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MessageSujet: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMar 23 Avr - 11:19


Allez, viens, on va jouer !

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PV - Jean-Baptiste Talbert
Codage fait par .Jenaa



Avant toute chose, je vous l'accorde, l'endroit était, disons étrangement choisi. C'est vrai, après tout, ce genre de rendez-vous se déroulait plutôt dans un lieu clos, à l'abri des regards indiscrets. Hola, qu'est-ce que vous allez vous imaginer ! Je veux bien sûr parler de ses entretiens ! Vous savez, ceux où le patient s'allonge sur un sofa très confortable pour déballer toute l'histoire de sa misérable vie. Bon. Alors, laissez-moi vous annoncer une chose : les méthodes de la demoiselle étaient toutes autres. Pourquoi aller s'enfermer dans une pièce pour vider son sac ? Cela chargeait l'air de mauvaises ondes et il n'en ressortait jamais rien de bon. Trop prisonniers de leur cocon, les patients avaient plus tendance à s'affaiblir qu'autre chose. Non, il fallait être armé pour affronter l'extérieur. Ou pas d'ailleurs. Enfin bref. Quand l'infirmier l'avait contacté pour prendre rendez-vous, elle n'avait pas su lui donner de réponse quand au lieu ou à l'heure. En fait, chaque moment semblable passé seule, avec quelqu'un, la rendait affreusement nerveuse. Amusant n'est-ce pas, quand on connait la nature de ses fonctions. De ce fait, elle avait eu besoin de s'organiser. Cela commençait par prendre connaissance du cas Talbert. Elle était parvenue à récupérer la majeure partie de ses rapports et une espèce de biographie professionnelle. Ouais, un CV quoi. Pour ne pas prendre le risque de tout perdre -et les photocopieuses étant, disons, moins accessibles qu'avant-, elle avait recopié sous forme de points importants, qui il était, à peu de choses près et avait passé près de trois heures à tout analyser. Au final, cela ne l'avait pas avancé plus que ça. Alors, tôt ce matin, elle avait glissé un morceau de papier plié en quatre dans les affaires du militaire. « Ballade des normands - 8h. Je serai vers la plage. Léo » Voilà qui avait le mérite d'être clair.

Le vent se faisait léger, mais était chargé de poussière. Sur fond de ciel gris se détachaient, au nord, à l'horizon, quelques colonnes de fumée noire. Elle était installée sur un banc, les fesses sur le dossier et les pieds sur l'assise. A vrai dire, elle n'était vraiment pas ordinaire cette demoiselle. De là où elle se trouvait, elle surplombait la plage et les débris qui la décoraient. Bien sûr, elle avait fait en sorte de se mettre à un endroit où aucun cadavre ne viendrait par sa présence perturber l'infirmier. C'était inutile, puisque d'après son dossier, il en avait assez bavé comme ça, même si c'était son job. Prendre en pitié les gens n'était pas dans ses habitudes, mais voilà, un minimum de compassion ne serait sans doute pas rejeté. Elle soupira et replongea le nez dans son carnet ; Afghanistan, muté en France, une petite note, en haut, indiquant dieu ne sait quoi. Léo ne parvenait même pas à relire sa propre écriture et impossible de se souvenir ce qui était ajouté. Nouveau soupire. Super Léo, t'es vraiment une pro. Elle serra les dents. Dans ces moments-là, elle se haïssait, il n'y avait pas d'autres mots. Allez, haut les cœurs, ce n'était pas si grave, elle agirait au feeling. S'il était aussi con que Raulne, par contre, ça serait moins évident à gérer.

Rah merde ! Un coup de vent suffit à entraîner loin d'elle l'une de ses feuilles. Bondissant sur ses pieds, elle resserra sa queue de cheval et fronça les sourcils avant de se mettre à courir après le morceau de papier. Non, franchement, ce n'était pas sa journée. Ce dernier vint s'écraser dans la poussière et elle en profita pour le récupérer. Elle ne portait pas sa tenue réglementaire complète et, vêtue d'un modeste sweat noir, seul son pantalon militaire et le brassard qu'elle avait autour du bras pouvait rappeler qu'elle appartenait bien à l'armée. Puis, sincèrement, elle n'avait pas vraiment une tête de soldat, si ? Elle se redressa en grimaçant et, seulement, croisa le regard de.. Oh.. m'sieur Talbert ! Super. Entrée en matière 0. De plus, elle avait bafouillé. Et sursauté. Génial. Elle remit une mèche derrière son oreille et, pour se rattraper de ce désastre, se mit au garde-à-vous. Excusez-moi, je ne vous avais pas vu. Elle baissa le regard, honteuse. Dingue comme cette fille pouvait passer d'une attitude à l'autre ! Elle finit par lui serrer la main, avec une énergie qui lui était propre, et glissa le morceau de papier dans la poche de son sweat. Venez, j'ai laissé mes affaires sur le banc, là-bas. On ne sera pas dérangé, il n'y a personne d'autre à cette heure-là. Disons qu'elle s'en était assez bien tiré finalement. Elle s'engagea en direction du banc et serra nerveusement les poings. On passait aux choses sérieuses et il était maintenant trop tard pour reculer. Au moins, se dit-elle, il n'avait pas l'air si désagréable.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMar 23 Avr - 21:38

Moi, demander à consulter un psy ? Ça faisait quelques temps que ça me trottait dans la tête. La mort du mari d'Eléanore m'avait laissé une sorte de boule dans le ventre. Une boule qui refusait de se dénouer. Je savais que je n'étais pas responsable pour son décès, mais j'avais cru pouvoir sauver sa vie en fin de compte. Et j'étais toujours responsable de la mort de ces civils, sur la route. Pour ma part, j'avais gardé toute cette histoire pour moi, en bon petit soldat bien discipliné. Être infirmier, ça implique garder des quantités de choses pour soi, entre ce que vous disent les soldats avant de mourir, ou les cris qu'ils poussent.

Avant la guerre, consulter un psychologue était obligatoire pour chaque soldat. J'y allais en traînant des pieds, et je demandais à changer de psy chaque fois qu'un arrivait presque à me faire avouer ma culpabilité d'avoir laissé mon escouade se faire avoir, là-bas, en Afghanistan. Bien entendu que cela ne m'aidait pas, que c'était au contraire à ce moment où j'aurais dû rester, mais je n'y arrivais pas. Tout simplement. Je me refermais comme une coquille et je partais. Chose désormais plutôt impossible à faire désormais : partir ? Où ? Alors quand j'avais entendu parler de cette étudiante en psycho qui voulait jouer les psychologues de service, au début, j'avais ris avec les autres, je l'avoue. Après par contre, une fois seul avec mes fantômes, je ne riais plus. Qui qu'on soit, on avait besoin de se confier. Besoin de dire à un moment ou à un autre ce qu'on avait sur le coeur. Bon, je n'avais pas l'intention de tout lui déballer non plus. Mais si elle était là pour aider, autant en profiter, non ? Et puis, elle s'était présentée comme maîtrisant les premiers soins, la rencontrer avec donc un double but. Fallait que je vois comment elle se débrouillait !

Ne sachant pas trop où nous pourrions avoir l'entretien, Léonie, puisque c'était son prénom, finit par glisser dans mes affaire un papier pour fixer le rendez-vous. C'était tôt le matin, et, bien que je devais me rendre à l'hôpital peu après, j'y allais sans hésitation. Au pire, même si j'étais en retard pour mes obligations, qu'allaient-ils faire ? Me virer ? Cependant, ça n'était pas une raison pour prolonger cet éventuel retard en repassant par le camps, et c'est donc en équipement quasi complet que je me dirigeai vers la "Balade des Normands". Casque vissé sur le crâne, Famas en bandoulière, brassard portant la croix rouge fraîchement lavé, et poches de soin remplies. Il n'y avait effectivement personne à cette heure-ci, si ce n'était évidemment la demoiselle en pantalon de treillis, plus un brassard de l'armée qui indiquait qu'il ne s'agissait pas d'une civile. Assise sur le banc, elle ne m'avait pas encore vu arrivé jusqu'à ce qu'elle ne court dans ma direction, à la poursuite d'un morceau volant de papier. Elle s'arrêta juste devant moi, bafouillant en me voyant enfin, ce qui eût le mérite de me tirer un mince sourire.


- Y'a pas de mal, lui répondis-je en lui serrant la main.


Brune, des yeux marrons, elle correspondait au profil de l'étudiante qu'on m'avait fait. Qu'est-ce qu'elle était venue faire ici ? En quoi ce métier -ingrat, avouons-le- l'avait-il attiré ? Il faudrait que je lui pose la question. J'avais jamais fonctionné autrement avec les psy : ils me posent des questions, j'ai le droit de leur en poser aussi. Ce qui en avait exaspéré plus d'un, d'ailleurs. Ils avaient toutes sortes de raison bidons, genre qu'ils ne doivent pas devenir trop proches de leur patients, et tout ça, mais, honnêtement, me confier à un inconnu, c'était pas quelque chose qui était facile. Je la suivis jusqu'au banc, me demandant un bref instant si je devais m'y asseoir ou m'y allonger, avant d'opter pour la première solution, déposant arme et casque à côté.


- Sympa, cet endroit doc, dis-je, amusé par le fait que ce ne soit pas moi appelé ainsi pour une fois. Vous avez pas piqué de la morphine dans mes affaires en déposant le mot, j'espère ! plaisantais-je, en attendant qu'elle s'y retrouve dans ce qui semblait être un fouillis de notes. Vous savez, c'est pas prudent de porter l'uniforme sans votre arme de service, repris-je d'un air plus sérieux. Pas que tous les gens d'ici soient agressifs, mais on sait jamais.


*Bordel, JB, ferme-la. T'es déjà en train de montrer que t'es parano, et si ça se trouve, le je-fouille-dans-mes-notes, c'est encore une ruse pour voir ce que tu fais, et tu te fais avoir comme un bleu !* Bien d'accord avec moi-même, pour une fois, je cessais de parler. J'aurais pu directement lui dire : "JB Talbert, parano." que ça aurait été la même ! Enfin. En même temps. J'avais raison de dire ça, quoi ! On venait de buter le mari d'Eléanore, les militaires n'étaient pas spécialement les vedettes en ville… Il fallait que je reste passif. C'était son problème pas le mien. A moins que, étant nouvelle arrivante dans "l'Armée Française", on ne lui avait rien dit ? A coup sûr qu'il lui manquait quelques réflexes de survie de base. Faudrait que je m'assure qu'elle soit entraînée. Les débutants, ça a tendance à se blesser vite sur le champs de bataille.


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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMar 23 Avr - 23:06

Cela faisait une drôle d'impression de voir ses « patients » armés et prêts au combat. En fait, elle était dans un état tel qu'elle était persuadée ne jamais s'y habituer. C'était l'infirmier qui la rendait si nerveuse ? Sans doute. C'était, en tout cas, le militaire qu'elle respectait le plus ici. Pour son travail d'une part et pour son caractère d'autre part. Elle arriva au niveau du banc et prit son carnet dans la main. Elle attendit debout qu'il s'installe assit et grimpa reprendre sa place précédent, les fesses sur le dossier. Ce n'est qu'après qu'elle se dit que cette situation pourrait le gêner. Un tordu irait sans doute imaginer une position dominant/dominé recherché, ce qui était totalement faux. Enfin, on fait ce que l'on veut sur un banc non ? Bref. Elle posa ses satanés papiers sur ses genoux pour s'y retrouver, tandis qu'il commençait déjà à parler. Un moment, elle se mit à paniquer, mais, non, il ne lui déballait pas -encore- sa vie. Ouf. Aussi, elle répondit par un sourire en croisant son regard, le corps tourné vers lui pour lui faire face.. de trois quarts. Elle leva les mains vers le ciel pour prouver son innocence. Ah, non m'sieur, je plaide non coupable ! Elle fit une pause avant de reprendre. Je n'aime pas être enfermée... Mais si cela ne vous convient pas, la prochaine fois, si prochaine fois il y a, nous resterons au QG. Elle replongea le nez dans ses papiers. Non, en fait, elle ne jouait pas la comédie pour le coup, elle était vraiment perdue. C'est alors qu'il lui fit remarquer qu'elle n'avait pas son arme et que ce n'était pas prudent. Elle sourit à cette phrase.

J'ai ça. Soulevant le bas de son treillis, elle laissa apercevoir sa rangers de laquelle dépassait un minuscule petit couteau, plus utilisé pour couper la chair lors d'opération que pour réellement blesser. Néanmoins, elle haussa les épaules, consciente du ridicule de la situation et se retint de sourire une nouvelle fois. Très effrayant, n'est-ce pas ? Elle lâcha le pantalon et se tapa une sorte de bug en regardant les fiches. En fait... La population a peur, ils sont méfiants, mais c'est normal. Puis, c'est mon boulot de leur venir en aide, donc s'il doit m'arriver quelque chose, tant pis, tant que j'ai fait ce qu'il faut, c'est le principal. Cette vision, de voir les choses, était assez particulière, elle en convenait parfaitement. Sans doute ne serait-il pas de son avis, mais qu'importe, ce sujet serait abordé s'il le souhaitait. Elle saisit rapidement les feuilles volantes et les enfonça dans sa poche, en même temps que son carnet et son crayon, avant de lever les yeux au ciel. Bon, ça, on s'en fiche. Je vais innover. Elle sourit, amusée par son incapacité à s'organiser. Elle faisait une bien curieuse psychologue au final. Alors, oui, elle laissait tomber la paperasse inutile pour se consacrer sur l'objet le plus important à cet instant, l'infirmier. Bien.

Elle se laissa tomber du dossier pour se mettre à la même hauteur que lui, assise dans une position quasi ordinaire -si l'on faisait abstraction de son pied sur l'assise et de sa jambe repliée-. D'après ce qu'il lui avait dit, elle pouvait penser qu'il était un peu stressé de la life. Façon de parler bien sûr. Manière de dire qu'il était peut-être complètement paranoïaque. A vrai dire, qui ne l'était pas ? Elle préféra donc garder cette information dans un coin de son esprit sans s'en préoccuper davantage. Pour l'heure, il fallait lancer la discussion, le mettre à l'aise.. et se mettre à l'aise aussi, par la même occasion. Elle le détailla rapidement. Au moins, ce n'était pas une espèce d' excitée de la vie. Il avait même l'air plutôt calme. Puis, il avait de beaux yeux. Elle, qui n'avait que de ridicules iris marrons, enviait tous ceux qui possédaient les yeux clairs. Enfin. Elle secoua le visage, consciente du silence qui s'était installé et entoura son genou de ses mains, bien décidée à passer à l'action. Bon, déjà, vous pouvez m'appeler Léo et me tutoyer. Après tout, je suis "la minus" du groupe, donc ça ne devrait pas être un problème. Ce genre de surnom, ne mentez pas, circulez dans le groupe, elle le savait très bien pour l'avoir déjà trop de fois entendu. Mais cela ne la blessait pas, elle était largement au-dessus de ça. Étant donné que l'on risque de faire équipe pour les prochaines semaines à venir, je tiens à vous dire que c'est vraiment un honneur de bosser avec vous ! Léger sourire. Alors, j'imagine que vous n'êtes pas venu me voir pour parler de la pluie et du beau temps. Je sais qu'en général, c'est embarrassant de commencer à raconter tous ses problèmes à quelqu'un que l'on ne connait pas -et qui à l'air de s'en foutre royalement-. Donc si vous voulez, on peut tenter une approche plus.. amicale, disons. Si elle réussissait à montrer de quoi elle était capable, les hommes et femmes du régiment commenceraient sans doute à la respecter. Cette motivation supplémentaire ajouta un peu de piment à sa nouvelle mission : essayer de comprendre le seul militaire respectable du groupe, l’infirmier. Puis, curiosité oblige, elle commençait à se détendre et à éprouver de la sympathie pour lui.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMer 24 Avr - 15:12

- Oh, non, ça ira, j’aime bien prendre l’air, indiquais-je quant à sa proposition de prendre nos quartiers dans l’aile de la mairie où les militaires s’étaient installés.


Elle souleva le bas de son treillis pour dévoiler un minuscule couteau, semblable aux scalpels qui trônaient dans mes poches. Effectivement, elle n’allait pas aller loin avec ça ! Mais, en un sens, elle n’avait pas tout à fait tort : elle était là pour aider la population, et moi aussi. Sinon ça aurait fait longtemps que je n’irais plus travailler à l’hôpital civil. Et que je n’aurais pas soigné les types que j’avais pu croiser. Proportionnellement, j’avais soigné bien plus de civils ici que de militaires, et ça n’était pas qu’uniquement parce qu’on me l’avait demandé. De base, j’avais fait des études de médecines pour soigner les autres, sans distinction. Avec la guerre... J’avais un peu plus de mal avec les civils, puisque la crainte qu’ils me sautent à la gorge restait présente, en dépit de toute la bonne volonté du monde pour calmer ma paranoïa. Je reportai mon attention sur la psy, qui apparemment avait abandonné sa lutte contre les papiers. Elle était assez amusante, désorganisée, si différentes de tous les psychologues se prenant trop au sérieux dans leur cabinet exposant leurs publications et autres moments de gloire. Léonie se laissa d’ailleurs tomber à mes côtés, abandonnant le rebord du banc, pour me demander de l’appeler tout simplement par son prénom ou le surnom dont l’avait affublé certains autres militaires. L’appeler «minus» n’était pas rendre hommage au courage dont elle avait fait preuve pour nous avoir rejoint. Le sourire qu’elle m’adressa pour me dire qu’elle était honorée de travailler avec moi était contagieux, et je sentis mes lèvres s’étirer doucement. Et elle était intelligente, en plus d’être plutôt mignonne. Un petit peu de présentation ne pouvait donc faire de mal à personne, et puisqu’elle avait si bien commencé, je pris la suite.


- Ça me va, doc. Mais je ne vous appellerais Léo et dirais «tu» seulement si vous m’appelez JB, dis-je avec un clin d’oeil. J’imagine que tu dois avoir eu mon dossier qui traînait quelque part... continuais-je en adoptant finalement le tutoiement. Trop difficile de parler en «vous» a un collègue. ... alors j’ai pas grand-chose à cacher : infirmier, Afghanistan, et de retour ici. Pas mal de psy à mon actif, méfiance, doc. Mais, ouais, je suis aussi ravi d’avoir un peu d’aide, je ne doute pas qu’on fera une bonne équipe. Et donc, puisque t’en sais tant sur moi, j’ai le droit de poser deux-trois questions ? Genre, d’où tu viens, qu’est-ce que tu as fait dans la vie... Et surtout, pourquoi t’as voulu rejoindre l’Armée, alors qu’on va plus que probablement aller au casse-pipe d’ici peu ? Les gros bras t’ont filé un entraînement ?


La laissant répondre tranquillement, je songeais que cet entretien commençais d’une façon très étrange, puisque c’était moi qui posait les premières questions -je pouvais même dire que je la harcelais de questions-, comme pour s’habituer un minimum l’un à l’autre. Je m’installais de façon plus confortable sur le dossier, pour être à même de la regarder plus attentivement. Après tout, ça ferait un peu coincé si je restais bien sagement assis, le regard fixé devant moi et les mains sur les genoux. Et Dieu savait ce qu’elle pourrait en tirer comme conclusion ! Je me plaçais donc dans la même direction qu’elle, de trois quart, détachant quelques sacs pour les envoyer rejoindre sacs et armes afin qu’ils ne me gênent pas. J’avais beau avoir une organisation de mon matériel totalement rompu à l’action, je pouvais être à l’aise en courant, au-dessus d’un blessé, ou autre, mais dès qu’il s’agissait de quelque chose d’aussi banal que de s’asseoir dans la direction d’une autre personne, ça en devenait plus difficile.

Bon, évidemment, je n’oubliais pas que le but principal de l’entretien était qu’on parle de moi, mais c’était elle qui avait proposé une relation plus «amicale», non ? Et moi j’avais du mal à imaginer une amitié où je ne connaissais absolument pas la personne en face de moi. A vrai dire, c’était pas non plus qu’une question de connaissance : ça m'intéressait vraiment de savoir ce qui l’avait poussé à nous rejoindre, alors qu’elle aurait pu simplement rester parmi les civils, qui l’aurait probablement bien accueillie. Non pas que je me méfiais d’elle, pour faire un choix pareil, il fallait en avoir, mais c’était... intriguant. Surtout que c’était pas le jeunot qui veut faire l’armée pour porter le treillis et les rangers, non, ceux-là rejoignaient les forces standards, pas les auxiliaires sanitaires. Elle était plus... rafraîchissante. Son choix de nous rejoindre avait de quoi surprendre. Elle n’était pas blasée, n’était pas non plus le genre de personnes rejoignant l’Armée par envie de mourir glorieusement, ça n’était donc pas une fanna de porter une arme, et n’avait pas l’air particulièrement dérangée. Au contraire, elle avait l’air de plutôt aimer la vie, souriante et tout, et drôle comme tout. Jeune, aussi, énormément. Ce qui rendait son choix de rejoindre l’Armée d’autant plus intriguant et quelque peu perturbant. Quelque part à l’intérieur, je songeais qu’il faudrait que je la protège du mieux possible de ce qu’on allait probablement vivre vu la guerre qui se profilait.

Ouais, rafraîchissante était le mot qui convenait. Comme si elle débarquait d’un p’tit coin de Paradis pour venir rendre visite à ce qu’on avait fait de la Terre.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMer 24 Avr - 22:24

Ses joues s'étaient empourprées quand il lui avait souri. Elle s'insulta d'ailleurs intérieurement pour ce petit écart, tout sauf professionnel ! Bon, il ne fallait pas croire qu'il se passait quoi que ce soit (quoique), l'idée était plutôt qu'il l'intimidait un peu. Ou qu'elle l'admirait un peu trop. Elle avait l'impression de se trouver face à un grand maître. Du type l'idole qui sert de modèle à votre jeunesse vous voyez ? Enfin, elle lui rendit son sourire et détourna un instant le regard, le temps de se concentrer davantage. Elle le fixa une nouvelle fois quand il reprit parole. D'accord... JB. Bien sûr, tout ça n'allait pas arranger la situation ! Bon. Ce qui était amusant avec la demoiselle, c'était que malgré son comportement un peu gamin, elle faisait preuve d'une grande maturité. RAH, jusqu'au moment où il lui fit un clin d’œil ! Oui, je voulais m'assurer que je n'aurais pas à faire à un psychopathe comme Reh... Elle sourit et le laissa continuer, hochant vaguement la tête. Pas mal de psys à son actif ? Hum, elle hésita sur la manière de prendre l'information. Voulait-il la mettre en garde, la prévenir que c'était inutile d'insister ou juste le lui signaler ? Finalement, elle opta pour la dernière solution qui lui traversa l'esprit : mette de côté. D'autant plus qu'il mentionna qu'ils feraient une bonne équipe, ce qui la gonfla de fierté, avouons-le ! Quand il eut terminé son petit discours et surtout de l'assaillir de questions, elle se mit à rire, d'un éclat léger. Eh bien, je vais te répondre.

C'est vrai que pour ce début étrange, les rôles étaient inversés. Mais elle ne s'en préoccupait pas plus que ça. Elle trouvait légitime qu'il veuille en savoir plus sur celle qui allait partager ses peines, ses envies, ses idées, ses... Hum, peut-être pas à ce point, si ? Bien sûr, elle savait qu'elle ne devait pas non plus trop en dire, même s'il lui inspirait confiance. Quant à lui mentir, il en était tout simplement hors de question. Alooors, laisse-moi faire les choses dans l'ordre ! Elle le regarda se mettre à l'aise avec des yeux ronds et éclata une nouvelle fois de rire. Je t'en prie, installe-toi, j'ai réservé le banc à la journée ! Humour stupide à la Alexandre. Elle se mordit la lèvre inférieure et reprit avec un petit sourire. Mon dieu, voilà que je fais comme Alexandre. Elle secoua négativement la tête et resserra sa queue de cheval. Bon, alors, par où commencer. Hum. Déjà, je suis originaire de Paris, mais j'ai grandi à côté de Cherbourg. Ça, c'était dit. Un autre sourire fendit ses lèvres. Ce que j'ai fait dans la vie ? Ha ! Je suis un peu jeune pour cette question non ? Elle joua avec une mèche de ses cheveux, cherchant ses mots. Quand ces derniers furent plus ou moins trouvés, elle reposa ses mains sur ses jambes. En fait, j'ai eu mon bac à 17 ans. Du coup, avant le début de la... guerre, j'ai commencé des études de psycho. Puis j'ai préféré laisser tomber les études pour venir ici. De toute façon, plus aucun prof ne voulait faire cours... C'est après que les choses allaient se compliquer. On arrivait au sujet sensible et cela se voyait puisqu'elle sembla légèrement se refermer, tout en gardant un sourire triste sur le visage, pour ne pas qu'il se sente gêné d'avoir été si curieux.

Elle inspira un grand coup avant de se lancer. En fait, je suis arrivée à Louisville il n'y a pas si longtemps. J'ai... Enfin, en bref, ma famille est morte dans un bombardement... Courte pause. Comment avouer que c'était justement des militaires qui l'avaient tuée et qu'elle soupçonnait cette escouade même s'être responsable ? Alors, elle préféra mentir. Rien qu'un peu. Juste sur ce point. De toute façon, le résultat était le même, sa famille était morte et ce n'était pas un secret. ... Et ma sœur a été tuée par un idiot sans doute complètement déboussolé. Ce qui n'était pas non plus complètement faux. Elle dissimulait plutôt bien sa colère, mais son visage était blanc. Excuse moi ! Pardon ! Elle bondit sur ses pieds, se relevant brutalement et lui tourna le dos un court instant, trépignant sur place pour ravaler ses larmes, la voix légère et qu'à peine plus rauque que précédemment. C'n'est rien ! C'n'est rien du tout ! Quand elle fit volte face, en effet, c'est comme si rien ne s'était passé, mais le souvenir de sa soeur continuait à la hanter. Elle lui sourit et, sans trop réfléchir, lui posa une main sur le genou, se mettant accroupie face à lui. Ne te sens pas coupable pour ce qu'il vient de se passer, hein, Jean-Baptiste. Peut-être ne se sentait-il pas coupable, mais c'était au cas où. Elle continuait à lui sourire. Ça va, je ne suis juste pas encore tout à fait passée à autre chose... Logique, cela faisait quoi, une semaine ? Il était d'ailleurs même étonnant qu'elle n'ait pas encore éclaté en sanglots ! Il l'apaisait en fait, malgré son uniforme, elle ne tournait pas sa colère vers lui. Enfin, voilà, je me suis engagée pour protéger les gens qui étaient dans la même situation que ma sœur et moi. Alors, elle regarda où sa main se trouvait, rougit et fit un bond en arrière. Ah ! Je suis désolée ! Finalement elle soupira et posa deux doigts sur sa tempe, se la massant machinalement. Je suis nulle dans le rôle de la psy, hein ? Elle sourit et se remit sagement à côté de lui. Enfin, on est là pour toi non ? Alors, je voudrais savoir si ton boulot te plait. C'était une approche particulière, mais c'était l'angle qu'elle avait attaqué.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyJeu 25 Avr - 0:07

Sa façon de réagir à mes premiers propos était charmante. La manière qu'avait ses joues de prendre cette teinte rosée, son rire… Charmant, je vous dis. Loin du rire gras de la plupart de mes collègues, du rire sonnant faux des politiciens… Non, c'était un vrai rire, un comme on en entendait rarement ces derniers temps. Un son auquel je pourrais m'habituer aisément, songeais-je. Avant qu'île ne commence à me répondre, elle commença par une pique qui ressemblait bien, en effet, à l'humour d'Alexandre, ce patient insupportable, qui était toutefois un des meilleurs types de la section. Loin du caractère taciturne ou franchement dépressif des autres. Qu'elle ait commencé à adopter certaines des caractéristiques de l'exubérance d'Alex n'était somme toute pas si mal. Ça allait plutôt bien avec sa vivacité, et cette jeunesse nouvelle dans nos effectifs ne pourrait être que bénéfique, non ? Les "vétérans" étaient toujours soucieux des jeunes, et que des jeunes nous rejoignent, alors même que la situation semblait désespérée, c'était bien preuve que tout n'était justement pas perdu, non ? J'aimais à le penser, ça avait quelque chose de rassurant.

Elle me parla de sa vie, de ses études (que le Baccalauréat semblait remonter à de lointains souvenirs !), le début de la guerre, les écoles fermées. Et puis, une pause. Une pause qui me fit comprendre que la suite ne serait pas aussi plaisante. Je me figeais dans l'attente, l'estomac noué. Des fois, on le sent. Au fond de ses tripes, on sent qu'on a fait un faux pas. Je posais mon regard sur elle, à peine surpris d'apprendre la mort de ses parents, puis celle de sa soeur. Machinalement, j'enregistrais sur son visage des symptômes proches du malaise, mais avant que je ne puisse esquisser le moindre geste dans sa direction, elle s'était relevée, s'excusant en affirmant que ça n'était rien. La boule au creux de mon ventre se resserra. Je voulus m'excuser prestement, mais ma gorge était sèche. Elle revint, contenant ses larmes en s'accroupissant devant moi, comme si elle lisait dans mes pensées. Peut-être était-ce le cas ? Je la rejoignis au sol en posant une jambe à terre, passant un bras autour de ses épaules, pour tenter maladroitement de lui apporter un réconfort.


- Hé.. Je suis désolé, Léo. Vraiment. J'ai déconné. Bizarrement, peut-être en transposant ma situation sur la sienne, je n'avais pas réfléchi au sort de sa famille. Pire, je n'y avais même pas pensé. J'avais perdu le contact avec la mienne au début du conflit, mais mon conditionnement en tant que militaire avait fait que je ne m'inquiétai pas plus que cela. Elle, par contre, une jeune comme ça… Evidemment qu'elle avait de la famille, et j'avais posé la pire question qui soit. Sans le vouloir, peut-être, mais tout de même. Si un jour t'as envie d'en parler… Hésite pas. Faut que je me rattrape, repris-je en essayant de l'apaiser. Piètre tentative, je vous l'accorde.


Elle bondit en arrière soudainement, peut-être en se rendant compte de notre soudaine proximité, se répandant de nouveau en excuses alors que je me relevais, souriant faiblement à sa remarque sur elle-même, y répondant avec un haussement d'épaules :


- T'es encore jeune. T'as tout le temps d'apprendre à bien faire, mais tu pars avec déjà pas mal d'avance. Et j'dis pas ça pour te faire plaisir : à ta place, n'importe qui aurait craqué depuis longtemps…


*Moi y compris* pensais-je simplement. Si, comme je commençais à m'en douter, sa famille constituait un tel point de repère pour elle, la perdre ainsi aurait eu de quoi la briser. A sa place, et pour avoir déjà perdu ce qui faisaient mes repères dans ce monde, j'avais passé des semaines sans rien dire, dans un état quasi-second, comme dans le cas d'un mort-vivant. A la différence près que je n'avais mordu personne. Et elle, elle était là, comme une brise chassant la morosité des esprits, les libérant… Je n'échappais pas à cela, cette sorte de gaité qu'elle dégageait avant que nous n'abordions des sujets sensibles n'aurait pu laisser personne de marbre. Je me rasseyais, et elle m'imita, me demandant si mon métier me plaisait.

Vu le caractère très intime de ce qu'elle m'avait dit, et je ne doutais pas un seul instant que ce fut-ce vrai, je ne pouvais décemment pas lui répondre ce que je répondais invariablement : que j'aimais mon métier sans borne, que sauver des vies était ma passion, et que je l'accomplissais avec ferveur et dévotion. C'était en partie vrai, mais pas seulement. De toute façon, j'étais là pour lui dire la vérité, non ? Et cet angle curieux avait de quoi intriguer. Je croyais connaître les méthodes des psy par coeur, mais force m'était d'admettre qu'elle n'en respectait aucune, se fichant royalement de mes prévisions, trouvant la bonne question pour me prendre au dépourvu. Ce qui d'ailleurs devrait être normal pour faire de la psychologie, mais que je n'avais jamais expérimenté jusqu'alors. D'un coup, j'aurais voulu revenir en arrière, gommer ce que j'avais dit sur l'expérience : elle avait tout pour faire une sacrée psychologue.


- Oui et non. Oui, parce que j'ai été formé pour ça, j'ai voulu faire ça à la base. Soigner des gens, sauver des vies… Tu vois le genre. Mais, non, parce que quand on fait ce métier trop longtemps, on se rend vite compte qu'on a plus souvent affaire à la mort qu'à la vie… Alors, la réponse à pourquoi je suis pas devenu médecin civil est simple : j'ai fait mes études à l'Ecole de Médecine Militaire de Lyon, parce que c'était la meilleure. Et donc en y entrant j'avais déjà signé un contrat. Que j'ai renouvelé parce que les militaires ont besoin de médecins, et que je m'étais fait des potes que je pouvais pas laisser tomber. Enfin. J'avais fini par les laisser tomber, en Afghanistan. Même si c'était pas voulu, je les avais abandonné dans ce désert. Donc, est-ce que j'aime mon métier ? La réponse est que je sais pas. Ou que je ne sais plus. L'autre jour… J'aurais pu sauver une vie. Il avait l'air foutu mais j'aurais peut-être pu le sauver. Mais je me suis trompé sur son cas. J'ai mal diagnostiqué la blessure, et il en est mort. Donc je sais plus si je suis vraiment fait pour ça. J'ai beau en avoir sauvé pas mal, c'est jamais assez pour compenser ceux que j'ai pas pu ramener. C'est c*n et sentimental, pas vrai ? demandais-je en esquissant un sourire amer.


J'avais déballé ça d'une traite, sans même qu'elle ne me relance de questions. La première fois que j'étais allé voir un psy, il avait dû me harceler pour obtenir quelque chose de moi. Peut-être que je m'améliorais ? Non, c'était pas ça. Je m'étais jamais senti aussi à l'aise avec d'autres. Et vu ce qu'elle m'avait dit sur elle, et ce que je venais de dire sur moi, on avait une sorte de connivence. De compréhension mutuelle qui se créait. Un lien, peut-être ? Je bus une gorgée d'eau à ma gourde, hésitant un moment avant de sortir une boîte en fer-blanc contenant quelques rations.


- P'tit déj, Léo ? demandais-je en lui proposant une barre de chocolat. Tout le monde aimait le chocolat. Et surtout les jeunes. Et puis, à ceux qui disent que c'est une denrée rare, je n'aurais qu'une chose à dire : mieux vaut le manger avant qu'il ne finisse en bouillie au cours d'un combat ! Et puis, manger avait de quoi réconforter par moment. Histoire qu'on passe peut-être à des sujets moins tristes. Ça serait dommage, surtout avec elle, qui semblait si prompte à bonne humeur, la distillant autour d'elle, peut-être sans le savoir, mais m'offrant, pour ma part du moins, mon premier cadeau depuis le début de toute cette apocalypse : l'espoir que quelque part, la joie renaîtrait de ses cendres.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyJeu 25 Avr - 11:51

Il y avait des moments comme ceux-là où elle se maudissait. D'ailleurs, la situation en devenait presque comique puisqu'elle culpabilisait de le faire culpabiliser. Petite chaîne sans fin complètement stupide. En fait, elle aurait dû mentir. Elle s'en rendit compte bien trop tard, le mal était déjà fait. Comme il aurait été simple de lui dire que sa famille était à Cherbourg dans leur grande maison à la campagne, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, qu'elle s'était engagée à cause d'un pari idiot et que.. Oui, mais elle savait aussi qu'elle n'aurait pas été capable de mentir à ce point, c'était bien trop douloureux. Elle se connaissait bien et savait aussi qu'à force de s'enfoncer dans cette imposture, elle aurait fini par se persuader de l'aspect véridique de la situation. Imaginez la déception ! Non, elle n'y aurait pas survécu. Si elle était toujours debout à cet instant précis, c'était grâce (à cause?) de sa colère et rien d'autre. L'esprit de vengeance l'animait, tout simplement, même si, je vous l'accorde, cela ressemblait plus à une farce qu'à autre chose. Enfin. Alors, pourquoi se laissait-elle ainsi manipuler ? Façon de parler bien sûr, puisque c'était totalement volontaire. Puis, pourtant les bras de Talbert l'apaisaient autant ? Il n'y avait aucun coup de foudre là-dessous (pas à sa connaissance du moins), mais elle était jeune et là était sa principale faiblesse.

Il lui manquait ce point de repère cruciale qui fait que les jeunes gens parviennent à se construire. Elle n'espérait pas le trouver ici et pourtant, il était là. Tout aussi maladroit qu'elle, en plus ! Dernière question, pourquoi n'arrivait-elle pas à détester certains de ces militaires, alors qu'il étaient responsables de la mort d'Alice ? Peut-être parce qu'ils ne l'étaient pas vraiment. Force est de constater, par ailleurs, qu'ils lui avaient ouverts leur bras de géants. Pour certains. Et elle était là, à chercher des réponses, loin de ses amis, loin de son chez elle. Oui, enfin, loin d'une maison vide et de trois cadavres. Alors, elle ne regretta plus vraiment d'être venu jusqu'ici. Même si, malgré l'adorable proposition qu'il lui avait faite, elle se refusait à en parler à qui que ce soit. Chacun ses blessures et si elle voulait éviter d'exposer les siennes, c'était son choix, elle l'assumait. Alors, il la rassura sur son boulot, peut-être pas si désastreux, ce qui la fit sourire. En fait, elle craquait, tous les soirs quand personne ne pouvait la voir. Ce qui n'était pas du tout un comportement lamentable à vrai dire. Mais assez parlé d'elle. Elle le regarda et écouta avec attention. Puis, quand il eut fini, elle commença à analyser ce qu'il venait de lui dire... En lui parlant bien sûr. Léo était intimement persuadée qu'être psychologue ne voulait pas signifier « jeu de questions/réponses », mais bien « dialogue ».

J'aime bien ta sincérité. Tout le monde n'est pas comme ça... Elle se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de rajouter un « surtout ici » qui aurait été destiné à l'ensemble des militaires. C'est pour ça que tu voulais me voir ? Pour ce qui s'est passé l'autre jour.. Question rhétorique, elle le quitta du regard pour « admirer » la plage, les yeux dans le vague. Elle cherchait ses mots. Non, c'est juste humain en fait. Alors, il sortit la boite. Elle sourit en ce disant que si c'était un bout de cadavre d'une précédente opération ou quelque chose de ce genre, non, merci. Bien sûr, ce n'était pas du tout ça, puisqu'il lui sortit du chocolat ! Ses yeux se mirent à briller et un grand sourire étira ses lèvres. Oh la vache ! Elle sentit une nouvelle fois ses joues devenir plus roses et se frotta le visage d'une main. Enfin, je veux dire... Cool. Elle saisit le morceau qui lui était tendu et en croqua un petit bout. Yeah, ça, c'était agréable. J'n'en avais pas mangé depuis... Depuis quand au juste ? Il ne s'était pas écoulé tant de temps que cela, depuis son départ, mais ça lui semblait être une éternité. Alice aussi adorait ça ! Pas de peine sur son visage, pas même l'ombre d'une larme ! A quoi bon pleurer quand elle évoquait les bons souvenirs ? Elle aurait tout le temps de se lamenter sur son sort cette nuit.

D'ailleurs, elle n'avait plus du tout envie de repenser à tout ça maintenant. Décidément, il lui faisait un drôle d'effet cet infirmier ! Peut-être lui avait-elle piqué de la morphine en fait. Cette pensée l'amusa une nouvelle fois, comme si tout ça était absurde. Elle aurait pu, mais pourquoi faire ? Droguer Raulne ?... Ah bah, oui. Elle aurait pu. Enfin, elle finit par se concentrer (une nouvelle fois) sur le cas Talbert. Elle réglerait son compte au lieutenant plus tard. Je sais que ton boulot est dur, crois-moi, j'ai essayé une fois de sauver quelques vies et je peux te dire que je n'ai jamais autant galéré. Elle faisait bien sûr référence à la séquence « après fusillade ». Mais tu es quelqu'un de fantastique. Je le pense vraiment. Tu arrives à garder ton sang-froid dans ses situations... explosives. Tu n'as pas que des qualités, c'est certain, mais tu as celles qu'il faut pour manier presque à la perfection le scalpel et le désinfectant ! Alors, je ne sais pas si oui ou non tu es fait pour ça, toi seul connais la réponse, mais ce que je vois, moi, c'est un homme qui a tendance à oublier qu'il est humain. Elle releva le visage et lui sourit. Même si tu le voulais, tu ne pourrais pas sauver tous ceux qui ont besoin d'aide, mais tu fais ton maximum et ça, personne ne pourra jamais te le reprocher. Elle se frotta la nuque avant de lui tapoter l'épaule. Contact maladroit, certes, mais adorable. Tu devrais penser à toutes ces personnes qui peuvent encore sourire grâce à toi... Euh... Ça, c'est c*n et sentimental ! Elle se mit à rire, gardant sa main sur son épaule. Maintenant qu'elle était là, elle se fit la promesse de ne pas le laisser tomber.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyJeu 25 Avr - 23:27

L'espace d'un instant, je crus bien qu'elle allait retomber dans une sorte de morosité en évoquant l'attrait de sa soeur pour le chocolat… Mais ce ne fut pas le cas. Elle faisait partie de ces rares individus capables revoir dans leurs souvenirs les moments heureux passés avec les défunts, et de ne pas fondre en larmes dans la seconde qui suivait. Ce qui n'était pas une mince affaire, qu'on qu'on en dise, surtout si jeune. Peut-être qu'elle craquait seule, une fois à l'abris des regards, par crainte des autres… Mais elle restait forte. Non, ce qui était vraiment impressionnant chez elle, c'était la combinaison entre cette maturité qu'elle dégageait, et sa jeunesse visible. Comme si elle avait grandi trop vite. Ce qui pouvait être le cas, en fait. La guerre changeait les individus. Dans la plupart des cas, pour ceux qui n'y étaient pas préparé, comme, typiquement, les civils, elle les brisait. Les faisait sombrer dans l'horreur et la léthargie. Mais il lui arrivait d'en épargner. Et ceux-là gagnaient en expériences, et découvraient la valeur de la vie, tandis que ceux qui était brisés ne connaissaient que le prix de la mort. Et l'hypothèse qu'elle craque n'invalidait en rien ce raisonnement : tout le monde craquait. Plus ou moins ouvertement, plus ou moins facilement, mais… Tout le monde craquait. Nous étions tous humains, et par là-même, soumis à nos limites.

Et c'était plutôt amusant qu'elle me le rappelle aussi. J'avais des limites, des contraintes, un point où j'arrivais à saturation. L'important quand on cale sa voiture n'est pas de s'attarder à comprendre pourquoi, mais bien de redémarrer. Elle me tapota l'épaule, et une partie de la tension que j'avais pu accumuler s'évapora, comme si je me détendais enfin pour la première véritable fois. Depuis notre arrivée ici, et de surcroît depuis le début de la guerre, j'avais le sentiment, hallucinations aidant, d'être constamment dans une zone de guerre. Si la thérapie que m'offrait Léonie avait de nombreuses réussites, celle de me faire comprendre -presque involontairement- que je n'étais pas en danger en était une preuve indéniable. Cette pensée avait son lot d'incohérences et de contradiction : nous étions en guerre, le Lieutenant parlait de retourner au front, la situation dans le village devenait de plus en plus tendue… Et pourtant, là, sur ce banc, je me sentais en sécurité. Je n'avais plus si peur que cela d'affronter le reste du monde. Elle n'avait pas dit grand-chose, et un observateur extérieur aurait même pu dire qu'elle faisait un travail bien étrange, mais, comparé à un psychologue "normal", elle ne se contentait pas uniquement du rôle de la parole. Encore une fois, je n'étais pas sûr si c'était conscient ou non, mais tout dans sa gestuelle, dans sa façon d'être, et de l'impression qu'elle dégageait mettait à l'aise. En confiance. Peut-être que je regardai d'un oeil bienveillant sa jeunesse. Peut-être qu'elle trouvait les mots justes. Peut-être que ce qui faisait qu'elle était elle, son essence si l'on pouvait dire, donnait du courage. me donnait du courage. Ou peut-être un peu de tout à la fois.

J'inspirai profondément en souriant, la regardant tranquillement. Je m'étais déjà dit que je devrais la protéger en situation de guerre. Maintenant, je m'en fis le serment. Elle semblait à la fois forte et fragile… Et elle devait être protégée. Elle devait rester en vie. Elle était un concentré de joie, un rayon de soleil sur les autres, et c'en était presque un devoir que de la laisser éclairer le chemin.


- C'est pas c*n… murmurais-je, presque pour moi-même. C'est vrai. C'est… Juste. Je ne trouve pas d'autres mots. Difficile, en effet, d'en trouver, quand on sent que quelque chose change à cause de ces mots. Sentimental, par contre, certainement ! continuais-je pour rebondir, joignant mon rire au sien.


Ce dont je fus le premier surpris. Je ne me rappelais pas avoir ri depuis… Quoi ? Combien de temps ? J'avais déjà pouffé, souris, été amusé, mais rire, rire véritablement… Non, je ne m'en rappelais plus. En soi, ça n'avait rien de particulièrement de drôle, voire d'amusant, mais, honnêtement, vous avez déjà réussi à vous arrêter de rire alors qu'on continue autour de vous ? Pour ma part, non, et je ne m'arrêtais qu'au prix d'un extrême effort quand mes côtes me firent mal. Je tapotais sa main posée sur mon épaule en me calmant, lui adressant un sourire infiniment reconnaissant.


- Merci doc, j'veux dire, Léo. Ça fait du bien de rire un bon coup. Surtout quand c'est pour rien, ajoutais-je avec un clin d'oeil. Dis moi, j'peux te poser une question ? Qu'est-ce que le Lieutenant Raulne t'a dit de faire exactement ? On t'a filé une arme ? Avec mon boulot à l'hôpital, j'ai eu du mal à tout suivre, et si t'étais pas venue en temps qu'auxiliaire sanitaire, j'aurais probablement pas fait attention à ton nom. Et j'aurais fait une belle erreur, d'ailleurs. Enfin bref. Ce que j'veux savoir, c'est si tu es taillée pour la bataille. Parce qu'au vu de ce qui nous attend… Je… J'veux pas qu'il t'arrive quelque chose soufflais-je à voix basse.


Elle n'avait pas l'air particulièrement musclée à vue de nez, mais elle ne donnait pas l'impression de ne pas être sportive par ailleurs. Elle devait avoir gardé un bon niveau d'entraînement, sans subir celui des militaires, ce qui était somme toute assez logique. Mais les combats seraient une expérience bien trop traumatisante et exigeant des réflexes instantanés… Je ne pouvais pas supporter l'idée qu'on puisse, nous les militaires en tant que groupe, la mettre en danger alors qu'elle n'avait pas le physique d'une combattante. Être affectée en soutien de tir, pourquoi pas. Mais nous n'étions pas dupes : les "recrues" civiles finissaient par aller en première ligne se faire avoir à notre place. Et dans ce cas, c'était hors de question que je ne fasse rien. Les ordres ne me replongeraient pas dans les ténèbres. Non, ça, c'était absolument exclu. J'allais garder Léonie en vie, coûte que coûte.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyVen 26 Avr - 21:02

Il lui semblait avoir fini par trouver les mots justes. En effet, son « patient » (mais disons plutôt Talbert, cela sonnait moins formel) semblait plus détendu. Il était plus souriant, cela ne faisait aucun doute, plus apaisé aussi. Alors, pour la première fois depuis son arrivée ici, Léonie se sentit fière. Fière de son travail, fière de ce quel avait fait. Car même si elle n'était pas sûre de réussir son objectif principal, ici, à Louisville, elle était, au moins, parvenue à redonner le sourire à cet homme en uniforme. C'était agréable de se sentir importante. Mais sa plus grande victoire fut bien sûr quand elle entendit son rire, en écho au sien. Elle en aurait presque oublié les bombardements, les décès, la guerre. Elle en aurait presque tout oublié d'ailleurs : la plage, le banc, les documents et son carnet qui pesaient lourd dans sa poche. Il n'y avait plus que son sourire reconnaissant, ses remerciements, aussi. Enfin, tout cela jusqu'à ce qu'il reparte sur autre chose. Elle s'apprêtait d'ailleurs à lui répondre que Raulne comptait sur elle pour maintenir une cohésion dans le groupe, qu'elle avait reçu un 9 mn et qu'elle avait encore un peu de temps pour se préparer au combat. Pourtant, elle ne répondit pas, parce qu'il venait de terminer par une phrase loin d'être anodine. Quelques mots. Pas grand-chose pourtant. En apparence.

Qu'est-ce que tu viens de dire ?! Elle le regarda avec des yeux ronds et retira brusquement sa main, comme si à trop longtemps la laisser sur son épaule, elle allait finir par se brûler. Avait-elle bien entendu ? Elle n'en était pas sûre. Cela devait être son imagination. Quoique. Vu à quel point son rythme cardiaque s'était emballé sans prévenir, il était certain qu'elle n'avait pas rêvé. Elle garda sa main en suspens et la laissa retomber sur sa cuisse. Elle détourna alors le regard et fixa l'horizon droit devant elle. JB.. Discret soupire. C'est adorable, mais.. Mais, mais, mais. Il y avait toujours un "mais", en fait. La demoiselle se sentit complètement perdue. Elle avait fait tout ce chemin pour venger sa petite sœur, pour faire payer à l'ensemble des militaires, pour leur faire regretter leur comportement et maintenant, voilà que l'un d'entre eux éprouvait de la sympathie pour elle. Le pire étant que c'était largement réciproque. Elle était tiraillée entre la sensation de trahir sa famille et celle de ne rien faire de mal. Une sorte de culpabilité qui la rongeait, mais qui ne l'empêchait pas d'agir tel qu'elle le faisait. Elle baissa la tête et remit négligemment une mèche derrière son oreille. Il ne faut pas que tu te sentes obligé de.. C'était un bon début, mais elle ne parvint pas à enchaîner. C'était rageant de ne pas trouver ses mots ! Elle hésita une nouvelle fois puis se tourna vers lui et le regarda droit dans les yeux.

... Ah, bah, non, c'était foutu, elle ne savait plus du tout quoi dire. Super. Elle baissa les yeux vers les armes du militaire, pensive. C'est vrai qu'en s'engageant, il n'y avait pas trop réfléchi à ça. Si elle était envoyée sur le front, pourrait-elle y survivre ? Enfin, les nouvelles recrues étaient de la chair à canon, non ? Quoique, peut-être que si elle parvenait à faire convenablement son job, elle serait précieuse pour le groupe et ils feraient en sorte de la garder vivante. Enfin, même cela, elle n'en était pas certaine. Ce n'était pas vraiment qu'elle venait de réaliser ce qui l'attendait, simplement, si on lui avait dit ce genre de choses, quelques jours auparavant, elle aurait soutenu avec hargne qu'elle n'avait plus rien à perdre, mais, là, maintenant, en cet instant précis, elle ne voulait absolument pas.. mourir ; C'était aussi simple que ça. Elle venait de faire une trop belle rencontre et commençait à s'en rendre compte. Elle finit par relever le regard.

A l'heure qu'il est, je pense que si je suis envoyée sur le front, je ne tiendrai pas longtemps. Au moins, c'était avoué, elle n'était pas dupe. Après, je ne dis pas que je n'ai aucune chance de m'en sortir. Je sais utiliser une arme, je n'ai pas peur et je n'ai pas grand-chose à perdre, mais.. Les documents, qu'elle avait jusque-là, glissèrent de sa poche et vinrent s'éparpiller sur le sol. Elle se releva précipitamment, interrompue par ce petit événement. Mince ! Elle lui jeta un regard et se baissa pour commencer à tout ramasser, désireuse d'en finir au plus vite avec ce qui lui pesait sur le coeur depuis quelques minutes maintenant. Enfin, tu vois où je veux en venir. Je ne veux pas de garde rapprochée, ni être traitée différemment des autres. En plus, s'il t'arrivait quelque chose à cause de moi.. Elle baissa la voix. Je crois que je ne me le pardonnerai pas. Elle leva les yeux vers lui et finit par lui sourire. Donc, hors de question que tu bouges ne serait-ce que le petit doigt pour me protéger, d'accord ? Elle se laissa tomber sur les fesses à même le sol et s'installa en tailleur, bien face à lui, le fixant droit dans les yeux. Tu promets ? Elle serrait dans ses mains les quelques feuilles qu'elle avait rattrapées, laissant son carnet dans la boue et son crayon rouler sous le banc. Cela n'avait aucune espèce d'importance.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyDim 5 Mai - 19:31

J'avais eu beau baisser la voix, il était évident qu'elle m'avait entendu. Et apparemment, ça ne lui avait pas plu au vu de sa réaction. Je pouvais peut-être le comprendre, alors que je levais vers elle mon regard pour l'observer, ouvrant la bouche pour répondre, mais me ravisant lorsque sa main retomba sur sa cuisse. Elle pouvait penser que je la trouvais faible, ce qui n'était jamais un beau compliment adressé à quelqu'un qui s'était engagé ainsi dans les Militaires. Elle me regarda, et je soutins ce contact avant qu'elle ne le rompe la première. Elle avait l'air d'avoir du mal à trouver ses mots, et je ne cherchais pas à la relancer : j'en avais sûrement déjà assez dit, et je n'avais pas envie qu'elle se braque à nouveau. Lorsqu'elle fit tomber ses affaires, je m'agenouillai en un réflexe pour l'aider à les retrouver toutes, me crispant légèrement en l'écoutant. Je finis par m'asseoir en face d'elle, tendant le bras pour récupérer le crayon qui roulait hors de notre portée, jouant distraitement avec en cherchant mes mots.

Oui, je pouvais comprendre qu'elle ne souhaite pas bénéficier d'un traitement de faveur vis-à-vis des autres, mais d'une part, c'était mon boulot d'aider tout le monde, c'était même compulsif de sortir de mon trou pour courir sous les balles chercher un pote blessé, et d'autre part… Et bien d'autre part, c'était Léonie. Tout simplement. Si elle refusait qu'il m'arrive quelque chose à cause d'elle, je refusais pour ma part de ne rien faire si jamais elle en avait besoin. Je la regardai, un mince sourire d'excuse aux lèvres, comme pour la préparer à l'avance à ce que j'allais dire.

- Non, dis-je en reposant le stylo. Je suis désolé. Je ne peux pas te promettre ça. Tu ne te le pardonnerai pas s'il m'arrivait quelque chose à cause de toi ? Hé bien moi je ne me le pardonnerai pas s'il t'arrivait quelque chose et que je ne ferais rien. Je souris de nouveau, mais mon regard était voilà par une sorte de mélancolie. Je suis médecin militaire. C'est dans mon travail de venir vous chercher, que ce soit toi, le lieutenant, ou n'importe qui d'autre. Et puis… Je ne savais pas trop comment continuer. Et puis, "parce que je t'aime bien" ? Et puis, "parce que tu sais peut-être te battre, mais tu n'es pas soldate" ? Et puis, "parce que je ne peux pas m'empêcher de venir vous sauver" ? Je finis par reprendre, sans avoir trouvé de réponse : Et puis, parce que tu es…. Je séchais de nouveau. Je me passais une main dans les cheveux, peu habitué à ne pas trouver les mots capables d'exprimer ce que je ressentais. Je finis par reprendre une nouvelle fois, cherchant à tout reformuler. Enfin, je veux dire… Je ne peux pas ne pas te protéger. Je pourrais essayer de ne pas être une mère-poule, dis-je en lâchant un petit rire embarrassé, mais je… Je ne peux pas. Je ne sais pas. Je n'y arriverai pas. Tu…

Encore ce "tu" qui revenait. *"Tu" quoi ? Qu'est-ce que tu veux lui dire, Talbert ? Qu'est-ce qu'elle est ? Arrête de laisser des blancs s'installer, dis quelque chose enfin ! Cherche pas la bonne formulation, dis-le ! Crache le s'il le faut, mais là, t'as l'air pathétique.* Supportant sans broncher les réprimandes de mon cerveau, je posais ma tête contre les deux doigts de ma main droite, la regardant, et trouvant la réponse. Je l'avais depuis le début, sans oser la dire. Peut-être qu'un petit peu de vérité ne me ferait pas de mal.

- Parce que tu es Léonie Leroy, et que malgré que tu sois une jeune engagée, tu es plus qu'un être vivant. Dans ce monde, tu restes la preuve que les jeunes finiront toujours par remplacer les vieux. C'est bête mais c'est comme ça. La jeunesse doit être protégée, d'autant plus que… *Allez JB ! Tu n'as encore rien dit !* D'autant plus que tu dégages… Je ne sais pas, je peux me tromper, mais tu ne t'es pas engagée par envie de mourir, loin de là ! Au contraire, tu as l'air d'aimer la vie, d'aimer vivre… Et ça, ça doit être protégé par dessus tout. Parce que dans ce monde où tout fout le camp, il en faudrait plus des comme toi, parce que ce n'est pas moi, ni le Lieutenant, ni aucun autre donneur de mort qui va le reconstruire. Ce sera aux gens comme toi de repartir à zéro, de donner une impulsion nouvelle à la civilisation en ruine. Ce sera aux gens comme toi de faire redécouvrir aux autres ce que c'est le rire, ce que c'est la vie. Alors, non, je ne peux pas te promettre de ne pas tout faire pour venir te chercher. Je peux toujours te promettre le contraire, par contre, ajoutais-je avec un clin d'oeil, pour essayer de faire passer ce que je venais de dire.

Parce qu'il y avait un risque dans mes paroles, et j'en étais bien conscient. Le risque qu'elle se braque, et qu'elle rejette ce que je venais de dire. C'était le problème avec la vérité : on ne savait jamais ce que ça allait donner. Dans certains cas, on était ravi, dans d'autres, horrifié, dans certains encore… on en était blessé, marqué à vie. Mais je n'avais pas le choix. J'aurais pu camoufler la vérité, en disant que c'était mon boulot, etc. mais ça n'aurait pas été lui rendre honneur. Ça n'aurait pas été lui dire à quel point elle était importante, à quel point il était impératif, vital, même, qu'elle puisse survivre à tout cela. Il le fallait. Sans quoi le monde en serait bien trop assombri.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMer 8 Mai - 18:07

C'était, comment dire. Étrange. Oui, voilà, étrange. Talbert, le nez baissé vers le crayon entre ses doigts, s'amusant avec d'un air distrait. Il ressemblait à un gosse. L'attitude qu'avait Alice avant de dire à sa grande sœur qu'elle avait fait une grosse bêtise. L'attitude qu'elle-même avait quand elle devait avouer quelque chose de délicat à quelqu'un. La demoiselle se doutait avoir démarré la minuterie d'une bombe là. Peut-être avait-elle été trop gamine ? Trop directe ? Trop peu professionnelle (quoique ça, c'était certain) ? Elle serra ses doigts et se mordit la lèvre inférieure. Léonie était officiellement une idiote, elle commençait à en être intimement persuadée. Elle releva le regard vers lui à l'instant même où il lui adressait un sourire désolé. Sourire auquel elle ne répondit pas, trop navrée elle-même pour réagir. Alors, il commença à parler et c'est le cœur battant et en silence qu'elle écouta chaque mot, observant chaque geste avec une attention toute particulière. Sans trop le savoir, le militaire lui livrait dans le même temps beaucoup d'infirmations sur sa manière d'être, de penser, sur sa mentalité et sa vision du monde actuel. Mais plus encore, le discours qu'il lui faisait la touchait vraiment. C'était normal quelque part, c'était son boulot. C'était son truc à lui. Rassurer et aider les gens. Un instant, elle en vint même à oublier le fait qu'il était le patient et qu'elle était censée s'occuper de lui, pas l'inverse. Surtout pas ça, qui était le déshonore de tout psychologue qui se respecte. Mais qu'importe l'honneur ou la réputation. Puis, tout dans son regard indiquait aussi à quel point cette conversation risquait de les aider, tous les deux, chacun à sa manière. Et ses gestes. Et son rire gêné auquel elle répondit d'un sourire tout aussi embarrassé, baissant le nez vers ses feuilles, le temps qu'il trouve ses mots, avant de redresser de nouveau sa frimousse pour soutenir son regard, un court instant avant qu'il reprenne parole. Non, vraiment, cette scène totalement niaise avait quelque chose d'un peu magique, en dehors de la guerre et des ennuis qu'elle amenait. Une bouffée d'air frais. Ça faisait un bien fou.

Elle admirait sa franchise. Qu'il se livre aussi facilement était inespéré. Pour ainsi dire, elle ne l'avait même pas envisagé un seul instant en s'installant, quelques minutes auparavant, sur ce banc. Encore un tour du destin, sans doute. Rien que la tournure de ses phrases lui collait des frissons et lui tordait l'estomac. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il voyait réellement en elle. La jeunesse ? L'avenir ? Elle qui se prenait pour un fantôme du passé représentait maintenant l'espoir ? C'était comique dites donc. Il avait même l'air de savoir mieux qu'elle qui elle était ; Ridicule demoiselle incapable de répondre. Plus il continuait sur cette fois, moins elle bougeait. A la fin de son monologue, elle était immobile, le regardant fixement sans rien oser dire. A quoi bon prendre parole, il avait visiblement tout dit. Même si elle n'était pas réellement d'accord sur tout. Déjà, elle n'aimait pas qu'il parle ainsi des autres -de lui surtout- comme une espèce destinée à disparaître prochainement. Un donneur de mort ? Mais enfin, il la rendait, lui, la vie ! Ce n'est pas qu'elle ne comprenait pas, c'était plus qu'elle ne voulait pas entendre ce genre de vérité, c'était trop douloureux. Elle baissa le nez vers les feuilles serrées entre ses doigts, sans prendre le temps de réagir à son clin d’œil. Oui, il avait tort. Cela aurait été à Alice de tout reconstruire. Elle, elle était joyeuse, heureuse de vivre. Elle était douée en cours, elle avait tout pour réussir. Léonie quant à elle, était bien loin des perspectives de sa sœur. Remettant les feuilles dans sa poche, elle se força à relever le regard vers le militaire. Le militaire oui. Il fallait impérativement qu'elle le voit ainsi et pas différemment. Parce que sinon, elle savait combien il serait dur pour elle de se retourner contre son « camp d'adoption ». Après tout, elle était là pour ça, à la base. Même si, plus le temps passait, moins elle était combative. Un léger soupire s'échappa de ses lèvres. C'était dur, d'avoir dix-neuf ans parfois.

Lentement, elle tendit la main pour récupérer le carnet puis, après une courte hésitation, fit de même avec le crayon qui se trouvait à côté de l'infirmier, ce qui l'obligea à se rapprocher un peu. Elle garda les yeux baissés vers ce dernier et le fit tourner une ou deux fois entre ses doigts avant de se rendre compte du blanc incroyable qu'il y avait. Pas quelque chose de très lourd. Juste une impression de vide. Elle tournait le dos à la mer et pouvait pourtant deviner d'après certaines détonations lointaines qu'un nouveau panache de fumée venait de s'élever. Relevant une nouvelle fois le visage, elle haussa les épaules pour se donner de la prestance, mais cela fut fortement inutile. Rien à faire, sa voix tremblait. Merci. Un souffle, un murmure. Rien de bien gros, rien de bien important. Mais elle avait finalement réussi à faire tenir tous les discours du monde dans un seul petit mot, discrètement énoncé, comme on confie un secret. Dans son esprit, c'était presque normal tout ça, il était médecin, c'était son rôle, son boulot, il envoyait des comme elle très souvent et y était habitué. Dans son cœur, elle espérait sincèrement qu'il avait comprit que ce n'était pas à l'infirmier qu'elle s'adressait, mais bien à l'homme, sous sa carapace kaki.

Elle s'apprêtait d'ailleurs à reprendre parole, mais referma la bouche quand elle vit une silhouette s'approcher d'eux. Cette personne devait avoir une excellente vision pour les avoir vus malgré leur situation. D'ailleurs.. elle courait non ? Léonie plissa les yeux à mesure que celle, qu'elle identifiait comme étant une femme, approchait. Était-elle en train de rêver ? Non, pourtant, cette femme semblait complètement hystérique. Elle laissa un juron lui échapper et bondit sur ses pieds. La femme venait d'arriver à leur hauteur. Ses yeux rouges et les traces de mascaras sur sa joue trahissaient son état d'énervement avancé. D'ailleurs, elle commença à bafouiller un on-ne-sait-quoi que Léonie ne comprit pas immédiatement. Madame, calmez-vous. Envolée l'adolescente gênée d'il y a quelques instants, elle avait revêtu le costume de la militaire responsable de la sécurité civile. La femme la regarda de haut en bas, la toisant, puis se détourna d'elle pour se tourner vers l'infirmier, le foudroyant du regard, tout en insultant généreusement la « gamine en uniforme ». La demoiselle ne broncha pas pourtant et, inspira calmement. Dites-nous ce qu'il s'est passé. Elle désigna Talbert du bras et allait poser sa main sur l'épaule de la femme avant de remarquer qu'au vu du regard noir qu'elle lui lançait, elle avait plutôt intérêt à ne pas bouger. Ne vous inquiétez pas madame, cet homme est médecin, il va pouvoir vous aider si quelque chose ne va p... Sur le moment, elle ne comprit pas trop ce qui lui arrivait. La femme venait de lui envoyer un magnifique crochet dans la figure, ce qui la déstabilisa et la força à reculer. Visiblement, elle ne voulait absolument pas de son aide. Soit. La douleur à son visage n'était pas insupportable et sans ce goût amer dans la bouche, Léo n'aurait jamais su qu'elle s'était mordue l'intérieur de la joue. Elle porta la paume de sa main à sa mâchoire, vérifiant machinalement si elle fonctionnait encore et adressa un signe à JB. Tout allait bien. Il fallait seulement s'occuper de calmer la furie, qui, dans son discours complètement incohérent, semblait en vouloir au monde entier et particulièrement aux personnes en uniforme. Elle mentionna l'histoire d'un viol, haussant le ton à chaque fin de phrase, leur reprochant la guerre, les meurtres, le manque de provisions. Bref, Léonie n'arrivait plus à suivre et, interrogeant l'infirmier du regard, essayait toujours de calmer le jeu. Madame... Calmez-vous... S'il vous plait... C'était plutôt mal parti à vrai dire. Elle ne se rappelait plus qu'un civil choqué et désemparé ressemblait à cela. Pourtant, elle était passée par là, elle aussi.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyMer 8 Mai - 23:12

Un long, long silence s'était installé. Je n'osais plus dire un mot, et elle devait passer en revue ce que j'avais dit en cherchant une réponse. Contrairement à elle, je n'étais pas psychologue, je ne savais pas lire sur le visage des gens. Alors je ne dis rien. Parce que je ne sais pas si parler pourrait aggraver mon cas (après tout, elle peut peut-être mal prendre ce que j'ai dit), n'avoir aucun effet, ou que sais-je encore…! Il y a aussi la possibilité que parler pourrait tout débloquer, mais les autres possibilités étaient trop écrasantes pour que je m'y risque. Et puis, je ne savais plus quoi dire. J'avais l'impression d'avoir tout dit. D'avoir déballé une fois pour toute tout ce que je pensais de cette situation. Elle finit par bouger, regardant la mer, soufflant un mot, un unique mot, qui me toucha à mon tour. Un mot qu'on pouvait entendre tous les jours, mais qui prenait tout son sens dans ce genre de situations. Je souris doucement, sincèrement heureux que, finalement, elle ne se soit pas braquée, et que la confiance qui semblait s'être établie entre nous n'éclate pas à cause de mon discours. J'ouvris la bouche pour parler, mais la referma en la voyant faire de même, prêt à éclater de rire devant la similitude de nos réactions… Avant de voir vers où se portait son regard.

Une femme courait vers nous, une civile. Apparemment paniquée. Léonie lâcha un juron, et je me levais en ramassant mes affaires. Si on courait vers nous, c'était généralement parce qu'on avait besoin de nous. De moi, peut-être, pour soigner un énième patient, ou d'elle, pour calmer un des habitants de Louisville. A moins qu'il ne faille la calmer elle, parce que vu son visage, elle aurait bien besoin de se reposer et de reprendre ses esprits. Léonie arriva à sa hauteur en première, et je la laissais dans son rôle pour harnacher solidement mon équipement, m'apprêtant à ramasser mon Famas par la sangle avant de m'arrêter, surpris d'entendre le flot de jurons soudainement adressé à ma psychologue préférée. Le temps que je relève la tête, et Léonie encaissa un coup de poing qui la fit tomber à terre.

Je me crispais instantanément. Tous les muscles de mon visage se figèrent, alors que ceux de mon corps se contractaient. Heureusement que je n'avais pas encore ramassé mon fusil. Sinon… Je ne sais pas ce que j'aurais fait. Mieux valait ne pas savoir. L'autre continuait de jacasser, hurlant on ne savait quelle histoire, nous reprochant tout et n'importe quoi. Si elle pensait s'en prendre à des cibles faciles dans les personnes de l'auxiliaire sanitaire et du médecin, elle se trompait. Mais elle ne le savait pas encore. Je jetais un oeil à Léonie, et me détendis légèrement dans le petit signe rassurant qu'elle m'offrit. Je desserrais mon poing que j'avais instinctivement, et s'en m'en rendre compte, fermé si fort que j'en avais fait blanchir les jointures, et levais les mains vers la furie.

J'avançais d'un pas. J'essayais de paraître détendu et calme, mais je bouillonnais intérieurement. Je n'aurais su dire pourquoi, mais je ne pouvais pas prendre ce coup de poing pour un acte désespéré d'un civil désespéré. Ça serait arrivé à un autre militaire, je n'aurais pas eu cette réaction, cette terrible envie de lui rendre la pareille. Non, ça venait du fait que c'était Léonie qui avait été touchée, peut-être parce que je venais de lui promettre de la protéger, et que déjà elle se prenait un coup. J'avançais de nouveau, essayant de la rassurer, exhibant mon statut de médecin comme un bouclier. Tout en me demandant si j'allais vraiment lui expédier mon poing au visage à mon tour. Ça serait tellement mal vu du reste du village… En même temps, je m'en fichais. Il s'agissait de Léonie, quoi ! De tous les militaires présents, elle était la dernière à mériter de se faire frapper aussi injustement. Dieu, elle était la dernière humaine à le mériter ! Je continuais d'avancer tranquillement, tâchant toujours de la rassurer. J'en avais vu d'autres. Et l'avantage était qu'elle ne portait pas de ceinture d'explosifs. J'arrivais près d'elle. J'étais prêt lorsque sa main se détendit pour essayer de me frapper moi aussi, m'ôtant mes doutes sur la façon de la traiter. J'arrêtais son poignet d'une main ferme, et me déplaçais vivement latéralement pour lui retourner son bras dans son dos, à peine surpris de sa résistance… Jusqu'à ce qu'elle vienne balayer mes jambes en une prise de judo parfaitement accomplie, se jetant sur moi pour me retirer mon arme de poing, nous mettant tout deux en joue. Et réduisant ma fierté en miettes, par la même occasion.

C'était la seconde fois qu'on me tenait sous la menace d'une arme en quelques jours, et ça n'avait rien d'agréable. Il suffisait qu'elle sache s'en servir pour qu'on termine notre vie ici, comme des moins que rien. Je me déplaçais de façon à faire office de bouclier humain à Léonie, lui tenant le poignet pour ne pas lui laisser le choix. L'autre hurlait qu'on lui rende je-ne-savais-quoi, le pistolet oscillant si fort dans ses mains qu'il ne faisait nul doute qu'elle ne toucherait pas ce qu'elle essayait de viser. Je levais ma main libre dans sa direction, essayant de calmer pour de bon le jeu.


- Ecoutez madame, vous n'allez certainement pas vous en sortir en nous tirant dessus. Mais si vous voulez vraiment le faire, tirez sur moi, elle, (je désignais Léonie du menton), elle n'a rien fait, elle vient tout juste d'atterrir chez nous. Si elle tire, court, va chercher les autres, je la retiendrai, soufflais-je à Léonie pendant qu'elle me répondait, mais je n'écoutais pas. Je venais en effet de voir un détail plutôt amusant… Et qui servait largement nos intérêts/ Donc, calmez vous. Et si vous voulez tirer, je vous conseille d'enlever la sécurité.


Elle hésita. Elle hésita juste le temps nécessaire pour que je me relève pour me jeter sur elle, une main sur mon arme pour trouver le bouton qui détacha le chargeur qui alla s'écraser par terre, une autre pour lui tordre le poignet pour lui faire lâcher l'arme. Ce qu'elle fit, au moment où je la renversais à terre, l'immobilisant d'une clé imparable, ramenant ses mains dans son dos, un genou entre ses reins pour l'empêcher de bouger. Je n'avais rien de spécial pour l'attacher, donc j'improvisais.


- Ninnie, dis-je, hésitant un peu quant au surnom que je venais d'employer sans trop avoir réfléchi. Côté droit. La poche à l'extrême, sur ma hanche. Passe moi l'adhésif, s'il-te-plait. Et toi. Ne. Bouge. PAS.


J'aurais pu l'atteindre moi-même, mais on ne savait pas trop de quoi cette furie était capable. Après tout, elle m'avait balayé sans trop d'effort. Je l'avais déjà sous-estimé, et je ne le referais pas. Enfin, si Léonie hésitait, je le prendrais moi-même, mais avec un luxe de précaution. Une fois que ses mains furent entravées, je la relevais d'une main ferme sur son épaule, la faisant s'asseoir sur le banc. Je ramassais pistolet et chargeur, le rangeant soigneusement dans son holster, et récupérant mon Famas que je passais en bandoulière. Arrivait maintenant la partie intelligente de la conversation avec la fille, qui semblait s'être un petit peu calmée. Le choc, probablement. Je jetais un oeil à Léonie, retirant mon gant pour palper sa joue qui avait reçu le coup, ne trouvant rien d'anormal. Je soupirais enfin de soulagement, et lui tendis ma gourde d'eau si elle en voulait.


- Bien. Je commencerais par dire que vous avez de la chance de n'avoir pas fait trop mal à ma collègue ici présente. Ensuite, laissez moi vous dire d'entrée de jeu que vous serez conduite au poste pour cette action. Enfin, vous avez une chance de vous calmer et de nous expliquer calmement de quoi il en retourne. Nous sommes prêts à vous écouter et à vous aider. Vous avez même une sacré chance, puisque vous avez en face de vous notre meilleure psychologue, alors vous allez vous calmer, et parler. Rien ne vous sera fait tant que vous resterez calme. C'est aussi simple que ça.


En réalité, pas tant que cela. Mais au moins, avoir été plus rude que nécessaire dans son immobilisation avait été justifié par le fait qu'elle nous ait attaqué. Je croisais les bras sur mon torse en l'observant, attentif à ses réactions. Cette fois, je ne me ferais pas avoir, et elle ne pourrait pas faire de mal à N… à Léonie, même si elle se levait pour la frapper. Des hystériques comme ça, c'était pas trop mon truc, alors je hochais la tête dans la direction de Léonie, en lui disant :


- A toi de jouer doc. Montre moi ce que tu sais faire, avec un nouveau clin d'oeil. Décidément.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyJeu 9 Mai - 18:02

Tout allait très vite. Peut-être trop vite. Léonie n'était pas spécialement longue à la détente, au contraire, elle arrivait en général à bien garder le rythme, mais c'est vrai que là, elle se trouvait dans une situation qui lui échappait totalement, la confortant dans son idée d'être réellement nulle en psychologie. N'importe quel crétin aurait pu deviner que ce n'était pas en demandant à la femme de se calmer qu'elle obéirait. N'importe qui, mais pas la brune. Elle bouillonnait de rage devant son impuissance à garder le contrôle ou à instaurer le calme. C'était frustrant. C'était démoralisant. Par ailleurs, elle remarqua que Talbert était tendu, malgré ses efforts pour le dissimuler, ce qui la surpris. En règle général, les médecins devaient être plutôt détendus et garder leur calme dans toutes les situations. Pourquoi pareille réaction ? Allez savoir. Peut-être cette femme était-elle réellement dangereuse, mais, pour l'heure, il fallait faire quelque chose pour elle. Ne serait-ce que la raisonner un minimum. D'autant plus que le militaire commençait déjà à s'approcher, alors que Léonie gardait les paumes de ses mains tendues en direction de la femme, tout en lui soufflant de se calmer. Ses yeux faisaient d'inlassables allers-retour entre cette dernière et l'infirmier, guettant le moindre geste brusque, la plus infime réaction qui aurait pu tout faire basculer. Celle-ci arriva d'ailleurs plus rapidement qu'elle ne le pensait, puisque la blonde peroxydée essaya de frapper le militaire. Léo fit un bond en avant pour intervenir, mais il parvint à s'en sortir sans problème. L'estomac noué, ce fut tout de même un soulagement pour la demoiselle. Au moins, la folle ne l'avait pas touché. Elle se surpris à penser ça. C'était un militaire après tout. Lui, comme tous les autres, méritaient, au moins, des dizaines de coups comme celui qu'elle avait reçu. C'était un militaire, oui, mais c'était JB. Et cela suffisait à faire toute la différence. Point.

Soudain, la femme se dégagea et, après avoir « emprunté » l'arme du médecin, commença à les menacer de tirer. Ce n'était pas la première fois que Léonie se trouvait dans une situation semblable. Quoique. En effet, la dernière fois, elle tenait la main de sa sœur dans la sienne et était allongée sur le ventre pour éviter de se faire toucher par des balles sifflant de parts et d'autres en direction de la foule en colère. Personne ne s'était jamais attaqué ainsi à sa personne. C'était effrayant. C'est la raison pour laquelle elle s'immobilisa immédiatement, le regard vissé sur le canon. Ce qui la fit réagir fut la main de l'infirmier autour de son poignet. Idiot ! Partagée entre la peur de se faire tirer dessus et la peur qu'il prenne le coup à sa place, elle se mit à le haïr d'agir comme ça. Comme si sa jeunesse lui donnait le droit de vivre. Il ne manquait plus que ça. Alice était morte à seize ans, on ne lui avait donné aucune chance. C'était injuste. Elle répondit à ses consignes par un faible murmure. Pas même certaine qu'il l'ait entendu. Mais tu... Elle fut interrompue quand tout s'accéléra. Il bondit sur la femme, sous les yeux écarquillés de la demoiselle qui avançait prudemment, mains en avant, incapable d'intervenir, malgré l'envie de faire quelque chose. Elle n'était que spectatrice de ce combat. Serait-elle aussi passive sur un champ de bataille ? Ridicule. Elle se trouvait juste ridicule. Incapable de protéger ou d'aider qui que ce soit. Elle qui souhaitait faire de cet entretien une réussite pour se faire respecter, se retrouvait relayée au rang de boulet de l'armée. Super.

Quoiqu'il en soit, Talbert n'eut pas vraiment besoin d'elle pour maîtriser la furie. Tant mieux. Elle n'aurait pas été capable de l'aider de toute façon. C'est du moins ce qu'elle pensait. Alors, il l'interpella. Elle le regarda un court instant avec des yeux ronds. Il était sérieux là ? Ninnie.. A vrai dire, un léger sourire se dessina sur ses lèvres pour disparaître dans la seconde d'après. On ne la lui avait jamais faite celle-là. Mais elle s'exécuta sans se poser de questions. Après tout, ce n'était pas comme si ce geste allait créer une bulle d'intimité, hein ? Hum. Elle prit donc l'adhésif dans sa poche et l'enroula autour des poignets de la femme. Serrant suffisamment pour s'assurer un minimum de sécurité, mais pas au point de lui couper la circulation. Elle n'était pas un monstre tout de même et agir comme tel n'aurait certainement pas aidé la femme à se calmer. Elle se redressa et soupira, se passant une main dans les cheveux, tandis qu'il forçait la folle à s'asseoir sur le banc. Beaucoup d'émotions pour un début de journée. Elle n'avait qu'une envie : retourner se coucher fissa. Ou partir en courant, sans demander son reste. Elle profita du court moment où il rassemblait ses affaires pour se détacher les cheveux et se refaire une queue de cheval plus serrée. Oui, vraiment, beaucoup trop d'émotions. Léonie laissa ensuite JB l'examiner rapidement. Sa joue était bien rouge, mais tout allait pour le mieux, si ce n'est que la coupure était douloureuse. C'est pourquoi elle accepta l'eau qu'il lui tendait et en prit une gorgée. Bon, définitivement, trop d'émotions et l'envie d'aller dormir.

Elle le regarda du coin de l’œil avant de reporter son attention sur la blonde. Elle les toisait comme si elle allait les bouffer, mais, en même temps, semblait avoir perdu toute sa fougue. Tant mieux. La meilleure psychologue, hein ? La pire cruche de tout l'univers, oui. Léonie inspira profondément et tendit la gourde qu'elle tenait encore entre ses doigts crispés à JB, ne réagissant même pas à son clin d'oeil. Non, vraiment, elle se trouvait lamentable. Okay.. Nouveau soupire. Elle se tourna vers la femme, tout en repoussant doucement le militaire à bout de bras, l'éloignant légèrement d'elle. La garde rapprochée, franchement, elle appréciait, mais en tant que psychologue, elle se devait au moins de respecter le secret professionnel. A défaut d'être seule avec sa « patiente », elle pouvait au moins essayer de garder un minimum ce qu'elles allaient se dire pour elle. Aussi, elle se rapprocha du banc, et se plaça juste face à la blonde, jetant un regard en arrière à Talbert pour ne pas qu'il s'inquiète. Elle ne risquait rien, elle allait faire attention. Aussi, elle s'adressa à la femme à voix basse, rassurante au possible. J'imagine que vous avez vos raisons pour avoir agi comme ça.. Mais j'aimerais comprendre de quoi il en retourne. Devant le regard qu'elle lui lança, Léo se reprit rapidement, se mettant accroupie face à elle. Madame, je ne vais pas vous juger. Je suis responsable de votre sécurité, donc vous ne devez pas hésiter à me dire ce qui ne va pas, je pourrais essayer d'arranger ça. Elle lui donna l'impression de se détendre un peu et commença à parler, la voix encore tremblante d'énervement. Des reproches, toujours et encore. Elle ne s'était pas tout à fait calmée. La demoiselle l'écouta attentivement. Il était question du viol d'une mineure par un militaire, du manque de provisions et d'un rationnement insatisfaisant, mais également de proches disparus. Bref, de la guerre. Je sais ce que vous ressentez. Elle tiqua et sembla ne pas en croire un mot. Écoutez, vous avez, quoi, la trentaine ? La vie devant vous. Vous ne devez pas prendre autant de risques en vous attaquant aux personnes en uniforme, même si vous les... Elle se reprit rapidement, espérant que personne n'avait remarqué cette petite erreur. ..Même si vous nous haïssez. Cette histoire aurait pu mal tourner. La blonde fronça les sourcils et la demoiselle respira calmement avant de reprendre. Je sais que la période que vous traversez est difficile, je suis passé par là avant vous.. Un peu de vérité ne faisait pas de mal. Mais si nous voulons tous nous en sortir, il faut rester civilisés, unis. Peut-être allait-elle un peu loin en disant cela ? Enfin, du moment que son discours ne ressemblait pas trop à celui de Raulne, tout allait bien. Vous comprenez ?

C'est le moment que choisi la femme pour éclater en sanglots. Elle était désespérée et cela fit mal au petit cœur de notre militaire en herbe. Léonie posa sa main sur le genou de la femme, mais cette dernière baissa le visage et continua à pleurer. Elle se releva lentement et recula doucement, pas par pas, s'éloignant du banc pour se rapprocher de l'infirmier, sans pour autant quitter des yeux sa patiente. Elle finit par se retourner face à Talbert. Non, vraiment, FACE à Talbert, pour ne pas dire contre Talbert. De ce fait, elle fit tout de même un pas en arrière pour reprendre une distance raisonnable, surveillant le banc par-dessus son épaule. Tu permets ? En fait, il s'agissait plus d'une affirmation que d'une question, puisqu'elle avait déjà la main dans la poche du militaire. En y prenant l'adhésif précédemment, elle avait senti ce qui ressemblait à des mouchoirs. Aussi, elle en prit un, sans même rougir. Tout ceci lui semblait normal et elle était tellement dans son rôle, qu'il ne lui vint même pas à l'esprit de cette situation pouvait être extrêmement gênante pour lui. D'ailleurs, pendant tout ce temps, elle avait gardé les yeux levés vers les siens, soutenant son regard, aussi impassible que possible. Néanmoins, un sourire se glissa sur ses lèvres, alors qu'elle dépliait le kleenex, lui disant d'une voix quasi inaudible. La prochaine fois que tu me protèges sans me demander mon avis, je te préviens, c'est moi qui essaierai de te tuer. Elle lui tourna le dos et retourna au banc. Elle se remit devant la femme, mais resta debout cette fois et lui essuya les yeux tout en continuant à lui parler d'une voix rassurante. N'hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin de parler, je suis là pour ça... Elle marqua une courte pause et reprit. Vous savez ce qu'il vient de se passer ? Vous étiez énervée, nous avons essayé de vous calmer, vous vous êtes débattu et vous m'avez accidentellement frappé. C'était un bête accident, mais, nous allons tout de même vous conduire au poste. Elle releva le visage et tourna le regard vers JB. Elle était comme ça Léonie, même si elle avait eu peur pour son.. ami, oui, disons-le, elle ne pouvait s'empêcher de faire son possible pour préserver les civils. Après tout, dans son esprit, elle en était encore une.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyVen 10 Mai - 1:28

Je fus rapidement écarté de la scène. Je me doutais qu'elle allait finir par le faire, après tout, la règle la plus élémentaire des psychologue était bien d'instaurer une situation plus ou moins intime, et l'intrusion d'un militaire n'aurait pas été du plus bon effet. Bref, je me doutais bien qu'elle le ferait, bien que j'aurais souhaité rester auprès d'elle. Je ne bronchais pas cependant, et reculais de quelques pas pour observer la scène de loin. Prêt à intervenir. Je doutais de la nécessité de le faire, mais savait-on jamais. *Bravo, JB, tu seras un très bon papa-poule plus tard* railla mon cerveau. Le faisant taire rapidement, je me concentrais sur les cheveux bruns de Léonie, les bras toujours croisés, attendant patiemment. J'aurais pu rester dans cette position pendant des heures sans ressentir la moindre gêne, habitude de l'armée oblige. J'aurais donc pu trouver le temps long, mais je ne cherchais pas non plus à écouter ce qu'elles se disaient. L'autre commença à éclater en sanglot, me tirant un mince sourire. C'était plutôt bon signe si elle abandonnait son agressivité. Léonie recula pas à pas dans ma direction, jusqu'à se cogner littéralement contre moi.

Elle me regarda, et je lui rendis un sourire légèrement amusé alors qu'elle prenait dans ma poche un mouchoir, jusqu'à ce qu'elle murmure quelque chose si bas que je doutais un instant d'avoir bien entendu. Pas le temps de demander confirmation qu'elle était déjà retournée sur le banc. Je réfléchissais en lui lançant de dos un regard surpris, cherchant à assimiler ce qu'elle venait de me dire. Je dépliais mes bras pour les laisser le long de mon corps, fronçant les sourcils. Etait-ce une quelconque blague ? Une farce ? Ou était-elle sérieuse ? Je secouais la tête en maugréant. Elle ne gagnerait pas à ce jeu-là. Elle ne pourrait pas m'empêcher de la sauver. Peut-être que si elle n'avait pas été elle, mais quelqu'un d'autre, j'aurais pris ses paroles au premier degré, et me serais braqué. On ne me menace pas sans que je ne fasse rien. Mais peut-être y avait-il quelque chose au-delà : peut-être n'aimait-elle vraiment pas que je me mette en danger pour elle, et qu'elle n'avait rien trouvé de mieux pour me le faire comprendre. C'était peut-être tiré par les cheveux, mais j'espérais bien que ce soit le cas. Parce que ça ne m'amusait pas plus que cela de prendre une balle pour elle, mais je croyais sincèrement que certaines choses valaient la peine qu'on se batte pour elles. Léonie en faisait partie, du moins pour moi.

Celle-ci se retourna de nouveau vers moi, et je lui rendis un regard impassible. Pas question de lui laisser voir que sa phrase m'avait troublé. J'acquiesçais silencieusement, et relevais la jeune femme pour la conduire au Poste. Tout comme l'hôpital, le Centre de Gendarmerie était largement débordé, mais ils avaient des places libres néanmoins pour qu'elle puisse se calmer dans une cellule. Tout dépendrait ensuite bien sûr de la façon dont on présenterait les choses au flic de garde : elle pourrait éviter la garde-à-vue, après tout. Ce qui serait peut-être mieux pour tout le monde, et surtout pour elle. Du point de vue opposé, elle avait frappé Léonie, nous avait menacé… Et méritait donc une petite punition. Oh, quoi que je décide de dire à l'officier, elle n'aurait pas de sanction très lourde, elle n'avait rien fait d'extrêmement grave, mais tout de même. Elle aurait pu. Je marchais à côté de Léonie, la femme avançant un pas en avant de nous, guidée par ma main entre ses reins qui lui indiquait où aller. La marche se fit en silence. Il n'y avait pas grand-monde dans les rues, et c'était tout à notre avantage. Je cherchais quelque chose à dire, en vain. Même pas une petite répartie concernant ses derniers mots à mon égard.

Nous marchions tranquillement, pas trop vite. Nous n'étions pas pressés, après tout. Je cherchais toujours quelque chose à dire. Sans trouver quoi. Je n'allais tout de même pas m'excuser de l'avoir protégée, si ? Le Poste arriva bientôt en vue, coupant court à mes pensées, et nous y entrâmes dans un silence de mort, quasi-religieux. A l'instar des rues, il régnait une ambiance plutôt calme et j'avançais vers le brigadier de service pour lui présenter la civile.


- Bonjour, brigadier. Cette civile aurait bien besoin d'un peu de calme pour reprendre ses esprits et le contrôle de ses nerfs. Elle a parlé avec notre psychologue, la Cadette Leroy, là, dis-je en désignant Léonie d'un signe de tête. Elle est un peu hystérique, vous pourriez garder un oeil sur elle une heure ou deux ?


Il acquiesça et fit signe à un gendarme de venir la détacher et l'asseoir sur un des nombreux bancs qui composaient la salle d'attente. Il me demanda ensuite des renseignements pratiques, auxquels je ne sus pas répondre puisque je ne la connaissais pas. Il me demanda enfin si elle avait été violente d'une quelconque manière avec nous, afin de décider du nombre d'heures de détention. Là, j'hésitais. Si je disais la vérité, elle serait gardée plus de temps que nécessaire, et en sortirait peut-être avec une rage encore plus grande. Léonie l'avait calmée, non ? L'officier me relança et je fis semblant de n'avoir pas entendu. Il répéta sa question, je jetais un oeil vers Léonie, avant de répondre enfin.


- Non. Pas du tout, mentis-je. Elle a failli l'être envers elle-même, d'où le fait que je vous demande de la garder un peu à l'oeil. Mais c'est tout. La psy l'a bien suivi, il ne devrait pas y avoir de séquelles, ni de suites.


L'autre acquiesça, et je me retournais vers la sortie. Je sortis à l'air libre et m'asseyais sur le rebord de la rampe des escaliers menant à la Gendarmerie, attendant que Léonie passe à ma hauteur. Il fallait que je brise le silence, sinon c'était foutu je n'oserais plus parler. Je posais mon arme sur les genoux, et m'éclaircis la gorge.


- Hé, doc. Ecoute, Léonie, ça t'as peut-être pas plu que je me mette devant toi, mais si c'était à refaire, je le referais. C'est pas parce que je te crois faible. C'est pas non plus parce que je veux que tu survives, toi en particulier. Enfin, pas totalement, ajoutais-je avec un sourire. C'est juste que parce qu'à l'Armée, on prend soin les uns des autres. On veille sur son pote, parce que c'est le seul auquel on fera confiance quand les balles commenceront à nous tomber dessus. Je te fais confiance Léonie, et je savais qu'elle raterait sa cible, mais je n'avais quand même pas envie que tu te fasses tirer dessus. Moi au moins j'avais mon gilet pare-balle.


Je marquais une pause, prenant une gorgée à ma bouteille d'eau. Le soleil se levait timidement dans les nuages gris, ses rayons nous éclairant brièvement. Il faisait froid.


- La guerre, c'est pas une question d'avis. C'est une question de réflexes. Mon réflexe, c'est de sauter hors de mon trou pour aller chercher les blessés qui peuvent pas y aller. Mon réflexe, c'est de vous protéger, alors, tu ferais mieux de te préparer tout de suite à essayer de me tuer, parce que je te demanderai pas ton avis la prochaine fois. Je ne le ferais même pas exprès. Je fais pas ça pour t'embêter. Il arrive un moment, où ton corps réponds à ce qui est demandé, sans demander son avis à ta tête. A ce moment, je ne perds pas mon temps pour savoir si ça te plaît ou non que je te sauve. Je suis désolé, mais c'est comme ça. Et c'est d'ailleurs bien la première fois qu'on me menace pour plus que je vienne les protéger, ajoutais-je sur un petit rire.


Je n'avais pas grand-chose à ajouter. Ça me faisait bizarrement mal de penser qu'elle pouvait être mécontente que je me sois interposée. Déjà parce que je n'aimais pas l'idée que cela ait pu mettre un froid entre nous, mais en plus parce que je pensais bien faire. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle se répande en remerciements incessants, mais en tous cas, certainement pas à la réaction qu'elle avait eu. Je faisais peut-être tout un plat pour pas grand-chose, mais ça me mettait mal à l'aise. Ça me donnait l'impression d'avoir mal agi, alors que dans tous les scénarios que je pouvais imaginer dans ma tête, j'avais à chaque fois la même réaction : celle de la protéger, coûte que coûte.

Impossible d'imaginer la chose autrement. Je ne concevais même pas l'idée que je me sois écarté pour la laisser seule face à l'arme de la furie. Non, non, non. Ça c'était hors de question. Absolument hors de question. J'avais déjà suffisamment de fantômes dans la tête sans que celui de Léonie vienne s'y ajouter.


- Et puis, j'aurais fait comment pour vivre avec ça si je l'avais laissé te tirer dessus…? murmurais-je à voix basse. J'aurais pas pu. Je peux pas. Désolé, Léo, je peux pas. Tu es simplement foutrement trop importante pour mo.. pour nous. C'est comme ça.


Mince à la fin ! Je ne pouvais pas accepter l'idée qu'elle puisse partir comme ça. Non, ça m'horrifiait. Pire : ça me consumait, cette simple petite idée. Je secouais de nouveau la tête en regardant mes mains gantées, imaginant ce qu'elles auraient été si elles étaient en ce moment couvertes du sang de Léonie que j'aurais failli à protéger. Elles se mirent à trembler légèrement, presque imperceptiblement, mais ça n'était pas à cause du froid.

HJ:
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyVen 10 Mai - 12:14

A quel moment se rendit-elle compte qu'elle avait merdé ? A peu près au moment où elle croisait son regard, c'est-à-dire bien avant qu'ils arrivent jusqu'au poste de gendarmerie. Pas un regard méchant, non, mais il lui avait collé un frisson. Non, elle n'était pas vexée qu'il l'ait protégé, mais oui, ça l'avait embêté. Pourquoi ? Parce que c'était un militaire ! Voilà, vous commencez à comprendre, non ? Enfin. Elle poussa un imperceptible soupire et commença à marcher à côté de l'infirmier. Il fallait avant tout régler le problème de la blonde peroxydée avant de s'écraser et de s'excuser pour tout ce qu'elle avait pu faire de travers aujourd'hui. En gros: l'ensemble de ce qu'elle avait fait. Elle le regarda du coin de l’œil puis fini par de détourner complètement de lui pour surveiller les rues qu'ils empruntaient. Quasiment désertes, cela la rassura légèrement. Du moment qu'un autre civil ne se jetait pas sur eux, tout allait bien. Enfin, presque. Nouveau regard en direction de Talbert et toujours ce silence gênant, pesant. Elle n'arrivait pas à trouver quelque chose à dire. Ne serait-ce qu'un mot. Un « merci » ou un « désolée » par exemple. Mais les mots se perdaient dans sa gorge nouée et aucun son ne parvenait à franchir la barrière de ses lèvres. Elle dû se résoudre à marcher en silence, le temps d'arriver au poste. Le plus long trajet de toute sa vie.

Elle laissa Talbert engager la conversation. Après tout, il était en quelque sorte son supérieur, n'est-ce pas ? C'était à lui de prendre les devants, aussi elle resta en retrait, une main posée sur l'épaule de la femme, se voulant rassurante. C'est avec un pincement au cœur qu'elle laissa le gendarme s'occuper de sa patiente. A partir de maintenant, elle ne pouvait plus intervenir. Enfin, elle se consolait en sachant bien que la civile ne risquait rien de bien méchant. Le gendarme posa une question à laquelle JB ne su répondre. C'est à peu près le seul moment où Léonie reprit parole. Des antécédents familiaux, je crois. Elle ne m'a rien dit de plus. Voilà, intervention inutile et ridicule, encore une fois. Elle enchaînait les bourdes. C'était rageant, vraiment. Quand il demanda si elle avait été violente, comme une piqûre de rappel, la demoiselle eut l'impression que sa joue la brûlait. Même si, en vérité, plus rien n'était visible. Elle rendit donc son regard à JB et fut soulagée qu'il mente pour préserver la pauvre civile. Sur le moment elle aurait voulu lui sauter au cou pour le remercier, mais n'en fit rien et resta bien sagement à sa place. Finalement, elle jeta un dernier regard à la blonde et fini par sortir à son tour. Elle s'arrêta net quand il l'interpella et, s'appuya sur la rambarde en face de lui, soutenant son regard et l'écoutant en silence.

Toute cette histoire de confiance, d'amitié au sein de l'armée, de protéger ses camarades. Elle se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de lui hurler à la figure que, non, il ne pouvait pas lui faire confiance. C'était pourtant clair ! Elle finirait par se retourner contre lui, contre eux tous, alors, non, elle ne voulait pas qu'il s'attache à elle ou se donne pour mission de la protéger ou je-ne-sais-quoi. Elle avait d'ailleurs de moins en moins envie d'agir. A cause de lui. Ou peut-être grâce à lui. Elle baissa le regard alors qu'il continuait. Comme une enfant en train de se faire disputer pour une bêtise qu'elle n'aurait pas fait. C'est qu'elle donnait presque l'illusion d'être totalement innocente la demoiselle.

Elle se sentit blessée par ses paroles. Inconsciemment. Il abordait le sujet de la guerre comme si c'était normal pour lui. Comment ça, ça l'était ? Justement. Il ne semblait pas faire la différence entre n'importe quel autre militaire et elle. Ou plutôt, si, il la faisait. C'était ça le problème. Ou pas ? Rah. Léonie se perdait dans ses pensées, impossible de remettre en ordre son pauvre petit esprit. Elle ne réagit même pas au léger éclat de rire du militaire. Non, vraiment, elle n'avait plus envie de rire.

Ce qui la marqua le plus fut la fin de son petit discours. Elle releva le nez vers lui et l'observa fixement, pas certaine de bien avoir entendu. « Importante pour » lui ? Eux ? Il avait hésité. Il avait commencé à dire autre chose et s'était reprit juste à temps. Trop tard pour échapper à la demoiselle, certes, mais voilà. Le fait est qu'il allait dire encore autre chose. Elle laissa un court silence s'installer et le dévisagea. Finalement, elle soupira et fit un pas dans sa direction. Inspirant profondément, elle détourna le regard vers la rue. T'es un idiot, Talbert. Silence. Elle soutint son regard et fit un nouveau pas dans sa direction, assez rapidement, pour l'empêcher de se braquer ou de se barrer, tout simplement. Et tu sais pourquoi ? Voilà, elle se trouvait juste devant lui, sourcils froncés, air en colère, saisissant le col du militaire entre ses doigts crispés. Mais en vérité, sa voix tremblait, trahissant sa gêne et sa peine. Parce que j'ai eu peur que le coup parte p*tin ! J'ai eu peur qu'elle appuie sur la gâchette ! J'ai. Eu. Peur. Pour. TOI. Elle se tenait maintenant sur la pointe des pieds pour se grandir un peu et soutenir son regard sans qu'il ait à baisser le visage vers elle. Tu n'comprends pas ?! Elle lui prit les mains. Je ne veux pas que tu te mettes en danger pour moi. C'est c*n, je sais. Tu as l'habitude de tout ça et je devrais te faire confiance, savoir que tu peux gérer ce genre de situation, mais... Elle le lâcha, fit un pas en arrière et se massa la tempe pour se forcer à baisser le ton. Un passant la regarda de travers, elle lui rendit son regard. Elle poussa un nouveau soupire. Encore une fois, elle se trouvait ridicule.

Elle inspira calmement et laissa ses bras retomber le long de son corps, avant de reprendre, doucement. ...Tu es le médecin. Sans aucun doute le gars le plus précieux de toute la bande. Celui pour qui j'ai le plus d'estime. Alors que tu te mettes en danger pour des gens comme Raulne ou comme moi, non, je suis désolée, je ne peux pas l'accepter. Elle glissa les mains dans ses poches. Je sais que c'est ton boulot de faire ça, mais je ne peux pas me résoudre à.. Enfin, tu... Bien, bien, bien. Elle se trouvait donc dans une impasse. Elle venait d'ailleurs de se mettre seule dans cette galère, s'embrouillant dans ses explications à deux balles. J'ai pas été foutue de t'aider, tout à l'heure. J'en suis désolée, vraiment. Elle haussa les épaules, évitant de croiser son regard au maximum. Je n'ai même pas réussi à faire correctement ce que je devais... J'ai.. Tout foiré ? C'était à peu près ça. Autant l'entretien avec le militaire que celui avec la femme blonde. Sentant les larmes monter à ses yeux -sans doute encore secouée par l'attaque de la civile et son incapacité à gérer la situation-, elle fit un nouveau pas en arrière. J'suis désolée. Pour à peu près tout, en fait. Pour Max, pour Alice, pour ses parents, pour la blonde, pour JB. Elle n'attendit aucune réponse et lui tourna le dos, rabattant sa capuche sur son crâne, avant de s'éloigner le plus vite possible de l'infirmier et du poste de police. Elle marchait rapidement, ses yeux embués de larmes rivés vers le sol. Elle ne savait même pas s'il l'avait suivi ou non et franchement, sur le moment, elle espérait que non, qu'il était resté là où il était. Qu'il se fichait d'elle. Elle tourna à la première rue à droite et, à peine fut elle hors de son champ de vision qu'elle appuya son dos contre le mur d'une habitation et cacha son visage dans ses mains pour se mettre à pleurer en silence. Elle était nulle, lamentable. Elle se haïssait.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptySam 11 Mai - 0:05

Elle aurait pu ne rien dire, tourner les talons, et partir. J'aurais eu la confirmation que je l'avais vraiment énervée en la protégeant, et il y avait de fortes chances pour qu'on en reste là. Mais non, elle s'avança finalement vers moi, me traitant d'entrée de jeu d'idiot, ce qui me tira un mince sourire, malgré tout. Sourire qui disparut bien vite quand elle se rapprochât de moi, me prenant soudainement par le col. Ma première réaction aurait été de l'en empêcher. En tant que militaire, se faire agripper ainsi était rarement une bonne nouvelle. Mais je résistais, essayant de garder mes mains posées sur la rambarde, soutenant son regard, essayant de ne pas paraître trop surpris. Ma tête refusa de réfléchir sur ce qu'elle dit ensuite. Refusa de comprendre. Mon coeur rata un battement. Elle me prit les mains dans les siennes, et je ne cherchais même pas à l'en empêcher. Ou plutôt, je ne réfléchis même pas si je devais l'en empêcher ou non. Ma seule consolation était qu'elle était globalement dans le même état d'incertitude que moi. Ses yeux semblaient prêt à déverser ses larmes alors qu'elle tournait finalement les talons sur des excuses, avant de disparaître rapidement de mon champs de vision.

Et moi, comme le parfait idiot qu'elle venait d'appeler, je ne bougeais pas. Je restais là, immobile, cherchant à reprendre un cours de pensée normal. J'avais peut-être envisagé l'éventualité où elle aurait vraiment eu peur que je me prenne une balle à sa place, mais je n'y avais pas cru. De base, j'étais parti sur l'idée qu'elle était en rogne que je la considère comme un point faible de l'équipe. Bref, j'avais tablé, et maintenant que j'avais perdu, je ne savais plus trop comment réagir. Que pouvais-je bien lui dire ? "Tout ira bien, je ne me ferais jamais tirer dessus" ? Ça aurait été un mensonge, et un bien gros. C'était triste à dire, mais les infirmiers étaient souvent les premières cibles. Des cibles idéales, même. C'était comme si je me retrouvais piégé : je ne pouvais pas lui promettre que je ne ferais rien pour l'aider quelle que soit la situation, et d'un autre côté, elle voulait à tout prix que je ne bouge pas le petit doigt. Et c'était hors de question que je ne fasse rien. Pas qu'une question de volonté, c'était tout ce qui me constituait que de porter secours à mes potes tombés sous les tirs. Je ne pouvais pas renier une grande partie de ma nature même… Ce que j'avais du mal à comprendre, c'était bien pourquoi elle ne voulait pas que je la protège. Puisqu'apparemment, ça n'était pas parce qu'elle pensait que je pourrais la trouver faible. Peut-être qu'elle ne voulait pas bénéficier d'un traitement de faveur pour être comme les autres. Ou peut-être que ça venait de moi. De ce que j'avais dit. De ce que je lui avais confié sur ce que je pensais d'elle. Peut-être que j'avais pu l'effrayer en lui disant qu'elle représentait l'avenir, et ça se comprenait aisément.

Peut-être qu'au fond ça n'avait pas d'importance. Peut-être que ce qui importait, c'était juste le fait qu'elle soit partie. *M*rde, Léonie !* Je jurais intérieurement et extérieurement en me remettant sur pied, fusil d'assaut dans les mains pour courir dans la direction qu'elle avait prise, mon regard fouillant implacablement les rues, dévisageant les passants comme s'ils pouvaient m'apporter une réponse. Je faillis ne pas la voir. Son visage dissimulé entre ses mains et sa capuche, assise contre le mur ainsi, elle aurait presque pu passer pour quelqu'un d'autre… Si sa démarche n'était pas aussi reconnaissable. Je m'arrêtais en face d'elle, constatant les larmes, désemparé sur l'attitude à adopter. J'avançais lentement vers elle, passant mon arme dans mon dos, et retirant mon casque pour l'accrocher dans mon paquetage. Je me baissais pour être à la hauteur de son visage.


- Léonie, murmurais-je, incertain. Je lui posais une main sur l'épaule, maladroit. Hey.. Ne pleure pas.. Allons… J'étais nul. Léonie… Ça.. ça va aller… Dans le genre des plus nuls en matière de réconfort. Je mériterais un Oscar. Pleure pas.. Je finis par la prendre dans mes bras, gauchement, incapable de réfléchir à la meilleure position à adopter. Je m'assis à côté d'elle, passant un bras sur ses épaules et la rapprochant de moi, je sortis un mouchoir en tissu où était brodées mes initiales pour le lui tendre. Tiens. Je ne savais pas quoi ajouter. J'étais le pire réconfort de toute la Terre entière, sûrement depuis les débuts de l'Homme.


Là, c'était le moment où je parlais, où j'étais censé lui dire que tout irait bien, que le soleil brillerait toujours, et tout, mais je ne savais pas le faire. La majeure partie de ma vie, j'avais connu des batailles, et la solitude après. On ne m'avait jamais formé à apporter du réconfort. On ne me l'avait jamais reproché, parce que les seuls auxquels j'aurais pu, ou j'avais essayé d'en donner, étaient les mourants sur le champs de bataille. Et généralement, ils étaient foutus. Alors, non, je n'apportais généralement aucun réconfort, à personne. Et voilà que je me retrouvais dans une ruelle d'une petite ville Française, à essayer tant bien que mal de consoler une personne importante à mes yeux, tout en ne sachant absolument pas par où commencer. Un beau parleur aurait pu trouver quelques petites phrases bien placées, mais je n'en étais pas un, loin de là. Mais je ne pouvais pas non plus ne rien dire, ne rien faire, et surtout, je ne devais pas laisser ce silence s'installer.


- Hum. *Belle entrée en matière* pensais-je. Léonie, je veux que tu saches qu'il n'y a absolument rien que tu aies fait, ou pas fait, pour laquelle tu puisses te sentir désolée. Maîtriser la fille, c'était mon domaine. La calmer, c'était le tien, et tu t'en es admirablement bien tirée. N'oublie pas que tu es jeune : tu ne peux pas tout faire, et tu ne dois surtout pas t'en vouloir pour ça. Ça n'est pas une faiblesse que de ne pas tout maîtriser à la perfection. Au contraire. Ça te permet de t'améliorer. Je marquais une pause. Je faisais ça tellement mal que ça me dégoûtait. Léo, si je t'ai protégé, c'est… Je respirais profondément. Tu le sais déjà, mais c'est plus que simplement parce que c'est mon métier. Le truc, c'est que c'est pas non plus uniquement parce que je crois en toi. Nouvelle pause, plus longue. Je n'arrivais pas à réfléchir à ma phrase suivante, c'était comme si je parlais sans savoir ce que je voulais dire. Et c'était pas bon, parce que ça pouvait m'amener à parler sans tourner mes pensées sept fois dans ma bouche. C'est, aussi… Quand elle a pointé mon pistolet sur toi, c'était pas pareil que quand un pote se fait viser. J'ai ressenti le même stress, bien sûr, mais… Mais pas que. Ecoute, tu comptes beaucoup pour moi. Parce que tu t'en es peut-être pas rendu compte, mais une séance, en une seule séance de psychologie, qui n'a même pas duré une heure… Hé bien, tu m'as fait redécouvrir qui j'étais. Pourquoi je me battais. Et maintenant, que tu le veuilles ou non, tu fais partie des gens qui me donnent la force de continuer. De sortir de ma cachette pour aller chercher les blessés. De continuer à être ce que je suis. Et pour ça Léonie, je ne pourrais jamais assez te remercier.


Je me tus enfin. Je n'avais plus rien à ajouter. Je pouvais très bien imaginer l'estime qu'elle semblait me porter chuter dangereusement. Je n'avais pas d'autres choix que de le lui dire cependant, cela pourrait lui faire comprendre pourquoi je faisais ce que je faisais. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle l'accepte, mais peut-être qu'elle pourrait juste comprendre. Comprendre que quoi qu'il arrive, je ne la laisserai jamais tomber. Je ne la lâcherais pas, quitte à tomber avec elle. Par sa gentillesse, son caractère pétillant, sa façon d'être, elle, tout simplement, elle méritait que je sois prêt à l'aider en toutes circonstances. Elle était devenue une raison de vivre, rien de moins.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptySam 11 Mai - 11:26

Les larmes roulaient, glissaient le long de ses joues rougies sans qu'elle ne parvienne à les retenir. Elle avait d'ailleurs fini par se laisser lentement tomber jusqu'au sol, reposant son dos contre le mur. L'image qu'elle pouvait donner, ainsi installée, franchement, elle s'en fichait. Les passants pouvaient bien lui cracher dessus, la piétiner, lui jeter des regards qui faisaient froid dans le dos. Qu'importe. Elle n'avait même plus l'envie de relever le visage pour voir si elle était seule dans cette petite rue. Un courant d'air glacé s'engouffra dans d'ailleurs dans cette dernière et malgré la capuche, malgré l'eau salée sur ses joues, Léonie frissonna. Quelqu'un lui aurait demandé ce qu'elle voulait maintenant, elle l'aurait envoyé balader d'un coup de poing dans la face. Elle voulait rentrer chez elle. Elle n'en pouvait plus d'être aussi lunatique, instable dans ses émotions, depuis une semaine. C'est alors qu'elle l'entendit. Ses pas pressés s'approchant. Elle releva vaguement le regard. En fait, elle reconnu ses rangers. Il restait de la poussière de s'être défendu contre la civile précédemment. Il fit quelques pas dans sa direction. Elle aurait voulu lui dire de partir, juste de la laisser tranquille. Elle était comme ça, la demoiselle brune, un peu sauvage, rejetant l'aide des autres pour ne jamais avoir à leur rendre la pareille en sachant pertinemment qu'elle n'y parviendrait pas.

Il dit son prénom une première fois, elle lui répondait un « dégage » complètement inaudible. Elle-même doutait de n'avoir ne serait-ce qu'essayé de le prononcer. Fuyant son regard, elle préféra baisser les yeux, baisser le visage et faire comme s'il n'était pas là, mal à l'aise. Mais comment réussir à l'ignorer alors qu'il tentait d'être présent pour elle ? Comment ignorer la main posée sur son épaule ? C'était tout simplement impossible. Elle ferma les yeux et serra les dents, s'insultant mentalement d'idiote. Il était là, à la rassurer -maladroitement, certes, mais tout de même- et elle ne parvenait même pas à le remercier pour ça. Elle s'était dit que sa capuche allait être une sorte de cocon protecteur contre l'extérieur, mais en fait, elle se trompait. Cela n'empêchait pas les paroles prononcées par le militaire d'arriver jusqu'à ses oreilles. Cela ne l'empêchait pas, non, plus, d'être touchée par ce qu'il lui demandait. Peut-être qu'en s'arrêtant là, oui, elle aurait fini par ne plus pleurer, mais il la prit dans ses bras. Vous connaissez ce moment où, dès que quelqu'un vous enlace pour vous consoler, vous vous mettez à pleurer sans pouvoir vous contrôler ? Eh bien voilà. Elle su immédiatement que c'était foutu de son côté : les larmes allaient continuer à ruisseler sur sa peau pâle sans qu'elle ne puisse les arrêter.

Elle le regarda du coin de l’œil s'asseoir à ses côtés. A vrai dire, plus les secondes s'écoulaient, moins elle avait envie de le virer. Au contraire, quand il l'attira à lui, elle ne lutta pas, appuyant sa tête contre son épaule. Elle prit d'ailleurs le mouchoir brodé qu'il lui tendait et le regarda sans oser l'utiliser pour s'essuyer les yeux, écoutant d'une oreille toujours attentive ce qu'il commençait à lui dire. Il avait beau essayer de la rassurer là-dessus, il ne pourrait pas l'empêcher de se sentir coupable de ce qu'il venait d'arriver. Oui, elle avait fait des erreurs et, quant à savoir si elle allait en tirer une leçon quelconque, elle n'en était pas encore certaine. Elle soupira, encore tremblante et secouée par quelques sanglots. Par contre, la suite, n'importe qui aurait voulu que ça lui soit adressé. C'était le genre de discours qui vous forçait à retenir votre respiration, à la fois heureux et inquiet de ce qui allait suivre. L'appréhension se mêlait à la joie de se savoir si « efficace » dirons-nous. Non, en fait, il avait réussi à dire exactement ce qu'il fallait, même si elle tentait de le dissimuler. D'ailleurs, ses joues s'étaient empourprées, ce qui était bien un signe de la justesse de ses paroles, n'est-ce pas ? Peut-être que par la suite, la psychologue ne serait plus uniquement connue pour son jeune âge et le fait d'être une femme, mais aussi et surtout pour l'excellent travail qu'elle fournissait pour le régiment. Décidément, il n'y avait rien à y redire, Talbert était parfait pour réconforter. Le pire, s'était qu'il ne le savait sans doute même pas.

En parlant de ça, elle ne pouvait pas, ne rien répondre, ne rien faire. C'était si adorable qu'un moment, elle se demanda même si ses larmes n'étaient pas plus des larmes de joie qu'autre chose. Elle gardait son mouchoir serré entre ses doigts, puis fini par se décider et, se tourna vers lui, à genoux sur le sol. En quelques secondes, elle passait ses bras autour de son cou et dissimulait son visage dans le creux de ce dernier, le serrant contre elle. Merci... Démonstrative de l'affection qu'elle portait aux gens, jamais elle n'aurait pu s'imaginer enlacer ainsi un militaire, même s'il s'agissait de l'infirmier. Elle su maintenant que chaque combat, chaque bataille serait une torture pour l'un comme pour l'autre. Il faudrait continuer à faire ce qu'ils devaient sans laisser voir son inquiétude quant à savoir ce que devenait celui que l'on avait perdu de vue. Encore une épreuve à traverser. Sans doute plus d'une. Léo ne pleurait plus, rassurée par le parfum du jeune adulte, soulagée de le sentir contre lui. Tout allait bien, n'est-ce pas ? Il était vivant, ne s'était prit aucune balle, avait même, d'après ses dires, retrouvé une certaine raison de faire ce qu'il faisait, à savoir sauver des vies. Franchement, que demander de plus.

En fait, il y avait des centaines de choses à demander de plus : que la guerre s'arrête pour qu'il ne soit plus en danger, que quelqu'un d'autre qu'elle lui dise à quel point ce qu'il faisait était fantastique. Quelqu'un d'autre. Sa famille ? Son cœur se serra et, la gorge nouée, elle fini par le lui demander. Tu n'as pas une femme et des enfants, qui t'attendent, quelque part ? Tu n'as pas envie de rentrer chez toi ?... Elle ferma les yeux, le gardant contre elle, encore un peu. C'est vrai, elle considérait qu'était seule ici, tout le monde était dans le même cas, plus ou moins. Elle n'avait pas pensé.. aux autres. Juste de te tirer d'ici... Elle se détacha enfin de lui et essuya ses yeux du revers de sa manche. Son regard se portait vers l'uniforme du militaire. Sans le vouloir, elle laissait paraître sur son visage que cela la dérangeait. Léonie était vraiment la seule capable de se mettre dans des situations pareilles. Un passant tourna dans la ruelle, les vit, s'arrêta net et fit immédiatement demi-tour. Cette interruption fit presque sursauter la jeune femme qui, se rendant compte de l'aspect gênant de la situation, se releva doucement, avant de tendre une main encore tremblante à son ami pour l'aider à se relever. Elle n'attendait aucune réponse à ses questions, elle n'était même pas certaine d'en vouloir. Non, en fait, elle n'en voulait pas. S'il lui répondait que oui, elle se sentirait coupable d'avoir agi ainsi. S'il lui disait que non, elle aurait regretté le lui avoir demandé. C'était douloureux pour tout de le monde de se retrouver seul, elle le savait mieux que quiconque. Enfin, elle pensait le savoir.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptySam 11 Mai - 20:44

Elle ne m'avait pas rejeté, et je n'avais pas non plus reçu une gifle. Je supposais que c'était déjà pas mal, jusqu'à ce qu'elle se laisse aller contre moi, posant sa tête sur mon épaule. Oh, je ne la repoussais pas, loin de là, mais le contact soudain était… Inhabituel. C'était le meilleur mot que je pouvais trouver pour le décrire. Mais pas désagréable. Plutôt confortant, bien que ce soit moi qui soit censé avoir ce rôle envers elle. Je pourrais bien m'y habituer encore une fois, ça procurait un sentiment étrange que de savoir que quelqu'un se reposait -ici, au sens propre comme figuré- sur vous. Elle continuait de pleurer par contre, et lorsqu'elle se releva sur les genoux pour venir m'enlacer, je restais un instant totalement stupéfait. Pas de ce qu'elle venait de faire, non, de ce que moi j'avais fait en réflexe pur, sans que mes bras n'aient rien demandé à mon cerveau, la prenant dans mes bras pour lui tapoter le dos. Sa tête ainsi placée je pouvais respirer son odeur, humant le parfum qui se dégageait de ses cheveux, prenant distraitement une mèche brune pour la faire jouer entre mes doigts. Je l'écoutais ensuite me demander si je n'avais pas de la famille qui m'attendait quelque part, et je réfléchis sérieusement à la question.

Si pour la femme et les enfants, la question était vite résolue, la question de mon chez moi avait de quoi me tarauder. J'avais une famille, certes, une famille bien étendue, mais je n'y avais plus pensé depuis les premiers jours du conflit. Si ce n'était depuis le premier jour tout court. Depuis que les communications avaient plantés, je n'avais jamais exprimé le désir d'aller les rejoindre, ou de les retrouver d'une quelconque manière. Peut-être que je leur reprochais toujours le fait qu'ils n'aient pas pleuré dignement la mort de ma soeur, cet être d'exception, fauchée par un motard le jour du nouvel an. Je m'étais souvent recueilli sur sa tombe, mais j'étais bien le seul. Mon père pensait qu'il fallait avancer, et ma mère l'avait suivi. Ils l'avaient oublié. Ils avaient tourné la page. Pas moi. Je n'avais pas su. Oh, j'étais loin de les détester, ils constituaient malgré tout une famille aimante, mais ils ne me manquaient pas. Comme si je savais que si je les retrouvais, ils auraient tourné la page pour moi aussi. Comme si je savais que rien ne m'attendait, nul part sur cette Terre.

Ce qui s'était rapproché le plus d'une seconde famille avait été bien sûr l'Armée. Mon escouade, notre sergent, et mes potes. Et je les avais tous laissé là-bas, en Afghanistan. Je les avais perdu. Ma seconde escouade aussi, au tout début de ce conflit, comme si je portais la poisse, que j'étais maudit. Que les gens auxquels je tenais le plus finissaient par mourir. Un civil débarqua avant que je ne puisse répondre, et je fronçais les sourcils en sentant Léonie s'éloigner, me retenant de l'en empêcher. J'acceptais la main tendue en songeant que la sentir contre moi était beaucoup plus agréable que ce que j'avais pu penser en premier lieu. Je me relevais donc, maudissant intérieurement ce civil, avant d'adresser un sourire à Léonie.

- Non, pas de femme, ni d'enfant. J'y ai jamais vraiment pensé, du moins, pas… Enfin, pas… Je ne trouvais plus mes mots. Enfin, si. Je les trouvais. Je les trouvais trop bien. Mais je refusais de les dire. Je ne pouvais pas me résoudre à continuer à dire : "pas jusqu'à maintenant". Pourquoi ? Je n'en savais rien. Enfin bref. Je m'étais toujours dit que tant que je serais dans l'Armée, valait mieux éviter. J'aimerais pas ne pas être disponible à chaque instant pour ma famille, tu vois ? Et j'aimerais pas non plus que mes éventuels enfants finissent orphelins. Quand à chez moi… Il n'y a personne qui m'attendent où que ce soit. La seule personne qui comptait vraiment pour moi, m soeur, précisais-je sans trop savoir pourquoi, est… Je séchais. Ça n'était qu'un petit mot, que j'utilisais souvent, mais je m'aperçus que c'était la première fois que je devais qualifier ma soeur ainsi. Jamais auparavant on ne me l'avait demandé, je n'avais donc jamais à énoncer à haute voix le sort de ma soeur. Je pris une inspiration. Je l'avais dit tellement de fois, ce mot, qu'il ne devrait plus m'atteindre, non ? Elle est… J'avalais ma salive en fixant le mur. *Allez, JB. T'es ridicule, là.* Je me forçais à regarder Léonie dans les yeux, toute trace de sourire disparue, la main droite légèrement agitée de tremblements. J'inspirais en soutenant son regard, et elle me donna la force nécessaire à ce que je termine. Elle est morte. Il y a longtemps. Je sais même pas pourquoi j'en fais encore tout un plat, dis-je en essayant de sourire, le tout formant quelque chose d'assez pitoyable. Je respirai profondément, comme si je venais de courir. Fallait que je change de sujet, et rapidement. Et toi ? demandais-je avec toute la répartie du monde. J'imagine que quelqu'un d'aussi adorable que toi a une centaine de prétendants, non ? C'était idiot de demander ça, puisqu'elle était venue ici seule. Mais je n'avais rien trouvé de mieux pour essayer de changer de sujet.

J'avais toujours été comme ça, quand il s'agissait d'aborder un sujet un peu sensible, j'essayais de faire en sorte de parler d'autre chose, et généralement je m'y prenais de la pire des façons. On aurait pu me parler du décès de la femme d'intel trente secondes avant, qu'on me "force" à vouloir changer de sujet, et je demanderai avec toute l'innocence possible : "Et comment va ta femme ?" Ce qui évidement, ne m'aidait pas. C'était en partie pour ça que j'évitais pas les psy en général. A chaque fois qu'ils approchaient de quelque chose, je bifurquais, cherchais à m'échapper. Ils avaient beau insister que ça n'y changeait rien, je m'obstinais à vouloir parler d'autre chose, et ils abandonnaient. Là, maintenant… C'était un peu différent. C'était de Léonie dont on parlait. Je lui faisais confiance. Si elle le souhaitait vraiment, elle n'aurait pas à insister pour que je lui dise ce qui s'était passé, mais, honnêtement, il n'y avait rien à raconter. Juste l'histoire d'un type ivre qui l'avait eu. C'était tout.

Et puis, il y avait tant de meilleures choses à faire que de ressasser le passé, non ? Profiter de la paix tant qu'elle durait, profiter de la compagnie de Léonie, de la caresse de ses mains, de son caractère adorable et charmeur… *Concentration Talbert !* me morigéna mon cerveau. Oui. Léonie. Son éventuel copain. Son physique à croquer. Baffe mentale. Ses qualités de psychologue. Merci JB. On arrête de rêver debout et on se reconcentre sur la conversation. Je la regardais du coin de l'oeil, avant de le regretter aussitôt, me sentant légèrement m'empourprer. Mais, à peine. Du moins j'espérais. Sinon, je n'aurais plus qu'à remettre mon casque. Concentration. Marcher au hasard, en espérant arriver quelque part. Où, on ne savait pas. Mais ça n'avait pas tant d'importance finalement, on aurait pu aller au bout du monde que ça me gênait pas. A ses côtés, je me sentais grandi. Je me sentais mieux. Je me sentais bien.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptySam 11 Mai - 22:00

Pour tout avouer, elle aussi, maudissait le civil qui venait de les déranger. Parce que, oui, à quoi bon le cacher, elle était bien, dans les bras de l'infirmier. Bien sûr, les bras de n'importe qui auraient été réconfortant, mais ceux-là étaient différents. C'était idiot, elle avait l'impression de le connaître depuis toujours, mais en vérité ne savait quasiment rien de lui, si ce n'est-ce dont il avait accepté de lui parler. Autrement dit, son mal être et ce qu'il pensait d'elle. Cela créait immédiatement un sentiment d'intimité, c'était certain. C'était peut-être ça, le métier de psychologue. Elle allait peut-être ressentir ce genre de sentiments avec tous ses patients ? Elle n'en savait rien, mais plus le temps passait, plus elle commençait à se rendre à l'évidence. Non, Jean-Baptiste était vraiment un patient unique. Alors, il lui répondit, hésita, puis finit par se taire. Pas de femme ? Pas d'enfants ? Ah. Elle eut envie de sauter au plafond, allez, c'était inutile de le cacher. Elle aurait été si mal à l'aise dans le cas contraire, que c'était un véritable soulagement. Oui, enfin, le soulagement était peut-être aussi dans le fait de le savoir... Enfin, voilà quoi. Elle ne parvint d'ailleurs pas à retenir un léger sourire. Qu'elle effaça directement quand il continua à parler, regrettant subitement d'avoir demandé ce genre de choses. Ce qu'il disait... Elle comprenait, oui, elle aurait agi pareil à sa place. Rester au maximum seule pour ne pas prendre le risque de causer de la peine à d'autres au cas où elle venait à mourir au combat. Elle s'imaginait tellement dans ce genre de situation, c'était incroyable. Elle acquiesça d'un signe de tête. Oui, vraiment, elle voyait parfaitement où il voulait en venir. Alors, il commença à parler de sa famille. Et elle eut envie de se frapper, encore une fois.

Ses hésitations, sa manière d'aborder le sujet. Elle su d'entrée de jeu qu'elle était allée trop loin. Qu'elle aurait dû se taire. Cela lui faisait vraiment mal au cœur de le voir dans cet état. Mais, par réflexe sans doute, elle lui saisit la main et soutint son regard. En même temps, elle ne voulait pas le forcer à parler, mais elle savait aussi d'expérience qu'il fallait réussir à dire ces choses-là à haute voix, avant que cela ne vous bouffe totalement. Ainsi, elle apprit que la sœur, de son ami, était morte. Drôle de coïncidence, n'est-ce pas ? Morte, apparemment depuis longtemps. Il lui sourit, autant qu'il le pouvait et elle lui répondit d'un léger sourire, rassurant. Non, elle ne lui demanderait pas plus de détails, elle ne le forcerait pas à cela, il reviendrait vers elle suivant son besoin d'en parler. Je suis désolée, je n'aurais pas dû aborder le sujet. Il changea néanmoins le court de la conversation et elle se mit à rougir. Des centaines de prétendants ? Adorable ? Il allait un peu loin là tout de même ! Elle lâcha sa main et laissa ses bras retomber le long de son corps, réfléchissant avec beaucoup d'attention à sa question -peut-être trop?-. Un seul nom s'imposait à elle à vrai dire. Maxime. Son Maxime, resté là-bas, chez elle. Loin, très loin. Elle lui avait promis d'essayer de renouer le contact une fois arrivée à destination. Elle n'avait pas réussi à le faire. Peut-être la croyait-il morte ? Son cœur se serra à cette pensée. Non, il n'aurait jamais pensé ça. Il la connaissait assez bien pour savoir qu'elle n'était pas du genre à se laisser tuer ainsi. En fait, elle n'en savait rien.

C'était peut-être sa présence, qu'elle avait cherchée entre les bras de Talbert ? Elle refusait de le croire, mais ne pouvait s'empêcher d'y penser. En fait... C'est là qu'elle le vit. Rougir ! Le médecin ! Elle marqua une pause et le dévisagea avant de mettre la main devant sa bouche pour se retenir de rire trop fort. En vain, puisqu'elle détourna le visage pour se cacher. Excuse-moi, mais c'est... Elle mordit sa lèvre inférieure pour s'arrêter de rire. C'est... adorable ! Tout simplement. Respire Léo. Finalement elle inspira et reprit calmement, perdant doucement son sourire, essayant de dissimuler sa joie de l'avoir vu réagir ainsi. En fait, pour te répondre, il y avait bien quelqu'un, mais... Elle se massa la nuque par-dessus sa capuche, cherchant comment exposer cela. C'était flou disons. C'est un ami d'enfance. Enfin, je ne sais pas s'il compte vraiment... Elle ne voulait pas savoir. Max, s'était Max. Impossible à oublier. Le garçon qui lui avait tout appris, son seul point de repère, son seul véritable ami. Dont le visage commençait à devenir flou dans son esprit. Il lui manquait. Elle baissa le visage. C'était peut-être mal approprié d'en parler à JB, non ? Elle releva le visage et lui sourit. Qu'est-ce que tu imaginais, hein ? Je ne suis pas très attirante.. Elle mit les mains sur les hanches et releva le menton, prenant une pose digne des plus grands guerriers. Les hommes préfèrent se battre avec moi plutôt que m'admirer ! Nouveau sourire, elle se passa une main dans les cheveux, laissant sa capuche retomber totalement. La vache, je dis n'importe quoi... Elle tendit son bras vers JB et posa son poing fermé juste sur son torse. Enfin, je suis heureuse de faire équipe avec toi. C'était sincère. Cela valait tous les remerciements du monde.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptySam 11 Mai - 23:51

Elle se moqua -gentiment- de moi, et, loin de m'en offusquer, je ris de bon coeur avec elle. Je renonçais à l'acte puéril de rabattre mon casque sur ma tête, mais, de peu. Je m'arrêtais quand elle s'arrêta, parce que c'était pas drôle de rire tout seul. Et puis, apparemment, elle parlait de quelqu'un qui lui tenait à coeur, et je n'avais brusquement plus du tout envie de rire. Parce que j'en eus un petit pincement au coeur. Tout petit, hein, si petit que je doutais de l'avoir eu. Après tout, c'est pas comme si j'avais des vues sur elle, hein ? Hein ?? Je ne trouvais pas de réponse, me contentant de sourire devant la posture qu'elle prenait. Il manquerait plus qu'elle fasse le Haka pour que je ne retienne pas le rire qui grondait derrière mes lèvres. Elle posa son poing contre mon torse et je fis semblant de parer le coup, en me mettant dans une posture de combat au corps au corps, incapable de faire disparaître ce sourire de mon visage.


- Ravi de t'avoir dans l'équipe, "Ninnie" ! Mais, tu sais comment ça s'passe. Faut passer par le bizutage d'abord. Sinon, c'est pas drôle. Je mimais un coup sur son épaule, l'air de dire : si les hommes préfèrent se battre, montre moi ! Après, je suis pas méchant de ce côté-ci, t'as plutôt de la chance. A l'Ecole de Médecine, on nous avait fait dormir sur des entrailles de grenouilles. Ah, et aussi, on avait eu pas mal de défis à faire dans la piscine, comme passer dans des cerceaux à cinq mètres de profondeur avec une ceinture de plomb accrochée à la taille. Que des petites choses sympa quoi ! Tandis que pour toi, j'ai pensé à un truc bien particulier !


En fait, pas tellement, mais je venais de penser à quelque chose. Comme quoi, on trouve toujours de quoi faire souffrir les autres. Je souris de nouveau en donnant quelques coups, toujours retenus. J'avais jamais particulièrement été bon au corps-à-corps, seules mes notes de tirs me sauvant la mise lors des examens. Je finis par la prendre d'une main par les épaules, rapprochant sa tête de moi pour lui ébouriffer les cheveux.


- Alors, soldat Leroy, votre mission si vous l'acceptez, sera de boire un coup avec moi ! Tu vois, rien de bien méchant… Juste une évaluation de ta résistance à l'alcool ! Le premier qui roule sous la table aura perdu ! Bon, on finira peut-être pas les bouteilles… On en a besoin comme désinfectant, mais bon, si l'une d'entre elle disparait par là, ça devrait pas déranger quiconque. Surtout qu'on en garde quelques unes qu'il serait criminel d'utiliser comme simple désinfectant !


Sa dernière phrase résonnait encore dans ma tête. Comme si elle voulait dire plus que ce qu'elle en disait. Je lui donnais une bourrade dans l'épaule en souriant toujours, cette phrase, cette unique phrase m'ayant rendu de très bonne humeur. Il fallait que je le lui dise. Cet impératif s'imposa rapidement à moi, comme si je n'avais pas rendu une politesse. Je souris toujours, mais cette fois, c'était un sourire de joie pure.


- Hé, Léonie. Sincèrement. Je suis content que tu sois là.


Voilà, pas grand-chose, à peine quelques mots, mais l'essentiel était dit. Enfin, presque. Disons que ça irait pour l'instant. Je continuais à marcher à côté d'elle, totalement convaincu d'avoir fait le bon choix en étant allé à sa poursuite. Elle méritait de porter ce sourire qui lui allait si bien, et de ne pas être malheureuse. Alors, en fin de compte, j'étais peut-être pas si mauvais pour le réconfort. Et tant qu'elle était heureuse, comment ne pas l'être ? Son sourire était trop contagieux, son rire, trop communicatif. A marcher à ce point au hasard je finis par perdre totalement l'endroit où nous étions, et je jetais un oeil autour de nous.


- C'dingue ça, je sais pas où on est, soldat, dis-je en souriant. Comme quoi, il t'en faudra peut-être peu pour gagner ton bizutage. Je consultais ma montre, pour m'apercevoir que j'étais décidément trop en retard pour aller à l'hôpital. Et puis, je n'avais pas vraiment envie d'y aller non plus. Déjà qu'avant je traînais un peu des pieds… Et bien maintenant il y avait Léonie, et j'avais envie de passer chacun de mes moments libres avec elle. Moi, collant ? Mais pas du tout… Si peu, si peu. A ma décharge, j'avais trouvé en elle quelque chose auquel me raccrocher, ça me donnait bien le droit d'être accro à sa personne, non ? Dis moi, t'as d'autres patients à voir aujourd'hui ? Trop tard pour rattraper mes paroles. C'était complètement idiot de lui demander, je ne pouvais simplement pas rester, j'avais des obligations, je devais faire quantité de choses… Mais je ne pouvais m'y résoudre. C'était c*n, mais je n'avais soudainement aucune envie de les faire. Du moins, tant qu'elle n'était pas derrière moi, à me houspiller pour que je me mette au boulot. La pensée avait de quoi faire sourire, ce que je fis sans problème d'ailleurs. Pas que j'ai une idée de quoi faire… Mais si t'es dispo, et si tu veux, j'pourrais vous emmener déjeuner tout à l'heure, princesse. Je dis tout à l'heure, parce que je prends en compte le temps qu'il va nous falloir pour nous retrouver.


Je me sentais bête. Enfin, pas à prendre au sens négatif, mais plutôt, au sens où j'avais l'impression de redevenir un gamin, à n'en faire qu'à sa tête, à dire n'importe quoi, et à faire n'importe quoi. J'avais jamais été un prétentieux maniéré, mais je gardais généralement toujours une certaine distance avec les choses. J'me sentais revivre tout simplement. Et la seule personne que je pouvais remercier était la femme merveilleuse à côté de moi. J'avais pas le droit d'en demander plus au bon Dieu, il avait déjà suffisamment accompli de miracles.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyDim 12 Mai - 10:21

Ninnie, le surnom maudit ! Non, mais, c'est vrai, il était étrange ce surnom. Enfin, il entrait dans son jeu et c'était agréable de respirer un peu. Ses yeux étaient encore légèrement rougis par les larmes, mais elle avait de nouveau envie de rire. Définitivement, elle se sentait de mieux en mieux, pour ne pas dire bien. Elle l'écouta en souriant. Du bizutage ? Argh. Déjà en première année de psychologie elle y avait eu le droit, même si ça s'était terminé bizarrement, puisqu'elle s'était échappée vers le milieu de soirée pour retrouver Maxime, bien loin des étudiants et de leur univers déjanté. Non, vraiment, le bizutage, très peu pour elle. D'un autre côté, elle ne voulait pas se laisser déshonorer. C'était quand même son deuxième prénom ça ! Blague à la Reh puissance mille, elle se mit à rire devant la bêtise de ses pensées, mais également en entendant ce que ce pauvre Talbert avait traversé. Mais c'est... Dégueulasse ! Raah, non ! Oh mon pauvre ! Elle fit une magnifique grimace. Des entrailles de grenouilles, sérieusement. Même la deuxième épreuve lui parut plus simple. Non, vraiment, c'était juste ignoble. Elle mit une mèche de cheveux derrière son oreille alors qu'il continuait à parler. Un truc bien particulier pour elle ? En temps de guerre, dans un endroit où les gens -dont elle- haïssait les militaires, avec des ressources limitées et un lieutenant sur les nerfs, il avait réussi à trouver un truc ? Soi, cet homme était un génie, soi, il était totalement inconscient. Je ne sais pourquoi, mais Léonie pencha pour la deuxième solution. Logique, les militaires étaient tous des idiots. Et bam.

Elle paraît aisément ses coups, avec le sourire. Arrête, je vais te faire mal.. ! Comme si c'était crédible. Néanmoins, il la saisit pour lui ébouriffer les cheveux et, surprise par ce geste, elle poussa un petit cri, avant d'essayer de se dégager en riant. Il allait falloir qu'il comprenne un jour qu'elle n'était pas un de ses potes de l'armée, non, mais ! Elle était quand même censée le détester tout en le respectant. A la base. C'était très mal parti d'ailleurs. Nooon, Talbert, arrête ça ! Tout cri était vain, elle s'en rendit vite compte, pauvre petite adolescente mal-traitée par ses collègues ! Enfin, elle l'écouta cependant et, tout en se dégageant, ne parvint pas à s'empêcher de rire. Chef, oui chef ! Je relève le défi ! De toute façon, tu n'as aucune chance contre moi ! Au pire, ne t'en fais pas, je mettrai un matelas à côté de toi, comme ça, tu te feras moins mal en t'écroulant ! Grand sourire innocent. Depuis quand n'avait-elle pas joué à ce petit jeu ? Cela remontait bien à deux, voire trois semaines quand même. Si loin ! Cela commençait à faire beaucoup en fait. Elle commença même à ne plus croire un mot de ce qu'elle disait. A tous les coups, elle ne tiendrait pas plus de quatre verres. Sur le moment, cela lui sembla dérisoire comme nombre. Ridicule.

D'ailleurs, il enchaîna par une phrase qui lui fit chaud au coeur. Il semblait sincère, cela faisait plaisir. Elle regardait ses pieds tout en marchant, souriant vaguement. Ce genre de phrase avait le don de la faire rougir, de lui faire perdre tous ses moyens. Cela était visible, mais pour une fois, cela ne l'embêtait pas. Quel mal y avait-il à ce qu'il voit qu'il venait de lui faire plaisir ? Aucun. C'était pourtant clair. Elle finit par relever le nez et Hum. Voilà, voilà. Elle balaya l'endroit du regard. Les rues se ressemblaient toutes. Ce n'était pourtant pas si grand ici ! Je crois que... Euh. Non, en fait, je ne sais pas du tout par où il faut aller pour... Pour retourner où ? Au camp ? A l'hôpital ? Elle avait arrêté sa phrase au bon moment. Elle n'avait pas envie d'aller où que ce soit. Elle se mit sur la pointe des pieds et regarda le cadran de la montre du militaire par-dessus son bras. Oh put... Déjà ?! Le temps avait défilé à une vitesse ! Elle n'en revenait pas. Son regard croisa celui de l'infirmier et elle se mit à rire. Déjà que Raulne ne l'aimait guère plus que cela, si en plus il voyait qu'elle désertait complètement, elle allait se faire arracher la tête. Talbert fini par lui demander si elle avait d'autres patients aujourd'hui et elle ne put s'empêcher de le regarder avec des yeux ronds. Venait-il d'envisager la possibilité de ne pas faire son boulot ? Oh, JB ! Il aurait dû avoir honte le gentil petit médecin ! Pourtant, elle ne parvenait pas à se résoudre à lui donner un coup de pied aux fesses pour l'envoyer bosser. Il se reprit rapidement, ce qui la fit également sourire. Finalement, elle haussa les épaules et lui fit une révérence complètement exagérée. Ce n'était pas comme ça que saluait les princesses ? Non mon prince, mon second patient est à seize heures, quand au lieutenant Raulne, il peut gentiment aller se faire voir s'il a quoique ce soit à redire là-dessus. Mais, vos obligations, mon cher ? Pouvez-vous réellement vous en échapper ? Si jamais quelqu'un apprend que vous... Elle s'arrêta net.

Face à eux, venaient de tourner au coin de la rue trois militaires. Franchement, elle les aurait volontiers ignorés, si Talbert et elle n'avait pas été en faute. En faute grave quelque part, puisqu'ils flânaient plus ou moins en ville plutôt que de sauver des vies. Enfin, pour sa part à lui, puisqu'elle ne faisait que faire remarcher les esprits. Sans réfléchir davantage, elle saisit le poignet du militaire et l’entraîna à sa suite dans une minuscule cour pleine de cartons, très certainement affiliée à un magasin. En effet, une porte restée ouverte laissait entrevoir l'arrière-boutique d'une sorte de dépôt-vente. Elle se colla au mur, profitant d'un carton pour se dissimuler derrière et s'accroupit pour définitivement disparaître du champ de vision qu'aurait pu avoir quelqu'un passant dans la rue. Bien sûr, n'ayant pas lâché le poignet du militaire, elle le força à faire de même. Une espèce de cache-cache puéril pour éviter la punition ! Elle posa un indexe sur ses lèvres pour lui faire signe de se taire, mais elle-même avait du mal à se retenir de rire. D'ailleurs, l'espace dans lequel ils se trouvaient était si minuscule, qu'elle sentait dans son dos la cage thoracique du militaire se gonfler à chaque respiration. Quelques secondes passèrent, silencieuses, avant que les militaires ne passent, devant l'entrée de la cour. Elle entendit des brides de conversation. Rationnement, civils, guerre. C'était tellement plus amusant de parler de bizutage, d'alcool et de princesse ! A cette pensée, elle plaqua une main sur sa bouche pour dissimuler son sourire. Une fois les hommes passés. Elle attendit encore un peu, avant de se tourner vers Talbert. On a... Woho ! Ah, oui, non, il était vraiment proche. Elle ne s'y attendait pas. Tellement pas, qu'elle sursauta et bascula en arrière, tombant les fesses les premières dans une petite montagne de carton. Heureusement, ils avaient bien amorti sa chute et elle le regarda fixement avant d'éclater de rire, les joues complètement rouges, les mains plaquées sur le visage pour ne pas le montrer, ou du moins, le moins possible. Pardooon ! En fait, non, elle n'était pas désolée, mais heureuse.
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyDim 12 Mai - 13:41

A vrai dire, mes obligations n'en étaient pas vraiment : j'étais certes censé aider l'hôpital, mais je n'avais reçu aucun ordre absolument spécifique allant dans ce sens. Alors, pourquoi ne pas m'accorder un jour de congé ? C'était même pas comme si j'avais un rendez vous pour une opération, quelque chose qui m'aurait vraiment fait culpabiliser… Je me cherchais des excuses, c'était évident, mais c'était tant pis. Mes excuses m'allaient parfaitement. Léonie s'arrêta de parler à la vue des militaires devant nous, comme si nous étions deux élèves ayant séché les cours. Je ne leur aurait prêté aucune attention si elle ne s'était pas arrêté subitement de parler d'ailleurs. Il suffisait d'avoir un peu d'assurance, de les saluer, et ils ne se seraient probablement jamais rendus compte que nous n'étions pas en service. Mais c'était apparemment une solution trop simple pour ma psychologue, qui me saisit le poignet pour m'emmener je ne savais où. Toujours est-il que je ne résistais pas, et la suivis avec un air amusé, me cachant avec elle derrière des cartons. Elle se colla à moi en m'intimant le silence, son doigt sur mes lèvres me forçant à me mordre pour ne pas rire, et je pouvais voir qu'elle avait aussi bien du mal à se retenir. Je levais les yeux au ciel pour essayer de contenir mon rire, alors que le moment crucial où les militaires passaient juste à côté de nous. Je retins ma respiration, pour ajouter un effort de conviction à la scène. Léonie était incroyablement près de moi, si près que j'aurais pu l'enserrer dans mes bras sans effort. Elle dut s'en apercevoir également puisque lorsqu'elle se retourna, elle eut un mouvement de recul qui l'a fit tomber dans les cartons, et nous éclatâmes de rire tous les deux. Je lui tendis une main pour l'aider à se relever, et la remettant de fait debout. Elle était légère, si légère que je mis un peu trop de force, l'attirant contre moi. Je baissais les yeux sur elle, légèrement gêné de la voir si proche… avant de m'écarter d'un pas en arrière, retrouvant rapidement le sourire, et une respiration normale. Je venais de m'apercevoir que j'avais en effet cessé de respirer quand elle s'était tenue près de moi. Elle avait toujours les joues empourprées, et je ne pus m'empêcher de le lui faire remarquer.


- Hé bien alors ! On se moque de moi dès que mes joues commencent à rosir, à cause du froid, soit dit en passant, affirmais-je avec innocence, mais alors toi, c'est carrément une fournaise !


Je me retournais pour jeter un coup d'oeil dans la rue, histoire de vérifier que les militaires étaient bien partis, satisfait de les voir disparaître plus loin. J'adressais un léger signe derrière moi, mon index rejoignant mon pouce pour dire que tout était bon. Puis je me retournais vers cette petite cours, regardant le contenu des cartons pour ne rien y trouver. Etrangement, la boutique me rappelait quelque chose, et je poussais doucement la porte en souriant. L'endroit était vide, et des banderoles interdisaient l'entrée principale. Je reconnus enfin les lieux.


- Je crois.. Je crois qu'on est chez le laitier ! dis-je en avançant dans la pièce vide. La boutique doit être fermée. Ce qui veut dire… Qu'on est à l'opposé de l'hôpital, puisque si je me rappèle bien, on a pas eu le temps de l'y emmener.


Etait-elle déjà arrivé quand ces avions nous avait survolés ? Je n'aurais su le dire. J'étais perdu à ce moment. Je faisais mon boulot, et point barre. Je ne faisais rien d'autre. J'avais perdu tout espoir qu'on s'en sorte. Plus maintenant. Maintenant, je voulais qu'on s'en sorte, tous ensemble. Je me battrais pour ça. Je me retournais vers elle pour le lui demander.


- Dis moi, t'es arrivée comment ici ? J'veux dire… C'est plutôt paumé comme coin. Si tu venais de Cherbourg, ça devait être une petite trotte à pieds, non ? M'enfin, je vais pas me plaindre. J'aurais fait comment sans ma psy préférée ?


Je n'attendais pas spécifiquement de réponse, il m'arrivait de réfléchir à voix haute, l'air de rien, alors que je contemplais le plafond, braquant parfois ma lampe torche sur quelques ombres difformes. Ouais, on était bien chez le laitier. Les bouteilles ornaient les murs, vides. On devait déjà avoir fait le ménage par ici. Je finis par ressortir. Visiter des demeures lugubres où plus personne n'habite, ça avait de quoi jeter un froid. Je sortis d'une petite poche le plan que j'avais tracé à la main de la ville durant les premiers jours, la regardant avec un grand sourire.


- Soit toujours préparée ! Même quand tu dessines aussi mal que moi ! Ce qui, de fait, était le cas. La ville ressemblait à un plat de spaghettis, les ruelles disposées de façon étranges, et certaines ratures venant achever l'ensemble. A mes yeux, c'était totalement compréhensible. Enfin, presque… Bon. Ce qui fait que je suis loin de l'hôpital où je n'ai pas envie d'aller. Et pour vous répondre, princesse, non, je ne manquerais pas à l'hosto. Ils pourront bien se débrouiller sans moi quelques temps, non ? Pas comme si j'y passais mes nuits les autres fois, donc bon, dis-je en riant. Ce qui fait qu'on est plus près de la mairie et du camp que de l'endroit qui menace de me kidnapper. On fait quoi ? demandais-je, avec ce souvenir très particulier de moi gamin séchant les cours demandant si on va acheter des bonbons.


J'aurais bien eu envie de rejoindre la mer proche, sous un grand soleil, et d'y faire une longue balade, mais malheureusement, le soleil semblait bien loin de ré-apparaître derrière ses nuages gris, et quitter la ville aurait été la bêtise de trop. Alors je ne savais pas. Je préférais éviter de réfléchir tant que je le pouvais. Et, avec Léonie, c'était facile. Elle avait un petit quelque chose qui faisait qu'on n'avait pas envie de se prendre la tête. De profiter de l'instant présent, sans arrière pensée. Ça faisait un bien fou ! Je jetais de nouveau un oeil dans la rue, comme guettant l'arrivée de quelqu'un.


- Dit moi, tu te caches dans les cartons avec tous tes patients ? demandais-je en me retournant pour lui dévoiler un sourire malicieux. Allez viens, filons trouver une meilleure cachette avant que d'autres hommes à Raulne ne débarquent. Faudrait pas qu'on se fasse choper à sécher les cours, pas vrai ?


Encore cette envie de faire tout et n'importe quoi, considérant cette petite ville comme un immense terrain de jeu, où il n'y aurait plus que moi, et elle. Moi, ça m'allait parfaitement. Jouer à cache cache dans les rues de la ville, c'était toute mon enfance !
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MessageSujet: Re: Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé]   Allez, viens, on va jouer ! [Livre I - Terminé] EmptyVen 24 Mai - 18:02

Il avait une manière de sourire, une manière de rire, si communicative, qu'elle ne pouvait s'empêcher de rire avec lui. Elle savait que c'était mal. Elle savait au combien elle avait tort, mais elle ne parvenait pas à écouter ce que lui hurlait sa tête. Son coeur parlait pour elle et riait avec lui. Alors, elle s'était résolue à le laisser mener la danse, parce qu'elle méritait ce moment de repos, ce moment d'insouciance. Elle en était persuadée. Peut-être avait-elle tout faux ? Peut-être que la mort d'Alice devait la forcer à demeurer morose et triste, pour le restant de ses jours, seulement animée par la colère d'avoir tout perdu ? Pourtant, JB s'était mis en travers de son chemin et c'était certainement l'une des plus belles choses qu'il ne lui était jamais arrivé. C'est pourquoi, elle saisit la main qui lui tendait sans aucune hésitation, avec la folle envie de lui sauter au cou pour le remercier de sa simple présence à ses côtés. Bien sûr, elle n'en fit rien et le laissa la relever. D'ailleurs, il n'était pas bien dur de porter la jeune femme et cette dernière, en véritable poids-plume, fut entraînée par son élan au moment de l'atterrissage. C'est à peu près comme ça, par hasard et par chance, peut-être, qu'elle se retrouva littéralement dans les bras de l'infirmier. L'espace de quelques secondes, tout au plus. Le temps de relever le regard vers lui, lentement, avant de lâcher sa main, en apnée, tentant tant bien que mal de ne pas rougir plus qu'elle ne l'était déjà, en vain. Il recula d'un pas, elle en fit de même, un sourire gêné sur les lèvres, accueillant sa remarque d'un air mécontent. Elle posa les paumes de ses mains contre ses joues. Un peu de respect je te prie ! Il... Il fait froid.. ! Mensonge, monumental, soit dit en passant. Il n'était pas mieux à vrai dire. Un vrai gamin. Deux vrais gamins pour être précise. Et après ? Il n'y avait aucun mal à cela ! Elle le regarda donc s'éloigner pour vérifier si la rue était déserte ou non, en passant une main sur son avant-bras pour se réchauffer. Elle n'en était pas au point de frissonner, loin de là. D'ailleurs, elle ne savait même pas pourquoi elle avait froid, alors qu'il y a quelques secondes à peine, elle était si bien. Cela vous paraît évident ? Cela ne l'était pas. C'était loin de l'être.

D'un petit signe il lui fit comprendre que la voie était libre et elle se détendit. Ce n'était pas vraiment le moment de se faire griller à traîner dans les rues. Ils étaient en droit d'appréhender la réaction de Raulne, non ? Enfin. Il entra dans la boutique et elle le suivi en silence. L'endroit était fichtrement glauque, elle détestait ça, et restait planquée dans le dos du militaire, comme si on ne sait quel monstre allait surgir de l'ombre pour la dévorer. Il évoqua la boutique du laitier, elle n'en comprit pas un mot. Tout cela ne lui rappelait pas grand-chose. Il faut dire qu'elle n'était pas à Louisville depuis si longtemps. C'était une bonne excuse pour ne pas être au courant de tout, n'est-ce pas ? D'ailleurs, s'il avait raison et qu'ils étaient bien à l'opposé de l'hôpital, alors il aurait été dommage de perdre du temps à y aller ! Elle leva les yeux vers lui pour lui répondre. Oui, à pied ! J'ai mis le temps qu'il faut, mais je suis arrivée, c'est le principal ! Elle lui tapota l'épaule. Comment aurais-tu fais sans moi, hein ! Ça, je me le demande ! Elle jeta un dernier regard aux étagères poussiéreuses et aux bouteilles vides avant de le suivre à l'extérieur.

Une fois dans la cour, elle jeta un coup d’œil à la rue. Une dernière fois, pour s'assurer qu'elle était bien seule. Néanmoins, il se mit à parler et elle s'approcha du plan qu'il tenait, regardant cet amas de traits disgracieux avec curiosité. C'est très... Elle chercha les mots. Abstrait ? Oui, voilà, ça doit être ça, abstrait ! Le sourire qui trônait sur ses fines lèvres s'élargit doucement. Malgré le ton un peu ironique qu'elle avait pris, elle n'était absolument pas moqueuse. Au contraire, elle admirait même son organisation, elle qui ne parvenait même pas à ne provoquer aucune catastrophe, au moins l'espace d'une petite heure. Instinctivement, elle vérifia sa poche. Ses doigts caressèrent la tranche du carnet dans sa poche. Il faudrait qu'elle y dessine un plan, elle aussi, un jour. Tu pourras me le passer ? Comme ça, j'essaierai de le refaire. Nouveau sourire, parfaitement innocent. Enfin, le refaire... En mieux quoi. Il lui posa alors la question à laquelle elle ne parvenait pas à trouver de réponse. On fait quoi. Elle haussa les épaules. Elle aurait dû répondre « il faut que tu ailles donner un coup de main à l'hôpital, patate, avant que Raulne ne voit que tu traines dans les rues avec l'ado du groupe. », mais en fait, rien ne sorti et elle se contenta de regarder le plan, pensive. On prend le prochain bus jusqu'à l'aéroport le plus proche, on saute dans un avion en partance pour les Canaris et on s'offre des vacances. C'est un bon plan ça, non ? Excellent. Mais pour l'apprécier pleinement, il fallait simplement oublier qu'on était en temps de guerre, que les Canaris n'existaient probablement plus et que, ce contexte apocalyptique, offrait aux hommes la fin du monde. Bref. Un peu de rêve ne fait pas mal, hein ? Non, en fait, ça faisait un bien fou.

Quand elle le vit s'éloigner une nouvelle fois, elle fronça les sourcils et s'avança doucement vers la rue. Du coup, quand il se tourna de nouveau vers elle, elle dû reculer d'un pas, comme si de rien n'était, pour ne pas lui rentrer dedans. Maladroite petite fille qu'elle était. Elle répondit néanmoins à son sourire avant d'agiter négativement son doigt. Seulement avec ceux qui m'empêchent de me prendre une balle. Un léger éclat de rire vint briser le court silence qui venait de s'installer. Elle passa devant lui et se planta en plein milieu de la rue. Inspirant profondément, mains sur les hanches, elle fit volte face et planta son regard dans le sien. Hors la loi ! Elle lui fit un grand sourire. Pour aller où, hein ? Nouvelle question sans réponse. Nulle part Léonie, nulle part. Ouais, c'est à peu près ça. Non, en fait, on s'en fiche. Elle revint vers lui, lui saisit le poignet et l'entraîna à l'opposé du camp. A l'opposé de tout. On ne sait trop où. Tu vas voir, je vais te trouver une planque de dingue, tu ne voudras plus en sortir ! Elle se tourna vers lui en riant. Un jour de guerre un peu particulier. Voilà ce que serait ce moment passé à traîner. Ça va être... Super ! Et, en effet, la journée fut « super ».

Fin
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