consciente qu’une bosse allait rester sur mon crâne quelques jours, et je n’en étais pas fière. C’était bien le seul point dérangeant pour moi. Quand il prononça un simple « voilà » qui indiqua qu’il avait fini de se déranger pour si peu, je retins tant bien que mal ma main de passer dans mes cheveux, pour s’inquiéter de la blessure. Ce simple geste aurait pu m’apporter la colère non-masquée du notaire, et je ne voulais plus qu’il me crie dessus. Surtout pas pour ça.
Le silence s’installa entre nous, alors qu’il s’était lui-même assis sur une chaise. Je profitais donc qu’il ne me demande pas une nouvelle fois si ça allait bien, pour placer quelques mots incertains, mes mains se tordant l’une l’autre pour indiquer ma gêne. Mais avant même que les sons ne passent mes lèvres, ils stoppèrent leur course dans ma gorge. La main d’Arthur venait de glisser sur mon visage pour replacer une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Et que devais-je penser de ce geste-là ? Je ne comprenais plus rien. Et le passage de ses doigts sur ma mâchoire avait brûlé ma peau et y laissait une trace indélébile.

Je baissai la tête, une main venant se poser sur mon front. J’étais totalement perdue, et il me semblait impossible de retrouver le chemin, ce chemin que nous avions tous deux quitté. Mais alors quel était le nouveau qui se présentait à nous ? Un grand sourire étira mes lèvres. J’abandonnais simplement le combat qui m’habitait intérieurement. Je voulais pas me détruire le peu d’esprit qu’il me restait, à me poser des questions si je n’avais plus aucune réponse à donner. « Pourquoi es-tu venu, Arthur ? »

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMer 25 Sep - 22:25

Freak.

« Heureusement. »

Ce simple mot franchit mes lèvres alors que son murmure m’était parvenu tandis que nous commencions à avancer vers la petite pièce au fond des box. L’air froid de l’extérieur avait pénétré jusqu’à l’intérieur de la ferme, se créant un passage à travers le bois qui en constituait ses murs, pour venir entourer nos corps déjà fatigués d’avoir senti cette boule de stress monter en nous. Je ne m’en sentis que plus vulnérable encore, déjà affaibli par les cris d’Elena tout à l’heure, alors qu’elle m’avait juré de me frapper si je ne me calmai pas. Cela m’avait fait un choc, et je ne le constatai qu’à présent seulement. Pour moi, Elena avait toujours été une femme forte et indépendante. Je savais qu’elle fuyait le contact humain, préférant être accompagnée d’animaux, ce qui faisait qu’elle exerçait ce métier d’ailleurs. Je l’avais toujours imaginée comme sûre d’elle en ce qui concernait ses émotions et la voir s’énerver de la sorte face à moi avait brisé cette image, imprimant à la place dans mon cerveau une photographie d’elle bien différente. Était-ce ainsi qu’elle était vraiment ? Était-elle ainsi qu’elle était, lorsqu’on la connaissait vraiment ? L’image dure que j’avais d’elle, celle d’une poupée de cire qui ne montre rien de ce qu’elle, s’évaporait peu à peu, au fur et à mesure que j’apprenais à la connaître, que j’apprenais à la découvrir, et à l’aimer de façon différente. Si elle l’avait su, elle m’aurait certainement pris pour un fou, de savoir que je ne l’en appréciais que plus d’avoir crié sur moi. Je souris à moi-même, sentant à cet instant une autre vague de froid venir enserrer nos corps. Bienheureux de refermer la porte de l’espace de repos derrière nous, nous pûmes ainsi bénéficier d’une atmosphère un peu plus chaude dans cette petite pièce qui, curieusement, parvenait à garder quelque peu sa chaleur pour nous la communiquer lentement.

J’avais instauré cette distance entre nous, plaçant la table comme un rempart entre elle et moi, comme une barrière qui, je l’avais espérée, me maintiendrait suffisamment à distance d’elle pour ne pas avoir envie de la toucher à nouveau. La façon qu’elle avait eue de chercher constamment ma main m’obnubilait, rendant difficile de mon côté mon envie de la toucher également. Mais sans savoir ce qu’elle cherchait par ce contact, comment aurais-je pu abuser d’elle de la sorte ? Visiblement, ma main n’était pas d’accord elle, puisqu’elle avait décidé toute seule de remonter vers cette mèche de cheveux qui la narguait, pour la remettre derrière son oreille. La peau de sa mâchoire lui avait paru tellement douce qu’elle aurait bien retenté l’expérience, mais elle eut assez de jugeote pour rester en place contre ma cuisse à présent. Les mains d’Elena, elles, se tordirent sous mes yeux, et je ne sus si c’était à cause de mon geste, que, peut-être, elle avait trouvé déplacé, ou bien si c’était à cause des mots qu’elle prononça à la suite de cela. Je souris légèrement à sa question. Pourquoi étais-je là ? C’était tellement simple et en même temps tellement compliqué de lui expliquer, et de placer des mots sur tout cela. Parce que si ces gestes qui nous unissaient me perturbaient, si mon regard venait encore et toujours se fixer sur son visage, sans pouvoir s’y détacher, je ne savais pas encore nommer tout cela. Toujours le même refrain, toujours la même découverte et le même questionnement. Peut-être que si je parlais, si j’essayais, cela fonctionnerait. Et que j’y verrais plus clair.

« Pour te voir. Cela paraît assez évident en fait. » J’haussai les épaules pour moi-même, me rendant compte que je parlais aussi bien pour éclairer Elena que moi-même. « J’avais… Bon ok tu vas trouver ça bizarre peut-être mais… j’avais besoin de te voir. Juste comme ça, sans but précis. Juste te voir et pouvoir parler un peu avec toi. En fait je suis d’abord passé chez toi mais tu n’y étais pas. Oui, bien sûr que tu n’y étais pas, vu que tu étais ici. Bref. Je crois que je m’inquiétais aussi un peu pour toi depuis mardi… Je sais, tu m’as dit de ne pas m’inquiéter mais je ne peux pas. » Je ris un peu. « Je crois que je vais encore moins pouvoir ne pas m’inquiéter après ce qui vient de se passer. Je sais que tu vas encore me dire de ne pas me faire de soucis et tout, mais ça ne servira à rien. » Je cachai ma gêne soudaine par une petite toux. « Ok, je parle beaucoup tout d’un coup, c’est juste que… »

Je m’interrompis, incapable de continuer alors que la gêne me faisait rougir légèrement les joues et que mon ton devait s’en être ressenti. Pourquoi n’arrivais-je pas à être le Arthur sûr de lui et confiant quand j’étais face à Elena ? À croire qu’elle me faisait perdre tous mes moyens. Non pas que ça me dérangeait fortement, mais j’étais plus frustré parce que j’avais l’impression de lui donner une image fausse de moi en agissant de la sorte. Le Arthur qu’elle percevait n’était pas celui que j’étais. Du moins le croyais-je. Je n’arrivais pas à imaginer que j’étais réellement cette personne, qu’une part de moi restait timide et incertaine face à certaines personnes. Face à Elena. Peut-être est-ce pour cela que je fis ce que je fis la seconde suivante. Agrippant ma chaise, je me rapprochai d’Elena pour me retrouver face à elle, sans la table entre nous à présent. Mes genoux vinrent se positionner à l’extérieur des siens, s’appuyant contre eux sans exercer de pression. Je vins enserrer ses doigts au creux de mes paumes et posai mes mains sur ses genoux à elle.

« C’est juste que… tu es devenue importante à mes yeux, et je refuse que la guerre t’arrache à moi comme elle l’a fait avec tous les êtres qui m’importaient. Il ne me reste plus que mes cousins à présent. Et toi. Je ne sais pas ce qui me prend de te dire tout ça comme ça mais… en fait si je sais, mais bon… Je crois qu’entre toutes nos petites rencontres, je me suis rendu compte que tu étais devenue une personne qui compte pour moi. Et je voulais que tu le saches. Parce que la guerre nous menace à chaque instant et que je prends de plus en plus conscience de ce qui est vraiment important. Je ne veux pas risquer de mourir sans avoir eu le temps de… » Je m’interrompis un instant. « Sans avoir le temps de faire tout ce que j’avais à faire. »

Je lâchai ses mains brutalement, presqu’aussi vite que je les avais saisies, et me levai soudainement, faisant grincer la chaise que j’abandonnai pour faire quelques pas dans la pièce vide. Mes mouvements résonnaient dans l’atmosphère tiède qui nous enlaçait, et je refusai de jeter un regard vers Elena pour voir ce qu’elle pensait de tout ça. J’avais l’impression de m’être dévoilé et de ne plus avoir la protection qui assurait ma sécurité au quotidien. J’étais totalement à sa merci et je ne savais même pas si elle en avait conscience.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyJeu 26 Sep - 9:33

Freak.


Le « heureusement » qu'il prononça, ce simple mot pourtant inoffensif, pinça mon cœur quelque peu. Il était vrai que sa présence ici, à cet instant précis, n'était due qu'à une coïncidence qui me frappa soudainement. Si ça avait été hier, ou demain, Arthur ne serait pas venu, il n'aurait pas été là pour me rattraper, pour m'empêcher de faire le dernier pas qui me séparait du bord du gouffre. Mais il était bel et bien là, en cet instant, et le gouffre s'éloignait peu à peu, ne laissant qu'un faible sentiment d'insécurité quand sa main lâchait la mienne. Tout était certainement dû au contraste entre la violence d'une poigne de fer, et la douceur de ses gestes à lui, mon cerveau ne s'en trouvant alors que plus bouleversé. Ou du moins était-ce la seule et lâche pensée qui pouvait m'épargner un quelconque mal et une vague de questions.

Et pourtant, à cet instant, alors que ses doigts avaient glissé le long de ma mâchoire, alors qu'ils avaient replacé une mèche de ces cheveux rebelles, qui s'entêtaient à venir empiéter sur mon visage, et caressé au passage cette oreille qui les empêchait de venir m'embêter. Que devais-je penser ? Que pouvais-je penser ? Mon cerveau venait d'être court-circuité par ce contact qui brisait bien plus sûrement notre amitié, que n'importe quelle étreinte de ce mardi dernier. Et je me retrouvait alors devant deux chemins bien distincts, l'un étant obscur et solitaire, l'autre gardant la chaleur de ses doigts sur ma joue. Il ne m'était plus possible de faire un seul pas en arrière, je ne pouvais plus me torturer l'esprit à me buter contre ce mur invisible, à retarder le moment qui allait nous décider. Non. Il fallait faire un pas en avant.

Mes mains vinrent s'appuyer contre mon front, enlacée, soutenant cette tête que je ne pouvais plus porter. La jalousie venait de naître au fond de mon cœur, et sa pourriture m'effraya un peu plus en cet instant. Comment pouvais-je être jalouse pour si peu ? Je ne le comprenais pas non plus. Et jalouse de qui, de quoi exactement ? J'étais jalouse du fait qu'il puisse avouer aussi facilement qu'il voulait me voir, tout simplement. Il ne pouvait certainement pas s'imaginer à quel point l'envie de le voir tiraillait mon corps et torturait mon esprit. Et lui pouvait le faire si facilement, alors que moi...
Un fin sourire étira mes lèvres, gênée par mes propres pensées, et ses paroles. Je replaçai mes cheveux derrière mes oreilles, avant de poser mes mains sur mes cuisses, pour mieux me concentrer sur ce qu'il avait à me dire. Tous ces mots qui sortaient de sa bouche me gênaient plus par leur véracité que par leur signification. J'avais moi aussi eu l'envie de me rendre dans le centre-ville, de chercher son cabinet pour lui prouver que tout allait bien, qu'il n'y avait vraiment pas de quoi s'inquiéter. Mais je ne l'avais pas fait, parce que j'avais cette habitude de fuir les situations que je ne pouvais pas contrôler, que je savais facilement... non, je fuyais les situations qui, je savais, allait briser cette couverture, ces barrières que j'avais mises en place autour de moi. Arthur cassait si facilement les apparences que je voulais bien me donner, pour me rendre bien plus vulnérable que jamais, maladroite et indécise, dans un questionnement constant. Constant. Quelle idiote je pouvais être.

Je l'entendis bouger, se rapprocher de moi alors que lui-même nous avait éloignés. Je ne fis aucun mouvement pour l'en empêcher, et le savoir si près de moi ne changea rien à mon état, mis à part mon esprit qui s'embruma encore plus, et mes mains qui glissèrent sur mes genoux comme pour venir toucher les siens. Mais alors il les attrapa, les serrant entre ses doigts et accrochant ainsi mon attention à ses paroles suivantes. Je n'en loupai pas un mot, bien plus touchée par chaque mot que ce que mon visage voulait bien montrer. D'ailleurs, que pouvait-il montrer en cet instant ? Mes yeux vides ne pouvaient pas dévoiler ce qui m'habitait. Et ils ne pouvaient pas non plus voir ce qu'il y avait au fond de ses pupilles à lui. L'obligeant de ce fait à mettre des mots sur ce qu'une autre aurait pu contempler dans ses iris. Mais il ne s'agissait pas d'une autre, il s'agissait bel et bien de moi, et tout ce que je pouvais faire était de m'accrocher à ses mains encore une fois.

Jusqu'à ce qu'il lâche les miennes brutalement, et se lève de sa chaise pour faire quelques pas dans la petite pièce. Mes doigts se refermèrent sur la maigre chaleur qui restait des siens aux creux de mes paumes. Maintenant qu'il s'était lâché, qu'il avait tout dit ce qui lui pesait sur le cœur, il me laissait au croisement des chemins. Je devais faire quoi, là ? Dire oui, non ou merde ? J'avais cherché depuis ce soir d'automne, ce mardi maudit, le moment où il faudrait donner des réponses précises à mes questions incertaines. Et maintenant qu'il était temps, je rêvais d'un jour où je n'avais eu en tête que les préoccupations d'un soir de pluie dans un commissariat. Où il avait été si simple de répondre juste « oui, je me souviens » ou « non, rien n'est certain ». Mais là, en cet instant, il n'y avait pas de place pour une réponse aussi courte. Quelle que soit la question.

Mes mains tremblantes se posèrent sur la table, et alors qu'un premier mot, solitaire et incertain, passait mes lèvres, « Je... », elles cessèrent tout tremblement, et un grand sourire étira mes lèvres. Il était temps de répondre aux confessions par les confessions, c'était ça ? « Je le voulais aussi. J'avais besoin de te voir, je voulais te parler aussi. Mais je voulais te voir, comme je peux ''voir'' cette table en cet instant. Ah... c'est embarrassant. J'avais envie de faire le déplacement jusqu'à ton cabinet, mais je n'ai jamais trouvé le courage de le faire. Parce que je m'inquiétais que tu puisses t'inquiéter pour moi. Je suis une idiote, je le sais. Mais je ne voulais pas te savoir perdre ton temps pour un cas irrécupérable comme le mien. Je sais que je t'ai demandé de ne pas te faire de soucis, je le pensais vraiment. Mais je ne te le demanderai plus, Arthur, car je suis moi-même incapable de penser à autre chose. Tout comme toi, j'ai peur que ce soit toi que l'on m'arrache la prochaine fois. » Je me levai soudainement, faisant tomber la chaise. « Laisse-moi être égoïste une dernière fois. » Je fis quelques pas incertains dans la pièce, pour essayer de le trouver, lui qui m'avait fuie en cet instant. « Il n'est pas question que tu meurs, Arthur, car il n'y a plus que toi pour me maintenir en vie. » Le bras tendu devant moi, l'autre poing pressé contre mon corps, les lèvres pincées de peur qu'il ne m'abandonne cette fois, j'espérais bien qu'il attrape ma main en cet instant précis. S'il ne le faisait pas, il n'y aurait alors plus aucun intérêt que je me batte pour sa vie plus que pour la mienne, qui n'avait plus aucune importance.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyJeu 26 Sep - 21:42

Freak.

Est-ce qu’Elena était troublée par mes propos ? Troublée ou bien perdue ? Compréhensive ? Vexée ? Je n’arrivais pas à savoir ce qui pouvait bien se passer dans sa tête alors que j’avais finalement réussi à placer les bons mots dans ma bouche, expliquant enfin clairement la situation. Elle comptait tellement pour moi à présent. Seul cela comptait, parce qu’il ne me restait plus rien d’autre. Il ne nous restait plus rien d’autre. Alors que la guerre avait balayé d’un geste tout ce que nous connaissions, je me retrouvais à présent devant cette femme qui était tout ce qui me restait. Je ne comprenais pas comment j’avais pu me voiler la face auparavant. C’était tellement évident et pourtant si difficile à réaliser. Elle ne pourrait sûrement pas savoir à quel point elle m’importait. Elle était passée d’une vague connaissance, que l’on rencontre un soir où l’on a un peu trop bu, dans un commissariat dont je n’avais plus aucun souvenir, à la personne clé qui me permettait de me raccrocher un peu plus à la vie. Comme il aurait été facile de se laisser emporter par le désespoir ambiant, par cette lassitude qui, un à  un, nous attirait vers le vide. Mais je ne pouvais pas. Elle m’en empêchait, parce que j’étais devenu responsable d’elle, alors qu’elle n’en avait même pas conscience. Elle devenait l’ancre qui me retenait à la vie et elle, elle pensait que c’était moi qui la sauvais. Comme elle se trompait…

Ne pouvant supporter de la regarder fixement comme je n’arrêtais pas de le faire, je m’étais levé précipitamment, l’abandonnant seule autour de cette table qui me paraissait du coup bien grande. J’avais besoin qu’elle me réponde. J’avais l’impression d’avoir lâché une nouvelle bombe en lui avouant à quel point elle comptait pour moi. Je ne m’en voulais pas, ça non. J’avais dit ce que j’avais à dire, parce que je pensais qu’il était nécessaire de le lui avouer, parce que notre relation avait depuis longtemps quitté le simple statut d’amitié, depuis ce fameux mardi, et parce que je voulais qu’elle l’entende, faute de pouvoir lire mon esprit en regardant dans mes iris. Je me disais souvent que notre relation ne serait pas la même si elle n’était pas aveugle, mais je n’allais jamais plus loin pour l’imaginer, car celle que nous avions à cet instant me plaisait énormément. Et puis, j’avais tendance à croire que si elle avait pu me voir, peut-être qu’elle ne m’aurait pas trouvé aussi intéressant. Ou bien qu’elle n’aurait éprouvé aucun intérêt pour moi. Et c’était bien trop douloureux d’y penser, c’est ainsi que je préférais m’abstenir. Ses mains tremblèrent alors qu’elle les posait sur la table et je sus qu’elle allait parler. Mais dès qu’elle le fit, ses doigts cessèrent de s’agiter et un sourire s’épanouit sur son visage. Contagieux, il se répandit sur mes lèvres après quelques syllabes prononcées par cette bouche sincère. Je l’écoutai religieusement, mes lèvres s’étirant encore un peu plus au fur et à mesure qu’elle parlait. Puis elle se leva, et le bruit de la chaise qui tomba à la renverse me fit légèrement sursauter, tellement j’étais captivé. Quelques mots encore et sa main se tendit dans le vide.

En un pas, je fus à ses côtés. La seconde suivante, je tenais sa main. Un bruissement plus tard, j’avais glissé ma main droite dans son dos, l’attirant à moi en un geste. Ma tête vint se coller contre la sienne, mon menton entrant en contact avec le côté de son crâne, non loin de l’endroit où la bosse s’installait. Mon autre main avait lâché la sienne pour rejoindre celle qui se trouvait déjà au creux de son dos, remontant jusqu’entre ses omoplates pour la reprocher encore de moi alors que je fermai les yeux pour mieux humer son odeur. Ses cheveux vinrent frôler mon nez, me faisant grimacer un instant avant de baisser la tête pour échapper à leur contrôle. Je la serrai plus fort alors qu’une pulsion était née en moi à l’instant précis où elle avait laissé échapper ses derniers mots. Avait-elle idée de ce que cela déclenchait en moi ? Je ne pouvais néanmoins pas me laisser aller à cette envie folle, qui me prenait à présent encore plus maintenant que je la tenais dans mes bras. Je fermai les yeux plus fort, comme si cela allait me permettre de l’oublier. Sentir sa fragrance n’aida en rien à la calmer. J’avais terriblement envie de l’embrasser.

Mais je n’avais pas le droit. Il y avait plusieurs paramètres à prendre en compte… Maudissant mon esprit pratique, qui avait effacé les pulsions de mon cœur, je ne pus m’empêcher de penser à elle et à son mari, qu’elle venait tout juste de perdre. Je n’avais pas le droit. Elle devait encore être en deuil de lui, lui qui avait été à ses côtés toute sa vie, et qui avait été la main qui la guidait dans l’obscurité. Je n’avais pas le droit. Elle venait de se faire agresser, parce que la guerre avait placé dans nos vies bien plus de dangers à présent qu’auparavant, et cela la rendait vulnérable. Je ne doutais pas de ses paroles, mais j’avais peur de ce que je pouvais faire en réponse à ce discours. Certes le fait qu’elle m’avoue sa vérité, qu’elle réponde à ma confession par la sienne, me comblait de bonheur, mais rien n’indiquait qu’elle ne veuille autre chose de moi que de l’amitié, et un soutien dans cette guerre terrifiante qui s’abattait sur nous. C’est sûrement pour ça que je ne pus que répondre d’un ton faible.

« Je suis là. Je serai toujours là. Je ne compte pas t’abandonner. Jamais. »

C’était foncièrement ce que je pensais, oui. Mais à un niveau réduit cependant. À un niveau que je m’imposais moi-même, ne voulant pas présumer chez elle ce qui se trouvait déjà dans mon cœur. Pour moi, le temps de l’amitié était révolu, plus aucun retour en arrière ne serait possible. Comme il est douloureux de ne pas savoir ce qui se passe dans l’esprit de l’autre alors que le sien est perturbé par cette même personne. Arrivait-elle à sentir une toute autre angoisse envahir mon corps alors qu’il se serrait contre elle ? Que pensait-elle en cet instant où, à nouveau et ce pour la troisième fois, toute distance était abolie entre nous, faisant de nous comme un seul être pour les regards extérieurs ?

« Tu sais que tu peux venir me voir quand tu veux ? Ou me "voir comme tu vois cette table en cet instant" ? À ce propos, est-ce que… Est-ce que tu ne te demandes pas parfois à quoi je ressemble ? Ou à quoi ressemblent d’autres personnes ? »

Les autres personnes ne m’intéressaient pas, évidemment. Mais je ne voulais pas qu’elle pense que je ne me focalisais que sur l’image qu’elle avait de moi. Elle n’était pas stupide néanmoins et je me doutais qu’elle saisirait parfaitement où je voulais en venir. Je ne l’avais pas lâchée, prolongeant cette étreinte aussi longtemps que possible. Est-ce que "longtemps" pouvait devenir l’infini si on le désirait vraiment ?

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 29 Sep - 13:11

Freak.


Que serions-nous devenus sans la guerre ? C’était là un chemin que nous avions quitté depuis longtemps, en réalité. Nous serions restés les connaissances d’un soir pénible et oublié, qui s’échangent quelques politesses en se croisant en ville. Rien de plus, rien de moins. Qui pouvait-il y avoir de moins de toute façon ? Et si, comme je le souhaitais en cet instant, jamais je n’avais eu à vivre dans le noir alors, que serions-nous devenus ? Je ne serais jamais allée dans ce commissariat, il ne m’aurait jamais bousculée, et peut-être même ne serais-je jamais venue habiter la côté. Car avec mes yeux, je ne me serais très certainement pas mariée à Alexandre, parce que j’aurais pu voir la beauté d’autres hommes que lui. Et je serais tombée amoureuse plus d’une fois, comme toutes les autres. Mais je n’étais pas comme toutes les autres, et je ne leur souhaitais pas de devenir comme moi.

J’étais persuadée que mes joues devaient avoir rougies bien plus que je pouvais me l’imaginer, alors que la vérité n’avait fait que sortir de ma bouche pour atteindre ses oreilles et se faire une place dans son cerveau. Mais tout de même, avouer à un quelqu’un… ah, non, je ne voulais même pas y penser. C’était trop gênant. Et en même temps si vrai, que ça n’arrangeait en rien la situation. Puis sa main attrapa la mienne et balaya tout ce qui se bousculait l’instant d’avant dans mon esprit. Il ne resta plus que la chaleur diffuse de sa main dans la mienne. Sans qu’il ne le sache, il venait de m’attirer dans un sens unique, sans aucun retour en arrière possible. Et déjà mon cœur s’affolait de l’inquiétude qui l’habitait de plus en plus. Peut-être aurait-il été encore temps de m’échapper, de fuir une nouvelle fois pour trouver la sécurité dans la solitude. Je ne serais plus inquiète, coupable, stressée, blessée. Mais déjà son autre main glissait dans mon dos, y trouvant sa place comme si elle y avait toujours été attendue. C’est alors qu’il lâcha mes doigts pour une étreinte qui me questionna plus qu’elle ne me libéra d’un quelconque poids.

Où en étions-nous à cet instant ? Qu’est-ce qui avait changé, alors que nous nous étions avoués la vérité qui nous habitait tous deux ? Il me semblait revenir à ce mardi incertain, alors que notre amitié se voyait brisée mais ne savait pas se recoller en quoique ce soit d’autre. Et là, alors que ses bras enserraient mon corps et que mes propres mains agrippaient sa veste sans vouloir la lâcher, il n’y avait qu’une infime différence, presqu’imperceptible, qui ne me paraissait pas significative. Nous étions les mêmes, non ? Indécis, incompris… Je ne savais plus, je n’arrivais plus à comprendre ce qu’il fallait deviner dans ses paroles, dans ses gestes. Et dans les miens.

Un petit rire m’échappa, plus nerveux que joyeux, même s’il y avait aussi de ça, bien entendu. Mais avez-vous déjà entendu quelqu’un vous dire exactement ce que vous vouliez qu’on vous dise ? C’est particulièrement étrange, stressant, amusant et gênant dans un sens, parce qu’il avouait tout haut quelque chose que je ne pouvais pas même penser tout bas. « Je sais. » Un simple murmure qui réussit à passer mes lèvres tant bien que mal. Je ne savais plus vraiment quoi faire en réalité. Mais j’avais à ce point l’esprit saturé de questions, de préoccupations quelconques, que je ne pouvais plus réfléchir convenablement. Mes mains se libérèrent, l’une se posant sur son crâne, mon pouce venant trouver sa place derrière son oreille, l’autre venant effleurer sa joue plus que la toucher, alors que je m’étais légèrement écartée du notaire, instaurant une distance entre nous qui n’avait rien d’amicale, en réalité. Ses paumes toujours dans mon dos, et sa tête si près de la mienne, invitèrent mes lèvres à se pincer pour réprimer leur envie de se poser sur les siennes. L’incompréhension m’empêchait d’agir aveuglément, pour une fois. Pourquoi ? Zoé. Elle n’avait pas quitté ses pensées depuis un an qu’ils n’étaient plus ensembles. Qui pouvait me dire qu’elle n’y resterait pas encore, et encore ? Moi-même, le souvenir de mon mari me tourmentait depuis quelque temps. Et pourtant, là, en cet instant, alors que la chaleur de ses mains était présente dans mon dos, et que son souffle frôlait mon visage, il n’y avait plus qu’Arthur pour me tourmenter, et m’empêcher d’aligner deux pensées raisonnables.

« Constamment, Arthur, mais ton visage est le seul qui se laisse désirer à ce point. » S’il savait toutes les fois où mes mains avaient eu l’envie de venir découvrir son visage, la largeur de ses épaules et la force de ses bras, il me prendrait pour une folle. Mais c’était ainsi que ça marchait, et je ne pouvais pas m’en empêcher. Il fallait que je me concentre sur autre chose, que je cesse de penser à l’attrait de sa personne sur la mienne. Oui, dis comme ça, ça rendait les choses beaucoup plus embarrassantes. Et pourtant, je ne pouvais plus me voiler la face maintenant, j’étais peut-être aveugle mais pas naïve pour autant. « Tu pourrais regretter tes paroles, en me voyant débarquer tous les jours dans ton bureau, tu ne penses pas ? » Un large sourire étira mes lèvres. C’était peut-être mesquin selon certains, mais j’avais besoin de savoir où nous en étions exactement. Je ne pouvais pas plus rester dans l’ignorance, alors que l’agression précédente m’avait ouvert les yeux. Si je ne prenais pas le temps de me questionner maintenant, je pourrais ne plus en être capable dans quelques jours. Et mon fantôme plein de regrets viendrait hanter ce monde avant sa fin.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 29 Sep - 19:20

Freak.

Il me semblait que plus rien n’existait autour de nous alors que cette étreinte se prolongeait comme je l’avais espéré. Je n’avais plus envie de penser au reste. Pour une fois que tous mes tracas étaient loin de moi, je n’allais pas les faire ressurgir sciemment. Tout ce à quoi je voulais faire attention en cet instant précis se résumait en un mot : Elena. Ses mains avaient agrippé ma veste dans mon dos, annihilant tout espace vide entre nous, mais je ne voulais pas qu’il y en ait. Je sentais mon cœur battre à un rythme soutenu dans ma poitrine, mes paupières toujours fermées. Je faillis ne pas entendre son petit murmure, tellement j’étais concentré sur les sensations de son corps collé contre le mien, laissant toute parole perdre son sens. Il me parvint néanmoins, sans que je ne puisse trouver autre chose à dire. J’avais déjà tout dit. Et je ne voyais pas quoi ajouter. J’étais pourtant perturbé plus qu’il ne l’aurait fallu car je n’arrivais pas à connaître exactement ce qui pouvait se cacher derrière les paroles de la brune. J’avais difficilement réprimé mon envie de l’embrasser car je ne savais pas le statut qu’elle me donnait dans sa tête. Étais-je le seul à la considérer différemment d’une amie à présent ? Étais-je le seul qui, en trois jours, avait pensé à elle tellement de fois que j’avais dû me retenir d’aller la voir à toute heure du jour et de la nuit ? Étais-je le seul qui, en trois jours, était passé dans ma tête d’une relation amicale avec elle à bien plus ? J’avais envie qu’elle me donne un signe, quelque chose pour que je sache. J’avais besoin de savoir. Là. Maintenant.

Alors que son odeur m’avait envahie, se mêlant à la mienne pour en former une nouvelle, elle s’écarta légèrement, m’empêchant de m’attarder un peu plus sur ce que je ressentais. Sa main vint retrouver la place qu’elle avait quittée trois jours plus tôt, à ce même endroit où, souvent, la peau me brûlait au souvenir de ce pouce qui s’y était accroché quelques secondes à peine. Lorsque son autre main se posa sur ma joue, je souriais tellement qu’elle devait forcément le sentir grâce à ces doigts qui bougeaient à peine. Comme si elle avait peur de faire un faux mouvement. Je la vis d’ailleurs se pincer les lèvres et je ne sus si c’était pour se retenir de dire quelque chose ou bien une conséquence de la situation générale. Mes yeux restèrent fixés sur sa bouche, chose beaucoup plus aisée à faire puisqu’elle ne pouvait me voir la regarder. Avec une autre, j’aurais dû me cacher pour l’admirer. Mais avec Elena, je pouvais le faire sans qu’elle ne s’en doute, ou plutôt, sans qu’elle ne se doute avec quels yeux je la regardais. J’avais le loisir de la contempler et je ne m’en privais pas. Son visage était tellement près du mien que je pouvais sentir son souffle lorsqu’elle lâcha quelques mots, qui accélérèrent encore plus mon rythme cardiaque. Ok, et ça, c’était quoi ? Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle soit aussi sincère et le fait qu’elle le soit me fit oublier à nouveau d’écouter lorsqu’elle parla encore. Qu’avait-elle dit ? Je n’en savais absolument rien.

Je n’en savais absolument rien et cela m’importait peu. J’avais attendu un signe, ou quelque chose dans le genre. Si ça ce n’en était pas un, alors je ne savais pas quoi attendre de plus. Mes mains étaient restées posées dans son dos lorsqu’elle s’était écartée quelque peu de moi, restant attachées à elle autant que possible. Je remontai ma main droite vers son visage, allant caresser sa joue de mon pouce alors que l’autre venait la rejoindre pour se poser en symétrie le long de sa mâchoire. Mes prunelles restaient fixées sur son visage et dérivèrent sur ses lèvres alors que mon pouce vint s’y poser pendant une seconde. Ou deux. Ma main gauche glissa dans sa nuque, se frayant un passage dans sa chevelure et s’y appuya pour l’attirer à moi. Un battement. J’avais déjà fermé les yeux. Le noir était sien, j’en voulais bien aussi à présent. Un autre battement. Mon pouce s’était déjà écarté pour laisser la place à mes lèvres, qui se posèrent lentement sur les siennes. Je ne savais pas si c’était ce qu’elle voulait mais moi, j’en avais désespérément besoin. Je restais prudent néanmoins, pour être aussi aux aguets que possible du moindre geste de refus qu’elle aurait pu esquisser. Du moins le croyais-je. Je ne pouvais pas rester de marbre alors que la douceur de ses lèvres sous les miennes me faisait chavirer. Je ne pouvais rester prudent, attentif à ses réactions alors que sa peau sous mes doigts me faisait perdre pied. Ma main sur sa nuque s’y appuyait toujours pour la maintenir contre moi, alors qu’à nouveau, plus aucun espace n’avait été admis entre nos deux corps. Ma bouche s’éloigna imperceptiblement de la sienne pour revenir s’y coller un millième de seconde plus tard, n’admettant pas de rester éloignée trop longtemps. Je devais me retenir pour ne pas aller trop vite et la brusquer, ce que je voulais éviter par-dessus tout. Je ne voulais pas qu’elle fuit, qu’elle me fuit. J’aurais été beaucoup trop malheureux si elle me fuyait par manque d’égards vis-à-vis d’elle. Et puis il me fallait encore découvrir comment elle allait réagir à tout cela, et ce qu’elle allait en penser. Pour ma part, penser était extrêmement difficile en cet instant, alors que je l’attirais à moi toujours un peu plus près, toujours un peu plus longtemps et que son odeur m’enveloppait à nouveau de manière captivante.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyLun 30 Sep - 21:58

Freak.


Son odeur  m’envahissait, annihilant le peu de raison qu’il me restait, attirant mon corps tout contre le sien pour profiter de son parfum. Envoutant, enivrant. Le monde s’écroulait, suspendu en une seconde incertaine, indécise quant à laisser la place à la suivante. Et si, dans son esprit à lui, il tenait bel et bien une amie dans ses bras, aussi fort qu’il le pouvait car elle était plus que ses cousins. Mais bien moins que Zoé. Insignifiante par rapport à la place qu’elle continuait de prendre dans ses pensées. Alors cette seconde tanguait sans pouvoir faire de choix. Mais, et si, la prochaine n’était que meilleure, annonciatrice d’une main à laquelle s’accrocher, d’un cœur pour lequel s’inquiéter. Alors nous passions à côté de quelque chose de grand, d’immense, de fort. Un changement, pour le moins bouleversant dans nos misérables vies, qui gagnaient de l’importance. Mais il avait été dit que les si mettaient des villes entières en bouteille, et il n’y avait que lui qui méritait une prison de verre pour ne pas être blessé par la guerre, ou tué par les bombes. Ce que je ne saurais pardonner.

Sous mes doigts, qui n’attendaient que de suivre la ligne de sa mâchoire, de ses sourcils, de se poser un instant sur ses tempes, et d’y sonder peut-être son esprit à la recherche d’une seule, petite réponse, les commissures de ses lèvres vinrent effleurer ma peau, alors qu’il souriait. Quel était ce sourire et sa signification, toutes les pensées qui pouvaient bien se cacher derrière ? Mais même les questions m’échappaient alors que ma main ne semblait que bien trop à sa place sur sa joue. Pouvais-je encore fuir, lâcheté et égoïsme vibrants à mon oreille, tandis que ces quelques mots passaient la barrière serrée de mes lèvres pincées ? Il me semblait trop tard depuis bien longtemps. Et ce pouce qui se perdait derrière son oreille quelques instants pour mieux fuir sous ses cheveux, dans un va-et-vient inconscient, en disait bien plus long que n’importe quelle parole. Et était bien plus vrai que la moindre de mes pensées : je n’avais nullement envie de fuir. Il n’y avait plus de place pour la lâcheté dans ce cœur qui battait à tout rompre au fond de ma poitrine. Ma place était dans ses bras ou à tout jamais le plus loin possible de sa chaleur. Il n’y avait plus de doute à avoir.

Son pouce dessina une ligne de feu sur ma joue, brûlant cette peau déjà marquée par son passage. Mes lèvres toujours pincées à l’idée de chercher les siennes et de ne plus les quitter, se détendirent sous la douceur de sa peau. S’il n’y avait pas là un vilain personnage pour les tenter, elles se seraient séparées encore une fois, pour proliférer une dernière bêtise. Mais déjà toutes mes pensées s’évaporaient et mes paupières se fermaient alors qu’il glissait sa main sous mes cheveux. C’était là la place qu’elle s’était trouvée trois jours plus tôt, et c’était là qu’elle avait tant manqué depuis ce mardi soir. C’est alors que ses lèvres vinrent accrocher les miennes, après les avoir appelées encore et encore, dans le silence qui s’était installé entre nous. Silence que je ne saurais briser et qui n’avait pas besoin de l’être, alors qu’il se laissait rythmer par les battements incessants de mon cœur. Pouvait-il le sentir, alors que ma poitrine était collée à la sienne, essayer de s’extirper de sa cage en battant la chamade à tout rompre ? Mais mon esprit n’était plus capable de trouver de réponse, tout accaparé qu’il était par ses doigts dans ma nuque et ses lèvres qui ne quittaient plus les miennes.

Passée la surprise de sa bouche pressée contre la mienne, ma main caressa sa joue pour venir se perdre dans ses cheveux, et se poser sur sa nuque. Mon pouce quitta bien malheureusement son oreille, pour se glisser sous sa veste et s’arrêter tout contre son épaule, captant la chaleur de son corps emprisonnée par le tissu. Lorsque nos lèvres se séparèrent une nouvelle fois, il me parut presqu’intelligent de laisser couler quelques secondes, le temps de réorganiser ce qui ne pouvait plus l’être. Tous ces sentiments, ces émotions qui m’habitaient et qui ne trouvaient plus leur place désormais. Comme la culpabilité, qui m’avait rongée, presque tuée, et qui maintenant s’échappait peu à peu de mon cœur. J’étais pourtant tout contre un autre, j’appréciais le contact des lèvres notariales sur les miennes, alors que j’osais encore dire il y a quelques semaines, que j’étais bel et bien veuve mais non divorcée pour autant. Et en cet instant, étonnement, mes doigts agrippèrent sa nuque, rapprochant nos visages une nouvelle fois alors que mes lèvres cherchaient les siennes presque désespérément. Il n’y avait plus de logique dans mon esprit, ni même plus rien qui soit un tant soit peu raisonnable. Seulement les battements de mon cœur à mes oreilles, le parfum d’Arthur emplissant mes narines et la douceur de sa peau contre la mienne. Le vide le plus complet, et le noir le plus beau qu’il ne m’ait jamais été donné de contempler.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMar 1 Oct - 16:16

Freak.

Elle bougea imperceptiblement contre moi, me permettant d’accéder à ses lèvres encore plus facilement, ce qui me fit sourire légèrement tout contre sa bouche. Mon nez se frotta contre le sien alors que je capturai ses lèvres une nouvelle fois, ayant déjà perdu le compte des secondes que nous venions de passer collés l’un à l’autre. La façon dont sa main se perdait dans mes cheveux pour aller s’accrocher à ma nuque presque possessivement me faisait me demander ce que j’avais attendu pour l’embrasser bien avant déjà. J’avais dû être arrêté par des raisons stupides pour m’être retenu de profiter de la douceur de ses baisers auparavant. Je ne réalisais même plus ce qui m’avait stoppé. À quoi cela servait-il de cogiter alors que j’avais en cet instant tout ce que je voulais ? Il serait encore temps de s’interroger des conséquences plus tard. Oui, tais-toi esprit penseur.

Une main toujours dans sa nuque à elle, je descendis l’autre jusqu’au creux de ses reins, pour la rapprocher de moi comme si c’était encore possible. Ses doigts s’étaient frayés un passage contre mon épaule, écartant la veste pour se nicher sur la chemise que je portais en-dessous. Enserrant sa taille avec force, sans cesser de l’embrasser, je la fis pivoter légèrement puis reculer de deux pas pour la mener jusqu’à une rangée de trois-quatre casiers qui devaient abriter des habits d’équitation ou des équipements pour les chevaux. Son dos entra en contact avec le métal froid qui émit un petit son mat dans la pièce de repos lorsqu’elle toucha les casiers. Ma main descendit vers sa hanche, alors que je m’étais écarté un instant pour fixer son visage. Ses joues légèrement rosies me firent penser que je devais également présenter ce genre de symptômes. Ce n’est que parce que je voulais encore les voir roses que je me penchai à nouveau vers elle pour un autre baiser. Rien que pour ça évidemment.

Mon autre main quitta son dos pour aller se poser au même endroit que sa sœur, mon pouce trouvant un passage sous son pull pour venir caresser la peau de son ventre tandis que je n’osais pas venir y poser toute ma paume. La chaleur qui se dégageait de ce petit coin de son corps me paraissait presque idyllique en cette seconde. La pièce où nous nous trouvions n’était pas très chaude, malgré qu’elle soit tout de même moins froide que les box où nous étions tout à l’heure. Mon esprit tentait de se focalisait sur un détail important mais il peinait à y arriver, bien trop préoccupé par la façon dont les lèvres d’Elena répondaient aux miennes. Il me fallut encore une bonne minute pour retomber dessus. Merde ! Je m’écartai brutalement, fixant non plus le visage d’Elena mais son crâne, tentant de voir si sa blessure entrait en contact avec le métal contre laquelle je l’avais appuyée plus tôt. Je n’avais pas pensé à ça. Je ne pensais pas avoir été brutal en la faisant s’adosser aux casiers, il me semblait d’ailleurs que j’avais fait ça doucement, mais est-ce qu’elle n’avait tout de même pas eu mal ? Elle aurait dû crier si elle avait eu mal, non ? Ou du moins me le faire remarquer… Je supposais donc qu’elle n’avait pas souffert soudainement mais je ne pouvais en être sûr. Ma voix était un peu angoissée que je parlai finalement :

« Je ne t’ai pas fait mal ? Je n’avais pas remarqué que ta blessure pouvait potentiellement entrer en contact avec le métal. Je… »

Je me sentais hyper mal à l’aise. Déjà, j’avais peur qu’elle n’ait eu mal et qu’elle n’ait pas osé me le dire. Mais ensuite, je me disais que si elle n’avait rien eu, elle allait peut-être s’énerver à nouveau de me voir m’inquiéter pour elle. Comme si c’était facile pour moi. J’avais été tellement pris dans cette étreinte que je n’avais rien réalisé du tout. Quelqu’un aurait pu entrer dans la pièce, je ne m’en serais pas rendu compte je crois. Et là, je n’avais qu’une envie, recommencer. Mais pas avant qu’elle me dise que tout allait bien.

« Désolé, j’aurais dû faire attention, je le sais pourtant que tu es blessée, c’est juste que… »

Que tu me fais perdre tous mes moyens. Surtout quand tu m’embrasses comme ça. J’étais encore plus incertain qu’avant. Comment cela était-il possible ? Auparavant, j’avais peur de faire un faux pas avec elle, de déclencher chez elle une envie de me chasser, parce que je l’ennuyais, ou que je lui rappelais de mauvais souvenirs. Mes mots déjà m’avaient paru comme mous dans ma bouche, sans aucune consistance et difficiles à prononcer. Ils m’étaient apparus vides de sens, surtout quand j’avais tenté de la réconforter ce mardi soir. Et à présent, je bégayais à nouveau, alors qu’elle ne m’avait même pas repoussé. C’était peut-être ça qui m’effrayait et bloquait les mots dans ma gorge. Pour le moment, tout allait bien, si on voulait. Mais demain, il allait falloir penser et imaginer les conséquences de tout cela. De mon côté, je n’avais pas d’inquiétudes. Rien ne me comblerait plus que de l’avoir à mes côtés aussi longtemps que possible. Mais elle ? Que se passait-il au cœur de son esprit ? Quelles images y revenaient sans cesse, éclairant ses rêves de souvenirs qu’elle disait oubliés mais qui devaient y stagner constamment ? Y avait-il une place pour moi dans tout ça ?

Mon pouce quitta la petite place chaude qu’il s’était trouvé, s’éloignant à regret alors que mon autre main y resta faute de savoir quoi faire si elle quittait cette hanche accueillante. Je ne voulais pas qu’elle interprète mal mes gestes. C’était si difficile de comprendre tout ça que je ne désirais pas qu’elle se méprenne sur mes intentions. Je vins accoler mon front contre le sien, baissant doucement la tête pour se faire, sentant alors son souffle venir se mêler au mien à cause de la proximité de nos bouches.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyVen 4 Oct - 20:46

Freak.


Sa main glissa dans mon dos, venant se nicher au creux de mes reins en m’arrachant une dizaine de frissons qui remontèrent à mes joues pour les embraser presqu’instantanément. Il était bien impossible que je reste de marbre sous la douceur de ses lèvres contre les miennes, et l’absence d’espace entre nos deux corps. Qui le pourrait, alors qu’une poignée de secondes auparavant, je ne pouvais qu’imaginer ses doigts attraper les miens, et s’y accrocher quelques instants, le cœur battant à l’idée qu’il ne la lâche plus avant un petit moment ? Surtout qu’il m’était impossible de deviner dans son regard s’il pensait comme je pouvais le faire, bien que son esprit semblait moins idiot que le mien. Mais, j’étais idiote, je le savais, et sa main qui enserrait ma taille me faisait perdre la tête plus sûrement que le frottement de son nez contre le mien. Sentant ses doigts raffermirent leur prise dans mon dos, je laissai glisser ma main sur son épaule, profitant du mouvement pour trouver le contact avec sa peau. La confiance que je lui accordais en cet instant, bien qu’influencée par son souffle sur mon visage, ne laissait plus de place au doute : ce n’était pas un rêve, une illusion ou à cause de la guerre. Il n’y avait plus aucune excuse à donner, plus de fuite possible. J’étais cernée, et si bien emprisonnée que je n’avais nullement envie de m’échapper. La cellule de ses bras était bien plus agréable et chaleureuse que le silence de la solitude et les murs froids de ma maison.

Sentir sa main quitter mes reins pour poser son pouce sur mon ventre, écrasa la moindre pensée dans mon esprit. La chair de poule enlaça mon dos, remontant le long de ma colonne vertébrale en une vague de froid qui ne réclamait que bien plus la chaleur du notaire. C’est alors qu’il s’écarta brutalement, laissant ses lèvres se faire désirer de nouveau, et l’incompréhension me gagner. Il venait de reprendre ses esprits, c’était ça ? Et il ne voulait pas se croire avec un tel boulet dans les bras. Mais pourtant, son pouce restait tout contre ma peau, et sa main ne lâchait pas ma hanche. Que devais-je penser de ce recul soudain, alors ? Mes mains avaient glissé sur ses bras, pour m’inquiéter de ce revirement de situation brutal. Peut-être y avait-il un problème, ou quoique ce soit qui nécessite mon attention. Qui savait, ça pouvait être très important ? Et puis, finalement, s’il s’agissait d’un rejet catégorique de ma personne, alors il valait mieux que je sois mise au courant maintenant, aussi brusque que ça pouvait être.

Mais avant même que le moindre son ne puisse sortir de ma bouche, lui-même s’expliquait, ramenant à mon cerveau une légère douleur au coin de mon crâne. Il était vrai que je m’étais cognée, que j’avais eu mal un moment et que ça l’avait inquiété. C’était aussi en partie parce que j’avais été blessée que les lèvres d’Arthur s’étaient pressées contre les miennes. S’il n’y avait pas eu tout ça… je ne préférais pas y penser, pas maintenant que c’était arrivé. Je n’y pensais même plus, toute concentrée que j’étais sur le contact de son pouce sur mon ventre. Il aurait pu me dire que quelqu’un était entré, ou qu’une bombe avait explosé que j’aurais bien été incapable de le contredire. L’entendre s’excuser pour si peu aurait pu m’énerver, aurait dû m’ennuyer, mais au lieu de cela, un léger rire passa mes lèvres. C’était à ce point inattendu, pas amusant en soi, mais si soudain…

Ma paume se calla contre sa joue, mes doigts glissant un instant sur son visage, effleurant ses lèvres dans une caresse qui se voulait rassurante. Il me semblait qu’il n’y avait pas plus stressant que de savoir l’inquiétude d’une personne braquée sur vous. Je n’étais pas quelqu’un de très adroit, et ma condition n’arrangeait pas ça, alors je devais faire attention à tout ce que je faisais. A tout ce que je disais, pour ne pas l’embêter plus qu’il ne le fallait. C’aurait été une autre personne qu’il n’y aurait pas vraiment eu de problème. Je me savais assez égoïste pour être capable d’ignorer totalement qui que ce soit d’autre. Mais c’était bel et bien d’Arthur qu’il s’agissait. Comment pouvais-je le laisser se faire du souci pour si peu ? Surtout que la douleur ne me venait en tête seulement parce qu’il en avait parlé. « Ce n’est rien, Arthur. Je ne sens déjà plus rien. » En réalité, je n’étais plus capable de sentir que la douceur de ses lèvres sur les miennes, et la douceur de son pouce contre ma peau. Plus rien d’autre ne semblait vouloir atteindre mon cerveau, se frayer un chemin à travers mes folles pensées, et y faire germer une idée, une douleur, ou même un quelconque sentiment. J’étais totalement à sa merci, et bien que ça ne me réjouissait pas complètement, je ne détestais pas cette situation.

« Tu sais que je te l’aurais dit sinon. » Je ne paraissais plus capable de lui cacher un quelconque mal, alors que sa main épousait ma hanche à la perfection. Je me savais la possibilité d’un mensonge, mais seulement s’il permettait au notaire d’être moins préoccupé et l’éloignait quelque peu du mal, quel qu’il soit. Mes mains glissèrent dans son cou, mes bras s’accrochant à son dos comme un naufragé à un radeau. Piètre comparaison. Appréciant la chaleur de son corps qui venait de nouveau envelopper le mien, ma tête se posa sur son épaule et mes paupières se fermèrent presqu’automatiquement. Je me sentais si paisible en cet instant que ça m’en faisait presque peur. La guerre faisait très certainement rage quelque part ailleurs sur ce monde fou, mais je me pensais bien, je me sentais bien, capable de dormir, de rêver comme je ne l’avais plus fait depuis bien longtemps. Et surtout, d’accepter la mort maintenant que mon cœur se sentait si léger, et que le bien-être apaisait mon cerveau et régulait ma respiration. Quelques minutes avant tout cela, j’étais à deux doigts de me laisser chavirer, de m’abandonner. Mais maintenant, je me sentais incapable d’oublier ses lèvres sur les miennes, ses doigts sur ma peau. Et quand ses mains attrapent les miennes, il m’arrive de penser que la guerre est si belle, si c’est elle qui a permis tout ça. Je me dégoute, vraiment.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyVen 18 Oct - 21:33

Freak.

Un petit rire s’échappa de sa gorge alors que je m’inquiétais à nouveau pour elle. Ses doigts vinrent se coller à ma joue, caressant même un instant mes lèvres comme si elle voulait réaliser que c’étaient bien les miennes qui s’étaient posées sur les siennes la seconde d’avant. Je souris sous son geste, plongeant mes yeux dans ce regard qui ne pouvait me voir. Ce simple mouvement avait déjà suffi à me rassurer sur son état mais les mots qu’elle prononça m’apaisèrent instantanément. J’aurais eu bien honte si je lui avais fait mal alors que je l’embrassais… Ne pouvant à nouveau plus penser à autre chose qu’à son corps toujours serré contre le mien, je fermai les yeux alors que ses mains glissèrent dans mon dos, comme pour me montrer qu’elle aussi avait besoin de notre proximité. Sa tête se posa sur mon épaule et j’appuyai alors légèrement ma joue contre le haut de son crâne. Mes mains s’écartèrent de ses hanches pour envelopper son corps en se posant sur son dos.

Je réalisai tout à coup que je ne m’étais pas rendu compte à quel point j’étais terriblement seul. Seul depuis un an à présent. Je calculai mentalement les mois qui s’étaient écoulés depuis que nous avions officiellement rompus, Zoé et moi. Bon sang, cela faisait déjà un an ? Le mois de novembre 2011 me semblait tellement près encore, est-ce que douze mois s’étaient vraiment écoulés depuis lors ? Et encore, cette date était celle de notre divorce officiel. Nous étions officieusement séparés depuis plus de mois que cela. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point le temps filait à une vitesse incroyable. Le travail avait absorbé toute mon énergie, tout mon temps et je n’avais plus prêté attention au reste de ce que l’existence avait à offrir à ceux qui daignaient être à son écoute. Que j’avais été stupide de croire que je pouvais me contenter de ça. Stupide, ou bien aveugle. Elena, elle, avait sûrement dû voir les choses avec plus de clarté que moi malgré sa cécité.

J’écartai ma tête légèrement pour venir appuyer mon front contre le sien, murmurant quelques mots au passage :

« Ce serait mieux que tu rentres chez toi pour te reposer. Je vais te raccompagner, d’accord ? »

Ce n’était pas vraiment une question. Je comptais la raccompagner quoi qu’elle me réponde. Mais j’avais toujours cette peur d’être trop intrusif ou de trop m’immiscer dans sa vie. Bon ok, l’intimité que nous venions de partager nous rendait plus proches que jamais mais je ne pouvais m’empêcher de vouloir rester prudent. J’avais bien conscience d’en faire presque une maladie pour rien, cependant, j’étais comme ça et il serait difficile de me changer. Le fait qu’il s’agisse d’Elena, qu’elle soit en cet instant dans mes bras – ce que je réalisais enfin avoir attendu depuis quelque temps à présent – n’aidait en rien. J’avais désespérément besoin qu’elle reste avec moi, qu’elle ne me laisse pas seul, maintenant que notre relation était poussée à un extrême dont je savais le retour impossible. Nous avions été amis. Cela ne serait plus jamais le cas. Si nous en venions à nouveau à séparer nos chemins, plus jamais ne réussirions-nous à redevenir ce que nous étions avant que nos lèvres se frôlent, se touchent pour finir par s’épouser et rendre nos êtres bien trop dépendants l’un de l’autre pour permettre un retour similaire à la seconde précédente. Pourtant, sur le fil de cette seconde, alors qu’elle s’étirait dans le temps, rendant difficile l’accès de la suivante dans le sablier du temps, je n’avais eu aucun doute sur ce que je voulais faire. Parfois, un acte nous semblait tellement évident à faire, qu’on en oubliait momentanément les conséquences. Mais pouvaient-elles être si terribles alors que la douceur de sa peau semblait être la seule chose qui comptait en ce moment précis ?

Ma main droite alla glisser de son dos jusqu’à son bras, rencontrant son coude puis défilant pour atteindre sa main et emprisonner ses doigts entre les miens. Mes yeux se détachèrent de son visage pour jeter un coup d’œil à la pièce. La trousse que j’avais utilisée l’instant d’avant se trouvait toujours sur la table, et elle était très bien là. Je n’allais pas prendre la peine de la remettre sur le plan de travail où je l’avais trouvée alors que le reste de cette pièce ne semblait pas très en ordre de toute façon. Les chaises sur lesquelles nous nous étions assis avaient repris leur immobilité, attendant une prochaine occasion de servir. Je retournai la tête vers Elena et m’écartai tout en gardant sa main dans la mienne.

« Viens. »

Je fis les premiers pas qui nous guideraient vers l’extérieur, là où, une fois passée cette porte, nous serions à nouveau juste à côté des box. Je l’ouvris et laissai la brune s’y engouffrer avant de faire de même et de la refermer derrière nous. Je resserrai les pans de ma veste pour contrer comme je pus le froid de l’extérieur qui nous enserra de son étau glacial, ne nous laissant que peu de temps pour nous couvrir correctement. Vérifiant qu’Elena était bien couverte elle aussi, je pensai subitement à deux-trois choses, que je m’empressai de lui demander avant de partir :

« Tu as des affaires à prendre avant de partir ? Tu dois prévenir quelqu’un que tu t’en vas d’ailleurs ? »

Je n’avais pas songé qu’elle devait peut-être prévenir quelqu’un, tout simplement parce qu’en étant moi-même patron du cabinet notarial, je n’avais de comptes à rendre à personne, du moins au cabinet. Ce qui n’était pas son cas. J’espérais que personne ne s’opposerait à son départ du travail pour aller se reposer. Après tout, elle avait subi un choc, elle devait se reposer. Si quelqu’un comptait refuser cela, il allait m’entendre et passer un sale quart d’heure !

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMar 22 Oct - 16:41

Freak.


Sentir ses bras enlacer mon corps fit monter en moi un sentiment de sécurité qui m'arracha un soupir. La guerre était bel et bien là, au dessus de nos têtes, prête à s'écraser sur nos corps à n'importe quel moment. Il n'était pas permis de se laisser aller, de ne plus y penser un instant. Nous ne pouvions pas souffler. Et là, en ce moment, mon cœur se sentait déchiré. Je ne savais plus que penser. J'étais heureuse de pouvoir m'accorder un instant de répit dans les bras d'Arthur. Mais pouvais-je supporter l'idée que nous risquions à tout moment nos vies ? J'étais seule jusqu'à maintenant, assez seule pour ne pas avoir à m'inquiéter pour qui que ce soit, ni même pour moi. Mais dorénavant, je vivrai constamment avec une boule au ventre en entendant le nom des prochaines victimes. Et s'il venait à me quitter lui aussi ? Pourrais-je survivre sans l'égoïsme qui me poussait à dépendre de son soutien ? Il ne fallait pas penser au pire, mais comment s'en empêcher ?

Retourner en ville ne me semblait pas idiot, mais était-ce une si bonne idée ? Si ici je pouvais m'occuper l'esprit, chez moi je ne faisais qu'errer sans aucun but, à ruminer de sales pensées. Mais d'un autre côté, je me savais incapable de le contredire. Rester ici, surtout s'il devait partir, retourner travailler par exemple, n'était certainement pas ce qu'il y avait de mieux à faire. Je me connaissais assez pour savoir que cette bousculade me resterait en tête un moment. Je ne pourrais pas faire mon travail correctement dans ces conditions, je le savais bien. Très sincèrement, si nous étions amis, je lui aurais dit de me laisser faire ce que je voulais, et de retourner seul à son cabinet. Mais nous ne l'étions plus, c'était certain, alors je ne pouvais pas juste l'envoyer paître. Je ne me le permettrais pas, ça nous blesserait tous les deux, et il ne cesserait pas de s'inquiéter. Ce n'était pas ce que je voulais.

Comme je le pensais, il n'attendit pas de réponse de ma part. Il avait déjà décidé que je devais rentrer à la maison, et il me semblait assez têtu pour m'y forcer. Je ne voulais pas me battre avec lui, certainement pas, sûrement était-ce donc pour cette raison que je ne fis qu'acquiescer, gardant très précieusement au fond de mon crâne toute rébellion. Surtout que ces doigts enserrant les miens éradiquaient de mon esprit tout envie de contredire sa décision. Néanmoins, c'était aussi un geste tout à fait stressant pour l'aveugle que j'étais. Comprenez que de ne pas savoir où l'on met les pieds, et de devoir faire entièrement confiance à un tiers pour se diriger, n'est pas une situation confortable. Du moins pas toujours. En cet instant, il me semblait que ma confiance aveugle en Arthur était peut-être un peu trop poussée à bout. Devais-je être plus vigilante ? Je ne savais plus. C'était plaisant de pouvoir tenir la main de quelqu'un sans avoir à s'inquiéter d'un quelconque coup bas, qu'il se moque de moi comme on a pu le faire autrefois. Je ne pouvais pas me méfier de tout le monde. Et je ne voulais pas avoir à me méfier de lui.

En passant la porte, je pris soin de replacer correctement l'écharpe autour de mon cou. L'air se rafraîchissait, annonçant l'hiver que nous redoutions tous. Mais il n'était pas temps de penser aux mauvaises choses. D'ailleurs, Arthur ramena à mon esprit les bonnes questions. Il fallait que je prévienne le propriétaire que je partais, sinon j'aurais encore le droit de me faire taper sur les doigts en revenant. Et puis, Ena m'avait accompagnée, il fallait que je la récupère avant de partir. Je ne pouvais pas la laisser seule ici, pas après m'être faite agresser dans les écuries. Qui sait ce qui pourrait lui arriver alors... « Tu as raison. Donne-moi un instant. Et ne bouge surtout pas d'un pouce, s'il te plait. Je reviens vite. » J'espérais qu'il m'écouterait, je m'imaginais mal revenir sans savoir où il pouvait être exactement dans l'écurie. Comprenez que c'est embarrassant et angoissant. Ma main hésita toutefois à se séparer de la sienne. Il était le seul contact rassurant que je pouvais m'accorder, et faire face à mon patron ne m'était jamais très plaisant. Mais il fallait quand même le faire, n'est-ce pas ? Mes doigts lâchèrent donc les siens à contre-cœur pour venir frôler le mur et trouver la sortie.

Essayez d'expliquer à votre supérieur que vous êtes tombée sans faire attention et que vous voudriez prendre votre journée pour une raison aussi idiote. C'était particulièrement fatiguant, et je ne serais pas étonnée si l'on m'annonçait que je n'avais plus à venir du tout. Nos rapports étaient de moins en moins bons, et même si j'essayais de faire de mon mieux pour garder les bêtes en vie, elles finissaient par clamser les unes après les autres. Elles finiraient toutes dans une fosse, et nous le savions tous les deux. C'était certainement pour ça qu'il était de mauvais poil dernièrement. Mais ce n'était pas une excuse pour toutes les paroles blessantes qu'il pouvait proférer, et si je ne me savais pas parfois moi-même incontrôlée, je lui en voudrais vraiment.

Ma main longea de nouveau le mur jusqu'à l'endroit exact, du moins si mes calculs étaient bons, où je l'avais quitté. « Il a dit que c'était bon. » Mes doigts attrapèrent les siens, ne voulant plus les lâcher. Je me doutais bien qu'il devait très certainement retourner à son cabinet. Je ne me faisais pas d'illusions, mais il aurait été bon qu'il ne m'abandonne pas chez moi. J'avais trop peur de ce qui venait de se passer, bien que je ne veuille pas l'avouer, pour être calme une fois seule. Il me fallait penser à autre chose, mais j'en étais bien incapable. « J'imagine que je ne te ferais pas changer d'avis, alors allons-y. » Un léger sourire vint étirer mes lèvres. Je voulais laisser durer cet instant un peu plus longtemps, reculer l'échéance de quelques secondes, au moins. Je savais également qu'une fois qu'il ne tiendrait plus ma main, d'autres pensées certainement plus sombres que n'importe quelle guerre, viendraient m'agresser, pour me laisser fatiguée, et incapable de faire quoique ce soit. Comme toujours. J'étais décidément trop dépendante d'Arthur pour mon propre bien. Bien plus que je ne l'ai jamais été d'ailleurs.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMer 30 Oct - 23:40

Freak.

Elena remit en place son écharpe alors que nous entrions dans un air plus frais, annonciateur de l’hiver terrible qui nous attendait, guettant le moment où il allait pouvoir s’abattre sur nous de plein fouet, sans que nous ne soyons totalement prêts. Je craignais cet hiver. Comme chaque habitant de la ville d’ailleurs. Anciens ou nouveaux, nous n’étions pas préparés à cela et il était trop tard pour que nous puissions le faire de toute façon. Il promettait d’être dévastateur et je redoutais les pertes que nous allions subir. Et si je perdais les derniers êtres qui m’étaient chers ? Secouant la tête pour chasser ces mauvaises pensées, je pinçai les lèvres tandis que la brune me fit attendre là, planté au beau milieu de l’allée des box alors qu’elle allait seule parler à son patron. Son patron ou qui qu’il soit après tout. Je ne connaissais pas bien l’organisation de cette ferme et je ne savais pas par qui elle était gérée. J’aurais aimé l’accompagner mais je sentais qu’elle avait voulu y aller seule et je n’allais pas aller contre sa volonté. Ses doigts lâchèrent les miens et immédiatement, le froid s’en empara, et la chaleur s’éloigna sans demander son reste. Immobile, les yeux fixés sur l’horizon que j’apercevais au loin, ma respiration soulevait ma poitrine à intervalles réguliers, et, à chaque expiration, une petite volute s’échappait de mon nez, faible tentative de réchauffer l’atmosphère. J’enfonçais mes mains dans mes poches, pour essayer de garder un rien de chaleur. La main qui avait tenu celle d’Elena un instant avant était plus chaude que l’autre et cela créait un contraste dans les poches de ma veste. Contraste qui focalisa mon attention un moment, laissant le temps s’écouler lentement.

Un craquement me fit me retourner, pour apercevoir celle que j’attendais revenir vers moi, d’un pas mesuré et très peu hésitant. Du moins c’est le sentiment qu’elle me donna. Je ne savais pas comment elle faisait pour se repérer aussi bien dans le noir. J’aurais été bien incapable d’en faire autant. Sans que je n’ai besoin de bouger, elle se rapprocha de moi, comme si elle savait exactement où je me trouvais. Je n’avais pas fait le moindre mouvement en son absence, mais tout de même, cela m’impressionnait. Sa main vint attraper la mienne, que j’avais sortie précipitamment de ma poche, emmenant un peu de chaleur avec elle. Un sourire s’étira sur mes lèvres lorsqu’elle parla. En effet, j’étais assez têtu en règle générale, et elle ne me ferait certainement pas changer d’avis. Je calai ma paume contre la sienne.

« C’est exact. Je suis assez têtu, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. »

Un sentiment agréable m’emplissait peu à peu, à présent que je réalisais la situation. Bon bien sûr, le gros point noir de ces dernières minutes était l’agression d’Elena, et je gardai ça en tête. J’allais tenter de retrouver ces types, et de leur demander des comptes. Mais ce serait pour demain. Là, je devais veiller sur elle. Rentrer chez elle était la meilleure chose à faire. Au moins, elle serait en sécurité là, et j’allais rester à ses côtés aussi longtemps qu’elle le voudrait.

Alors que nous marchions côte à côte en direction de son quartier, un autre sourire vint effleurer mes lèvres lorsque je repensai au baiser que nous avions échangé. Cela n’avait pas du tout été prémédité mais j’avais été agréablement surpris de constater qu’elle ne me repoussait pas. Je fus ramené à la réalité par une petite clochette qui tinta un peu plus loin de nous. Tournant la tête, j’aperçus Ena, qui nous rattrapait en courant, pour se remettre à marcher à notre rythme lorsqu’elle nous eut rejoints. Ah oui, j’avais failli l’oublier avec tout ça. Heureusement, elle avait dû entendre la clochette suspendue au poignet d’Elena et nous suivre. Ça allait m’éviter de devoir revenir la chercher plus tard. Je la soupçonnais assez d’agir de manière très intelligente. Je la revis, soi-disant perdue dans le centre de Louisville, alors que je la trouvais et la ramenais par la suite à sa maîtresse. Je n’étais pas un grand ami des animaux ; je n’en avais jamais eu à la maison et cela ne m’avait pas aidé à développer mon engouement pour les bêtes, aussi avais-je du mal à croire qu’elle eut pu faire quelque chose de manière préméditée. Mais peut-être était-ce le cas…

Après une marche de quelques longues minutes, nous arrivâmes au domicile d’Elena et je lâchai sa main pour la laisser ouvrir la porte tandis que je patientais à ses côtés. Entrant, je refermai ensuite la porte derrière nous et Ena, frissonnant alors que l’air tiède de la maison contrastait avec le froid qui m’enveloppait. Avisant la cheminée, je m’enquis auprès de la propriétaire :

« Tu veux que j’allume un feu ? Il ne faut pas que tu restes dans le froid. Ou bien je peux te préparer une boisson chaude ? »

J’aurais bien pris un thé pour ma part, mais je ne le ferai que si elle en voulait également. Je n’étais pas chez moi après tout. Promenant mon regard sur la pièce comme je l’avais fait trois jours auparavant, je constatai que rien ne semblait avoir bougé, comme si quelqu’un rangeait tout pour que tout soit toujours bien à sa place. Je réalisais soudainement que cela devait être pour Elena, pour qu’elle trouve les choses plus facilement. C’était sans doute la réfugiée qui habitait avec elle qui devait s’en occuper. Je pinçai les lèvres. Si c’était le cas, j’avais alors un peu mal jugé la jeune femme, que j’avais rencontrée une fois au hasard d’une rue. Je pensais qu’elle squattait là sans prendre en considération Elena. Mais si je m’étais trompé ? Chassant cette idée de mon esprit, la reléguant en second plan, je décidai que je m’y attacherai plus tard, ayant autre chose à faire pour le moment que me focaliser sur une étrangère.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyMer 6 Nov - 22:35

Freak.


« J’avais remarqué. » Un simple murmure sans importance. Nous nous connaissions depuis quelques temps maintenant, et je nous savais tous deux têtus. J’avais pu le remarquer à plusieurs reprises où nous nous étions montrés aussi bornés l’un que l’autre. C’était bien cela le problème qui se présentait à moi. Je m’inquiétais maintenant, de ce qu’il pouvait penser au fond de son crâne. Ces baisers que nous avions échangés, cette main qui tenait la mienne et que je ne voulais pas lâcher. Est-ce que ça ne voulait pas dire qu’il allait chercher les responsables de cette faible douleur à l’intérieur de mon crâne ? Je ne voulais pas que ça arrive, bien que l’idée de les voir se faire remonter les bretelles me plaisait bien, en quelques sortes. Mais, ils avaient eu le cran de me pousser, de voler un cheval certainement pour sa viande. Qu’étaient-ils donc capables de faire à un homme qui viendrait se plaindre ? Je ne préférais même pas y penser.

Un tintement singulier m’arracha un léger sourire. Ena avait bel et bien entendu ma propre clochette chanter et nous rattrapait maintenant en courant, au vu du son que l’objet doré produisait. Ma prise sur la main d’Arthur pu se faire plus ferme, maintenant que j’étais sûre de n’avoir rien oublié. Nous pouvions continuer notre marche jusqu’à la maison que j’habitais, un peu plus près à chaque seconde de l’inévitable. Je ne savais pas bien si ce qui me faisait le plus peur était de me retrouver seule et de penser à l’agression. Ou s’il s’agissait d’une solitude bien plus amère, alors que le notaire avait enlacé mon corps plusieurs minutes durant, et qui me ramènerait à l’esprit la vérité derrière mon précieux mariage. Je ne cessais d’y songer, et si la main d’Arthur effaçait quelques peu ces pensées, elle ne les faisait pas disparaître complètement. Elles reviendraient me hanter quand il n’y aura plus que moi pour pleurer sur le grand piano. Je ne voulais pas, mais je ne pouvais rien faire pour m’en empêcher. Il faudra faire face, à un moment ou à un autre. Je ne peux que prier pour que ce moment soit le plus éloigné possible.

Ses doigts lâchèrent les miens, le froid venant leur arracher le peu de chaleur qu’ils possédaient. Il me fallut un petit temps, bien malgré moi, avant de pouvoir ouvrir la porte d’entrée, aussi laissai-je le soin à Arthur de refermer. A peine entrée, Ena filait déjà droit sur le canapé. Le tintement étouffé de la clochette indiqua qu’elle s’était glissée sous la couverture pliée qui était posé sur le clic-clac. Elle avait bien raison de chercher la chaleur, bien qu’il fasse plus chaud à l’intérieur, ça ne semblait pas suffisant, et ça ne donnait que plus d’inquiétude pour le futur. Si les températures nous semblaient déjà si faibles, alors qu’allait être l’hiver qui approchait ? Mieux valait ne pas s’attarder sur la question. « Fais comme chez toi, Arthur. Un… » Mes sourcils se tordirent légèrement, embêtés par les pensées qui m’habitaient. J’étais sur le point de demander un thé quand mon esprit s’était égaré dans le passé, à cette époque où Alexandre souriait encore, du moins étais-je capable de voir ses sourires, non de les deviner comme ce fut le cas après. Cette époque, donc, où pour me réconforter d’une petite chute, il m’avait offert un thé. Ce jour-là où j’avais pris l’habitude de lui réclamer un thé chaque soir. Ces pensées ne me plaisaient guère sans que je sache réellement dire dans quel sens. D’un côté je m’indignais de l’idiotie de mon esprit, de l’autre je m’inquiétais de la tristesse de mon cœur, qui ne se faisait ressentir qu’en cet instant, alors qu’il me fallait tourner la page, oublier un mari défunt pour ne plus penser qu’au notaire. Etait-ce si facile que ça ? Je n’en doutais plus lorsqu’il avait glissé ses mains dans mon dos, mais maintenant qu’il ne me tenait plus… « Un thé, s'il te plait. »

Je me sentais mal à l’aise, fatiguée et complètement perdue. Le passé semblait courir après moi, essayant d’attraper mes chevilles pour me faire tomber, avant que je n’aie eu la possibilité de prendre en main mon avenir. Cet avenir devait se faire sans Alexandre, mais il persistait à vouloir corrompre mon esprit, alors que des pensées sombres s’accumulaient dans un coin de mon cerveau. C’était fatiguant. Passant une main dans mes cheveux, mes doigts constatèrent alors l’état pitoyable de la blessure, alors que le sang avait séché sur mon crâne. Il fallait que je la nettoie, au moins ça me permettrait de cesser de réfléchir un instant à tout ça. Ou je deviendrais folle. « Je te laisse un instant, je n’en aurai pas pour longtemps. » Ma main se posa sur le mur alors que je remontais le couloir jusqu’à la salle de bain. Dénouant l’écharpe autour de mon cou, j’attrapai la bouteille de shampoing. Avoir la tête dans l’évier n’était pas forcément agréable, mais j’avais besoin de laver cette crinière brune. Je n’allais certainement pas prendre une douche alors qu’Arthur était dans la pièce à côté, il ne fallait pas abuser non plus. Attrapant une petite serviette, je séchai rapidement ma chevelure, déposant ensuite la serviette sur mes épaules pour empêcher les gouttes d’eau de glisser dans mon dos ou de tomber par terre. « Me revoilà. » De retour dans la pièce principale, je m’arrêtais près du piano pour guetter un bruit qui m’indiquerait où se trouvait le notaire en cet instant. « Arthur ? » C’était ridicule. J’étais ridicule.

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptySam 23 Nov - 18:00

Freak.

Souriant, je regardai Ena qui avait couru vers le canapé, se hissant sur le meuble pour se blottir sous la couverture qui y était posée. Puis, mon attention se focalisa à nouveau sur Elena qui me dit de faire comme chez elle. Ses sourcils se froncèrent un instant, les miens les copiant immédiatement. Y avait-il un problème ? Mais elle se remit à parler, me demandant un thé, dissipant mon angoisse passagère d’un revers de la main. Je me dirigeai alors vers ce que je devinais être la cuisine, un peu plus loin.

« Je vais préparer ça… »

Passant l’encadrement qui séparait la cuisine du salon, j’entendis Elena me dire qu’elle revenait. Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je la vis remonter le long du mur pour s’engouffrer dans une autre pièce. Elle n’avait pas précisé ce qu’elle allait faire mais je supposais qu’elle devait vouloir changer de vêtements, ou quelque chose dans le genre. Portant à nouveau mon attention sur la cuisine, je parcourus des yeux le plan de travail, rencontrant divers objets posés dessus, et un micro-ondes un peu plus loin. J’avisai une bouilloire, que je pris avant de la remplir d’eau au robinet et la mettre à chauffer. Alors que le bruit caractéristique de l’appareil qui chauffe se mit en route, je décidai d’aller allumer un feu dans la cheminée dont j’avais parlé un instant plus tôt.

Revenant dans le salon, je m’approchai de la cheminée, constatant que la vitre était brisée. Quelques restes de bûches traînaient encore dans l’âtre, mais pas suffisants pour pouvoir attiser un nouveau feu. Avait-elle l’habitude de faire des feux de cheminée les soirs d’hiver ? Nous y arrivions à grands pas, et se réchauffer allait bientôt devenir une de nos priorités, si on ne voulait pas tomber malade… On n’en parlait encore que très peu, mais la peur d’un hiver trop rigoureux se lisait sur les visages. Qu’allait décider le maire par rapport à tout ça ? Je n’étais même pas sûr que tous les réfugiés avaient un toit en temps normal, alors pour l’hiver ?! Est-ce qu’on allait demander à plus d’habitants d’ouvrir leurs portes à des étrangers ? Je me voyais mal accueillir quelqu’un chez moi, dans mon appartement, bien qu’il y ait largement la place pour deux, Zoé y habitant avec moi jusqu’à notre séparation… Secouant la tête pour chasser ces idées, et surtout les souvenirs de Zoé qui remontaient en moi soudainement, je me penchai vers le large panier d’osier qui traînait à côté. J’entrepris de poser quelques bûches à l’intérieur du foyer, et allumai ensuite le tout grâce aux allumettes qui étaient posées sur le bord de la cheminée. Les flammes s’élevèrent timidement, mais gagnèrent lentement du terrain, grignotant le bois comme si elles étaient affamées. Une douche chaleur se rependit doucement aux alentours de la cheminée.

Frottant mes mains l’une contre l’autre, je regagnai la cuisine, où la bouilloire finissait son travail. Je me mis en quête de tasses, et de thé, que je trouvais finalement après avoir ouvert deux placards sans succès. Thé vert, parfait. J’allais m’occuper de faire infuser les petits sachets quand j’entendis le pas léger d’Elena revenir vers le salon, entrant dans mon champ de vision tandis qu’elle s’arrêtait près du piano. Je souris à sa vue. Elle avait visiblement les cheveux mouillés. C’était donc ça qu’elle était partie faire… Je pouvais comprendre son envie, mais j’espérais que sa blessure ne s’était pas réouverte pendant qu’elle se les lavait. Je retins néanmoins la moindre remarque par rapport à ça, présumant que cela allait l’énerver. Au lieu de ça, je me dirigeai vers elle d’un pas vif, arrivant à sa hauteur en quelques enjambées.

« Je suis là. »

Je saisis sa main droite, même si ma voix devait lui suffire pour savoir où je me trouvais à présent. Mais je ressentais le besoin de la toucher, de lui faire comprendre par là que j’étais toujours là, que je n’allais pas l’abandonner. Ceci expliqua peut-être pourquoi je me retrouvai tout à coup à l’enserrer dans une étreinte, laissant l’odeur de son shampoing emplir mes narines, alors que ses mèches mouillées me chatouillaient le nez. Cette odeur-là évinçait la sienne, celle d’Elena, celle que j’avais pu sentir tout à l’heure, quand nous étions près des box. Et cela me chagrina quelque peu, j’aurais voulu pouvoir humer sa propre fragrance à nouveau mais je devais me contenter ici d’un parfum de synthèse. Bien, puisque c’était comme ça, j’avais besoin d’autre chose. Ma tête s’éloigna un peu, avant de se pencher à nouveau vers elle, pour que mes lèvres aillent rencontrer les siennes. Je voulais retrouver cette sensation à peine abordée quelques minutes auparavant. Nous étions dans une atmosphère différente à présent, et elle allait peut-être trouver ça étrange, à présent que nous avions quitté le lieu de l’« accident ». Est-ce qu’elle allait réaliser soudainement ce que nous étions en train de faire ? Est-ce qu’elle allait vouloir y mettre fin ? Ma main, elle, décida de s’en ficher, et glissa dans sa nuque, se calant contre la serviette humide et ses cheveux qui l’étaient encore de son shampoing. Cela contrastait avec la douce chaleur qui s’était répandue dans la pièce grâce au feu de cheminée et cela me fit frissonner. Ou bien était-ce ses baisers qui provoquaient en moi cet effet ?

Hors-Jeu:

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MessageSujet: Re: Freak. [Livre I - Terminé]   Freak. [Livre I - Terminé] EmptyDim 24 Nov - 23:05

Freak.


J’avais sincèrement envie de me réfugier dans un coin de la maison, de m’y accroupir et de serrer mes jambes fort contre moi. Je pleurerais certainement, le front pressé sur mes genoux, à penser aux mauvaises choses. C’était pourtant ce que je voulais faire en cet instant, prendre du recul et laisser ce qui est désagréable envahir mon esprit. Peut-être y trouverais-je des réponses, ou peut-être des questions. Mais c’était ce que je voulais, ce qu’il me fallait pour me calmer, pour faire face à la réalité. Quel droit avais-je de me blottir dans les bras du notaire alors que le simple fait de m’assoir derrière le grand piano me ferait comprendre que je n’y suis pas autorisée ? N’est-ce pas cruel ? N’est-ce pas jouer avec lui que de nous faire croire à tous les deux que tout serait mieux si nos mains se tenaient et ne se lâchaient plus ? Est-ce vraiment le cas ? Est-ce que tout ne serait pas plus compliqué ? De trop m’attacher à lui, de trop vouloir compter sur lui, alors il faudra que je m’inquiète pour quelqu’un, que je fasse attention à quelqu’un, que je prenne en considération sa propre vie, ses propres choix et envies, ses propres sentiments. Tout serait plus simple s’il n’y avait que de moi que je devais m’inquiéter, s’il n’y avait que ma vie qui puisse avoir de l’importance, et qui en perdait au fil des jours dans cet enfer. Et s’il n’était pas là pour me pleurer, maintenant que la situation semblait irrécupérable, alors ma mort aurait pu être bénéfique à tout le monde. Un toit pour les réfugiés, un chat pour les affamés et un travail pour les plus doués. C’est triste à dire mais c’est ce qui serait arrivé, personne ne pouvait le nier.

Peut-être que ça allait trop vite, qu’il me fallait renvoyer froidement le notaire chez lui, comme j’étais si bien capable de le faire. Pourtant, je ne le voulais pas. Aussi égoïste que ça pouvait paraître, j’avais besoin de lui en cet instant, de sa présence. Et même s’il me paraissait bizarre de lui demander de faire du thé et un feu sous mon propre toit, j’avais besoin de savoir qu’il était entre ces murs, et que je n’étais plus seule pour l’instant. Seulement… où est-ce que ça nous avait menés la dernière fois ? Si maladroits, incertains, hésitants. Ou du moins était-ce ce que j’avais été trois jours plus tôt, alors qu’Arthur s’était embêté à marcher jusqu’ici pour ramener un chat qui aurait très bien pu rentrer tout seul. Qu’était-il arrivé sous ce même toit ? Etait-ce ce qu’il s’était passé ce mardi qui avait précipité cette situation-ci, et qui me laissait dans le grand désarroi. Je restais confuse, encore et encore, à ne plus savoir que faire et à continuer d’agir sans réfléchir. Comme ce prénom qui m’échappait, ne rendant ma situation plus risible qu’elle ne pouvait l’être déjà. Cette envie me prit alors de courir dans la chambre et de m’y enfermer pour ne plus en sortir. Mais il serait mal venu de laisser le notaire seul dans cette maison qui était la mienne et non la sienne. Il partirait certainement, c’est ce que je ferais à sa place en tout cas, et ce n’était pas ce que je voulais. Du moins n’était-ce pas ce que je semblais vouloir puisqu’à la simple pensée de son départ ma poitrine semblait soudain opprimée, et mes doigts se souvenaient encore avoir retenu la main d’Arthur qui s’en allait trois jours plus tôt. Non, vraiment, le faire fuir maintenant n’était pas une bonne idée.

Il était là, tout près de moi, et mon cœur n’en attendit pas plus pour s’emballer. Si je devais dire ce que je pensais en cet instant, je dirais que j’étais complètement paumée entre l’envie d’un tout et l’envie d’un rien. Je souhaitais que ça nous passe, que l’adrénaline, la peur ou l’inquiétude, peu importe, nous avaient poussés à croire que nous n’étions plus amis depuis un certain temps. Mais je ne pouvais pas oublier la chaleur de sa main dans ma nuque et la pression de ses lèvres tout contre les miennes. Il m’aurait été plus simple de mourir que de dire très précisément ce qui nous arriverait ensuite, ce qui serait le mieux pour nous deux, ni ce que nous désirions tous deux.
Puis sa main attrapa la mienne et une fois de plus il me sembla être incapable de penser. Tout ce qui me préoccupait s’envola en un instant, ne laissant plus que la chaleur de la cheminée à quelques pas, la fraîcheur de la serviette autour de mon cou et le souffle tiède d’Arthur soudain si près de mon visage. Ses lèvres n’en attendirent pas plus pour venir trouver les miennes, que je ne repoussais étonnamment pas. Tout semblait différent maintenant que l’accident était passé, que l’inquiétude s’était évaporé, et pourtant je ne réalisais toujours pas. Ou du moins ne voulais-je pas réaliser. Je ne voulais nullement mettre fin à tout ceci, et bien qu’il m’avait paru vital de mettre une distance entre les autres et moi jusqu’à maintenant, cette intimité que nous partagions en cet instant ne me dérangeait pas. Même si ce sera certainement le cas quand il ne sera plus là pour glisser sa main dans ma nuque et mettre mes pensées en veilleuse. Mes propres doigts glissèrent dans son dos, s’accrochant à ses habits comme pour l’empêcher de s’échapper, et pressèrent un peu plus mon corps tout contre le sien brisant de nouveau et à jamais tout ce que nous avions été jusqu’à cet instant. Une de mes mains vint se perdre dans ses cheveux, l’emprisonnant sans vraiment lui laisser le choix. Du moins était-ce l’impression que ça donnait, et cette pensée me parut amusante. Mes bras vinrent enserrer son corps alors que ma joue se pressait contre la sienne, mettant un terme à ce baiser, et que quelques mots irréfléchis passaient mes lèvres. Simple murmure tout près de son oreille. « Il se pourrait bien que la sorcière jette un sort au héros pour que jamais plus il ne parte. »

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